Le 7 août 2020, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-805 DC, vient d’anéantir la loi adoptée le 27 juillet 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes, issue d’une proposition déposée le 20 mars dernier par Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente de la commission des lois à l’Assemblée nationale, et M. Gilles Le Gendre, Président du groupe La République en marche (LREM) et soutenue par le nouveau Garde des Sceaux, M. Éric Dupond-Moretti.
Il faut dire que la main des auteurs de cette proposition de loi n’avait pas tremblé : ce texte donnait le pouvoir à la juridiction régionale de rétention de sûreté de Paris de soumettre pendant un an à des mesures de très forte contrainte les personnes ayant commis un acte terroriste et accompli, de ce chef, un peine privative de liberté de cinq ans au moins, puis de les renouveler pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq voire dix ans. Bien que réputées quittes à l’égard de la société, leur existence aurait été, au motif qu’elles auraient présenté un risque élevé de récidive, ponctuée par le respect notamment des obligations suivantes :
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- convocation à tout moment par le juge d’application des peines (JAP) ;
- visites obligatoires à rendre au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ;
- information du SPIP en vue d’obtenir en réalité de celui-ci une autorisation de changement d’emploi et/ou de domicile ;
- demande d’autorisation préalable du JAP avant de se rendre à l’étranger.
La loi du 27 juillet 2020 allait si loin dans l’atteinte aux libertés individuelles que le Conseil constitutionnel, saisi a priori par soixante députés et soixante sénateurs d’opposition, mais aussi par le Président LREM de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, ne pouvait que ruiner cette monstruosité juridique née dans des cerveaux gagnés par le délire totalitaire. Au regard de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, qui dispose que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi », le Conseil constitutionnel a jugé comme suit ce texte ahurissant : « La mesure contestée permet d’imposer diverses obligations ou interdictions, le cas échéant de manière cumulative, qui portent atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.»
S’il faut se réjouir de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2020, pour autant il serait imprudent et naïf de s’en satisfaire. D’une part, dans le déroulement de son raisonnement, le Conseil rappelle que la loi censurée du 27 juillet 2020 serait venue s’ajouter à l’arsenal répressif peu compatible avec la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen déjà existant, qui comporte notamment la rétention de sûreté en centre médico-socio-judiciaire applicable aux personnes ayant accompli une peine privative de liberté pour crimes sexuels. D’autre part, en dépit de ses outrances, le texte censuré constitue un ballon d’essai permettant de tester la résistance au processus pernicieux de remise en cause des libertés publiques et individuelles à l’œuvre depuis au moins deux décennies.
La Fédération nationale de la Libre Pensée appelle les citoyens à la plus grande vigilance : au nom de la lutte contre la délinquance, le terrorisme et les épidémies, les libertés et droits fondamentaux sont bien en péril.
Paris, le 10 août 2020