La Raison n°656 – Nov. Déc. 2020 – Brumaire CCXXIX

Pour nous suivre

L’éditorial du président :

Mirabile visu !1

Dans nos pages laïcité, vous trouverez une lettre ouverte au Président de la République, une argumentation étayée et développée contre son intention avouée de légiférer sur ce qu’il appelle le « séparatisme ». Une fois de plus, la loi envisagée vise explicitement la confession musulmane, suspectée de chercher à se séparer de la loi commune de la République. Notre lettre lui rappelle le nombre de « séparatismes » d’origine catholique parfaitement tolérés par le gouvernement : le concordat d’Alsace-Moselle, la loi Debré, les statuts religieux particuliers de plusieurs départements et territoires d’outre-mer et bien d’autres. En fait, se prépare une nouvelle loi liberticide, attaquant la loi de 1905 par le biais de celle de 1901, de la loi Waldeck-Rousseau qui garantit la liberté d’association. Nous parlons d’un « coup d’État à froid contre les libertés démocratiques et la loi de 1901 sur les associations », et ce n’est pas une exagération. Seules seraient éligibles à subvention publique les associations acceptant de signer une charte de la laïcité et donnant la garantie d’accepter la République, quelle qu’elle soit, et en l’occurrence celle de Macron. Seulement voilà, et la loi de 1901, et la loi de 1905 qui dans son article premier garantit la liberté de conscience, garantissent le droit absolu de s’associer contre la République, que ce soit au bénéfice d’une république nouvelle ou de l’anarchie, ou de toute autre forme de gouvernement. Les seules restrictions à ce droit sont celles qui relèvent de l’ordre public et du droit pénal.

Cette lettre, dont il est infiniment peu probable que le Président tienne compte, nous ne sommes pas naïfs, a déjà largement circulé parmi les associations laïques de ce pays et suscité des initiatives convergentes, ce dont évidemment nous nous félicitons. Nous y reviendrons dans nos prochains numéros.

Il y a d’ailleurs loin de la coupe aux lèvres. Nous évoquions dans la lettre elle-même la possible et même probable réaction du Conseil Constitutionnel. Au moment où j’écris ces lignes, le Président vient d’annoncer un report de sa rédaction. Cependant, il a confirmé sa volonté de la voir examinée lors d’une prochaine session parlementaire. L’unité des associations laïques sur cette question, sera déterminante. L’alerte lancée par la Libre Pensée a d’ores et déjà joué un rôle essentiel.

Certains, comme Michaël Delafosse, maire de Montpellier, pourtant non membre de la majorité, croient bon d’anticiper les désirs du Président Macron en liant la possibilité de subvention municipale à la signature d’une charte de la laïcité dans laquelle on retrouve tous les ingrédients de la loi sur le “séparatisme“. Notre fédération de l’Hérault lui a également envoyé une lettre ouverte bien sentie. Vous la trouverez dans nos colonnes.

Notre dossier central traite du « serpent de mer du corporatisme ». Ce n’est pas sans lien avec mes propos précédents tant le spectre de Philippe Pétain inspire notre gouvernement. Une réforme du CESE (Conseil Économique Social et Environnemental) est prévue. Peu de citoyens se soucient de ce conseil, pourtant considéré comme la troisième chambre du parlement. Il faut dire que son rôle, défini par la constitution de 1958, n’est que consultatif. Paradoxalement, c’est à ce caractère consultatif que tiennent avant tout les confédérations syndicales indépendantes. Cette caractéristique leur permet de s’exprimer sur nombre de projets gouvernementaux sans être nullement associées aux décisions. Lorsque De Gaulle a institué cette chambre (alors seulement nommée CSE) il n’a pas osé en faire ce dont il rêvait : la grande chambre des corporations sur les modèles bien rodés de Mussolini, Franco, Salazar et Pétain. C’est ainsi qu’il tenta d’affiner le projet lors du referendum de 1969 qui demandait au peuple l’agrément pour fusionner le CSE avec le Sénat, créant ainsi le Sénat Économique et Social. L’appel très ferme de la CGT-FO à rejeter le projet a largement compté dans la victoire du non à ce référendum, non massif qui a entraînée la chute de De Gaulle le 27 avril 1969. Depuis, aucun gouvernement n’a réellement abandonné les visées d’accentuation du caractère corporatiste de la Vème république, mais jamais sous la forme d’une révision constitutionnelle. Voilà que l’idée ressort sous forme d’une « réforme » du CESE.

Chers camarades, chers amis, je vous invite à lire ce dossier, particulièrement documenté et fouillé, cela vous éclairera sur les enjeux de la manœuvre.

Bonne lecture.

Jean-Sébastien Pierre

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  1. chose étonnante à voir