La Libre Pensée s’adresse à la jeunesse

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Motion du Congrès national de la Libre Pensée sur le Service National Universel

Non à l’embrigadement de la Jeunesse !

Aux termes de l’article L. 111-2 du Code du service national actuellement en vigueur « Le service national universel [SNU] comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l’appel sous les drapeaux. / Il comporte aussi un service civique et d’autres formes de volontariat. / La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l’esprit de défense et de concourir à l’affirmation du sentiment d’appartenance à la communauté nationale, ainsi qu’au maintien du lien entre l’armée et la jeunesse. / L’appel sous les drapeaux permet d’atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la Nation. » L’appel sous les drapeaux ayant été suspendu en 1997, le SNU comprend donc aujourd’hui un enseignement de la défense en milieu scolaire, le recensement des jeunes âgés de seize ans en vue d’une éventuelle incorporation et une journée défense et citoyenneté (JDC)(1). En ce qui concerne le premier de ces trois éléments, l’article L. 312-12 du Code de l’éducation prévoit que « Les principes et l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne ainsi que l’organisation générale de la réserve font l’objet d’un enseignement obligatoire dans le cadre de l’enseignement de l’esprit de défense et des programmes de tous les établissements d’enseignement du second degré. / Cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-Nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense. »

Le Président de la République entend revoir le dispositif actuel en vue d’embrigader entièrement la jeunesse. Initialement, il envisageait de rétablir un service national de plusieurs mois, dont la gestion aurait été confiée à l’armée. Devant l’hostilité des militaires, désormais attachés à l’armée de métier, et compte tenu du coût très élevé de ce projet, il s’est résolu à réduire ses ambitions. Le 18 avril 2018, le général de division Daniel Ménaouine a remis un rapport au Président de la République qui fixe les contours du SNU à venir dont l’expérimentation a commencé, conformément aux annonces faites par le Premier ministre en juin 2018. En premier lieu, il s’agit d’obliger l’ensemble d’une classe d’âge à participer, durant les congés scolaires, à une « période de cohésion » d’un mois au cours de l’année qui suit la troisième, soit à partir de quinze ans. Celle-ci comprendra une phase de sensibilisation à la défense, une évaluation individuelle (santé, compétences) de chaque jeune et des activités de groupe.

Compte tenu des contraintes matérielles, l’hébergement des appelés au SNU devra être limité à quinze jours, pour l’essentiel dans des lycées, y compris catholiques si l’on en juge par la désignation d’un établissement confessionnel à Pontoise pour mener l’expérimentation imminente. Le deuxième module, axé sur la propagande pour l’engagement, sera organisé en prévoyant un retour au domicile des parents. En second lieu, sera proposé à chaque jeune âgé de seize à vingt-cinq ans « un engagement volontaire au service du pays », à caractère militaire, policier ou civil, pour une durée de trois à six mois. Une partie importante du secteur associatif (environnement, culture, action sociale, santé, numérique, protection du patrimoine) bénéficiera de la modalité civile de cet engagement qui lui apportera une main d’œuvre gratuite.

Le SNU est inacceptable pour des raisons de principe et des motifs juridiques. Il constitue une sorte de réplique des Chantiers de jeunesse créés par le Régime de Vichy et placés, de 1940 à 1944, sous la tutelle conjointe d’un militaire, le général Joseph de La Porte du Theil, et du secrétariat d’État à l’Éducation nationale et à la jeunesse d’alors. Il vise à bourrer le crâne de tous les mineurs de quinze ans, pour tenter de les contraindre à appuyer les opérations militaires extérieures menées par la France et, plus généralement, à se conduire comme de bons petits soldats dans l’existence. C’est ainsi que le document officiel pour le SNU indique : » « A 6h30. La journée débute par la levée des couleurs, cérémonie pendant laquelle on lève le drapeau français et chante la Marseillaise ».

Sur le plan juridique, le projet appelle les plus vives critiques. D’une part, l’expérimentation commencée ne repose sur aucune base légale. D’autre part, la loi qui rendra obligatoire la première étape du SNU pourrait être contraire à la Constitution, dès lors qu’une conscription obligatoire ne peut revêtir qu’un caractère militaire, l’article 34 prévoyant que « La loi détermine les principes fondamentaux : / – de l’organisation générale de la défense nationale ; ». C’est le seul critère autorisé par la constitution, un enrôlement généralisé des citoyens ne peut se faire que dans un cadre militaire. Or, le SNU ne rentre pas dans ce cadre-là stricto sensu.

Enfin, sans préjudice du fichage d’une classe d’âge, le SNU dans sa forme future pourrait contrevenir à la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui dispose que « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » Quel intérêt supérieur pourrait justifier de contraindre des adolescents à répondre à une conscription obligatoire pendant les congés scolaires ?

De l’aveu même du général de division Daniel Ménaouine et des membres de son groupe de travail, le SNU risque de susciter de vives contestations. : « On ne doit pas dissimuler l’ampleur des oppositions qui, sans doute minoritaires aujourd’hui, pourraient demain concerner, de manière plus significative, les principaux intéressés, c’est-à-dire les jeunes, et leurs organisations. On ne doit pas non plus dissimuler la facilité avec laquelle des adhésions de façade ou de principe pourraient, confrontées aux difficultés, au coût financier, aux incidents de démarrage, ou en constatant l’opposition des jeunes eux-mêmes, se retourner en opposition d’abord latente puis ouverte, ou plus simplement en désintérêt et en passivité. »

Alors, avec la jeunesse, avec les parents d’élèves, avec les enseignants qui vont être appelés à encadrer le dispositif sous la houlette des militaires, avec les citoyens qui dénoncent la ponction budgétaire sur les moyens consacrés à l’instruction publique, en considération de tout ce qui précède, le congrès d’Alizay de Fédération nationale de la Libre Pensée :

Dit non à l’embrigadement de la jeunesse

Exige le retrait du SNU !

Le Congrès national de la Libre Pensée appelle les Fédérations départementales de la Libre Pensée à s’associer aux initiatives unitaires contre le SNU, notamment avec l’UPF, qui a initié un collectif, et à multiplier des conférences publiques avec, en particulier l’UNEF et l’UNL, pour réunir les jeunes contre ce projet et à diffuser largement la brochure numérique de la Libre Pensée sur le SNU.

  1. Nouvelle dénomination de l’ancienne journée d’appel pour la préparation à la défense.

Adoptée à l’unanimité