Lettre ouverte à Gérard Larcher, Président du Sénat
par André Bellon, Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale
Paris, le 17/08/2019
Monsieur le Président,
Vous comprendrez cette interpellation publique dont le seul but est de favoriser le débat le plus large possible sur les évènements inquiétants qui affectent notre vie collective.
Vous avez-vous-même d’ailleurs largement contribué à ce débat à plusieurs reprises. Le 20 juin 2019, vous avez déclaré à propos de la pétition pour demander un référendum sur la privatisation d’ADP : « Très clairement, c’est un détournement de démocratie représentative ». Vous avez condamné, par ailleurs et non sans raison, le 30 juillet, les violences qui se développent, en particulier contre les élus : « Chaque fois qu’on s’attaque à des Elus, physiquement ou via leurs permanences, quelle que soit leur couleur politique, c’est la démocratie qu’on veut affaiblir ». Votre collègue Jean-Pierre Raffarin a abondé dans le même sens, considérant que « La politique a justement été inventée pour se substituer à la violence. La démocratie c’est aussi le respect ».
De telles déclarations apparaissent, en elles-mêmes, conformes aux principes républicains qui doivent sans cesse être rappelés, le Président du Sénat étant d’ailleurs tout à fait dans son rôle en s’exprimant sur ces questions. Elles sont néanmoins critiquables par ce qu’elles ne disent pas. Car elles font l’impasse sur la crise actuelle de la représentation qui plonge le citoyen dans le désarroi en le privant des pouvoirs de contrôle qui sont les siens sur les décisions qui s’appliquent à lui. Par ailleurs, elles occultent le contexte de violences policières qui ont conduit à des dizaines de mutilation à vie, violences dont se sont publiquement inquiétés le défenseur des droits Jacques Toubon et le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme Jean-Marie Delarue.
La nécessaire protection des Elus, le refus de la violence, ne sauraient se faire dans l’oubli des interrogations aujourd’hui nécessaires sur la nature et le fonctionnement de la représentation nationale. Elles ne sauraient non plus passer sous silence, s’agissant des Elus, les initiatives et les questionnements de nombreux maires ruraux qui cherchent à donner leur réponse à la grave crise de la démocratie.
Nous sommes dans une période de grande incertitude quant aux rapports entre les citoyens et les Elus. Certes, les élections de 2017 ont désigné des représentants, mais considère-t-on que la question est close lorsque les députés sont élus par moins de 40% des inscrits ? Une première dans l’histoire démocratique de la France. Considère-t-on comme normal que le Président de la République dispose des pouvoirs que lui octroie la constitution alors même que le fractionnement inédit des votes du premier tour, éclatés en 4 blocs autour de 20%, voire cinq si on ajoute un bloc votes blancs/abstentions, laissait entendre que les électeurs n’étaient réellement convaincus par personne et que leur vote était, sur un fond de confusion, un mélange d’interrogation et de rejet ? Le score de 43% des inscrits seulement au deuxième tour ne pose-t-il aucun problème ? A partir de quand la question de la légitimité se pose-t-elle ?
La confiance diminue dans un système qui est de moins en moins perçu comme permettant une représentation juste des citoyens dans leur diversité de pensées et d’opinions. Cette fragilisation atteint tous les élus où qu’ils se trouvent sur l’échiquier politique. Chacun d’entre eux doit en avoir conscience sous peine de cautionner un autoritarisme rampant déjà manifesté d’ailleurs depuis le non-respect du vote des Français exprimé le 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen.
Il ne s’agit pas, Monsieur le Président, de savoir si la démocratie représentative tend à être renversée par une démocratie dite participative (quelle est-elle d’ailleurs ?). Il s’agit de savoir si les citoyens se sentent représentés, s’ils le sont réellement et, si ce n’est pas le cas comme on peut raisonnablement le penser, d’accepter enfin le débat nécessaire sur le bon fonctionnement des institutions. L’exigence du respect doit s’appliquer à tous, représentants et représentés. C’est cela aussi, les principes démocratiques et républicains.
Rappelons que, suivant l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, d’ailleurs inscrite dans le préambule de notre constitution, « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » et que, suivant son article 16, « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Il est à craindre que nous ne soyons qu’au début d’un cycle d’affrontements et de violences dont la solution ne peut se trouver que dans un lien renoué entre les citoyens et leurs institutions.
Il est urgent de remettre à plat notre vie publique. Compte tenu de la profondeur de la crise et des menaces qui pèsent sur notre démocratie, la réforme institutionnelle ne saurait se limiter à quelques cénacles. Elle doit émaner de l’ensemble des citoyens. Tout particulièrement, la démocratie communale peut représenter un ancrage fructueux pour la reconstruction du corps politique. L’enchainement des évènements et le déséquilibre des pouvoirs vous confèrent, de ce fait, une place particulière.
Veuillez croire, monsieur le Président, à l’assurance de ma considération distinguée.
André Bellon
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Monsieur Saurel : Qu’êtes-vous allé faire dans cette galère?
Les fêtes de la Saint-Roch des 15 et 16 août viennent de se terminer, et comme nous pouvions le craindre, c’est à nouveau un spectacle pitoyable auquel nous avons assisté : Philippe Saurel, maire de Montpellier en écharpe, piétinant la laïcité au milieu des catholiques traditionalistes, pour tenter de séduire des parts d’électorat en vue des élections municipales de 2020.
En effet, d’un côté, la municipalité et l’association internationale « Saint-Roch » ont clamé que le religieux et le festif étaient bien dissociés pour cette édition 2019 ; de l’autre, on a assisté à une débauche de processions et de messes où les habits ecclésiastiques côtoient les écharpes tricolores. Personne pour le moment n’a osé dire ; « rien à voir avec la religion, c’est juste une fête ».
Pendant deux jours, le maire de Montpellier n’aura pas ménagé sa peine, sous les yeux attentifs de « Monseigneur » Carrén archevêque de Montpellier, en rejouant une fois de plus la musique de la « réalité historique » de « Saint-Roch » (chose sur laquelle nous nous sommes déjà expliqués [1]) et en tentant d’affirmer que tout cela était conforme à la laïcité.
Sans le reconnaître ouvertement, c’est aux arguments de la Libre Pensée que M. Saurel a tenté laborieusement d’apporter une réponse
Comme pour se rattraper d’avoir dû éliminer les messes et les références trop ouvertement religieuses du programme, cette année, la débauche de symboles religieux a même fait tousser quelques participants. Ainsi, comme le relève la presse locale comme le Midi Libre du 17/08 (page 5), cette année, la manifestation religieuse s’est « radicalisée« , ce que d’autres ont appelé un « retour aux traditions ».
Philippe Saurel espère ainsi, vraisemblablement, rafler quelques voix, chères en ces temps de défiance envers la macronie et ses alliés. Pour être explicite, l’actuel maire de Montpellier a carrément déclaré : « Si le ciel, qu’on y croît ou pas, pouvait nous donner un peu de temps pour travailler avec la ville » Mais contrairement aux pains, les voix catholiques ne se multiplient pas, et il est pet peut être hasardeux de se contornionner au milieu des scteurs les plus traditionnalistes des catholiques de Montpellier pour chercher à remporter les prochaines élections municipales. Dans ces conditions, on peut comprendre les invocations en direction du ciel. Il faut en effet croire aux miracles ou envisager un pélerinage à Lourdes pour tenir une telle position.
La Libre Pensée estime qu’il est grand temps d’arrêter ce bateau ivre, cette galère dans laquelle s’est enformé le Maire actuel. Montpellier n’a pas de saint, réel ou inventé. Montpellier est dans la République, Montpellier est laïque, et la laïcité, c’est la séparation des institutions de l’Etat d’avec les religions, qu’elle ne reconnaît ni ne promeut (loi de 1905, article 2).
Montpellier, le 17 août 2019
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Conférence pour la réhabilitation des Fusillés de 1914-1918
Source : Corse Matin île – vendredi 16 août 2019 :
Conférence de Jean-Marc Schiappa, Président de l’IRELP, l’Institut de recherches de la Libre-Pensée (et par ailleurs père de la Secrétaire d’État Marlène Schiappa). Son intervention à Aullène portait sur les fusillés de 14-18. À ses côtés à la tribune, outre le maire d’Aullène, et Jackie Poggioli, le député Paul-André Colombani et Dominique Bucchini, ancien Président de l’Assemblée de Corse.
C’est une nouvelle étape dans la mobilisation pour réhabiliter les Fusillés de 14-18 qui a été enclenchée à Aullène le 9 août, à l’initiative de la municipalité et de Jackie Poggioli, journaliste à ViaStella et réalisatrice d’un documentaire sur ce sujet.
Cette journée a eu lieu à l’occasion de la restauration du monument aux morts du village, le seul de l’île et de l’Hexagone à être à l’effigie d’un soldat passé par les armes : Joseph Tomasini.
La cérémonie s’est déroulée en présence d’une très nombreuse assistance, parmi laquelle se trouvaient plusieurs maires de l’Alta Rocca, le député nationaliste de la seconde circonscription de Corse-du-Sud Paul-André Colombani, le sénateur Jean-Jacques Panunzi, Dominique Bucchini, ancien Président de l’Assemblée de Corse, et Jacques Rocca Serra, ancien sénateur des Bouches-du-Rhône. Une délégation de la Libre-Pensée accompagnait par ailleurs Jean-Marc Schiappa, historien appartenant à cette association et invité à Aullène pour une conférence sur les fusillés.
Outre ce chercheur et Pierre Castellani, le maire du village, une allocution a été prononcée par Santa Lucchini, descendante du capitaine Lucchini, maître d’œuvre du monument dont la statue restaurée a été dévoilée par Ghjulianu Poggioli, arrière-petit-fils de cet officier du 173e R.I. C’est ensuite le propre descendant du fusillé, Paul Mazières-Tomasini, 20 ans, qui a fait une intervention, avant que Davia Benedetti n’interprète la célèbre Chanson de Craonne, traduite pour la première fois en corse par Paulu Desanti, à la demande des organisateurs de la cérémonie.
Lors de la conférence qui a suivi devant une salle comble, on notait au coude-à-coude à la tribune, avec Jean-Marc Schiappa et Jackie Poggioli, la présence de Dominique Bucchini et Paul-André Colombani. C’est d’une même voix, concernant les Fusillés, que tous se sont exprimés
Demande pour la réhabilitation des Fusillés
Forts de l’ample consensus qui s’est fait jour depuis des années dans l’île sur le sujet, dans tout le champ politique, les organisateurs de la Journée d’Aullène, appuyés par une majorité de leurs concitoyens, ont demandé aux représentants de la Collectivité de Corse qu’elle promulgue solennellement la réhabilitation des Fusillés insulaires pour l’exemple : cette revendication avait de fait été votée à l’unanimité par l’Assemblée de Corse en 2011 et n’avait reçu aucune réponse de l’État.
Une telle officialisation, d’ordre symbolique, actée à l’échelle de l’île, permettrait selon les initiateurs de cette démarche de faire bouger les lignes concernant, au-delà de la Corse, une réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple de toute la France, qui n’est toujours pas entérinée par la République, malgré de multiples demandes de la société civile.
L’île ferait ainsi office de pionnière, par rapport à l’Hexagone, pour une mesure démocratique que d’autres pays, comme le Canada et le Royaume-Uni, ont adopté depuis des années.
Pour les organisateurs de la Journée d’Aullène, cette initiative de la CdC serait une occasion historique de faire entendre « la voix de la Corse, parlant en son nom propre et demandant justice pour ses fils victimes des conseils de guerre spéciaux, dont les condamnations arbitraires ont été dénoncées même par des officiers supérieurs ». La balle est à présent dans le camp de la Collectivité de Corse. Une affaire à suivre.