La Raison n°659 Mars 2021

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L’éditorial du Président

Sous le signe de la répression

Le mois prochain aura lieu la fête de Pâques. Dans la religion chrétienne, elle est censée célébrer la résurrection du christ. L’article d’Ata Alsahwi, (rubrique “exégèse“), vous révélera que cette fête est d’origine babylonienne, plus de 2000 ans avant notre ère et que le terme anglais Easter provient de la déesse Ishtar qui permit la résurrection de son fils, le dieu Thammuz. Les religions successives recyclent à l’infini les mêmes mythes. Il est vrai que les premiers œufs des poules et la mise bas des brebis se produisent bon an mal an à la même saison.

Depuis la rédaction de leurs projets, la Libre Pensée s’est associée à toutes les associations démocratiques et de défense des droits de l’homme pour condamner les deux lois dites respectivement « de sécurité globale » et « visant à conforter les des principes républicains », ainsi que les trois décrets promulgués le 2 décembre 2002. La Libre Pensée a été présente dans toutes les manifestations qui se sont déroulées contre ces textes depuis le mois de décembre 2020. Nous revenons particulièrement sur la seconde de ces lois, dénommée d’abord « loi contre le séparatisme », en raison des menaces qu’elle fait peser sur la laïcité, incarnée par la loi de 1905 « de séparation des Églises et de l’État ». Cela fait l’objet de nos deux rubriques « Laïcité et libertés publiques » et « Droit et libertés ». On y découvre en effet des dispositions incompatibles avec la liberté de conscience garantie par l’article 1 de la loi de 1905, et par la non-reconnaissance des cultes définie à l’article 2.

Au premier chef, cette loi (à l’état de projet soumis au Sénat à l’heure où nous rédigeons ces lignes) proclame que « La République demande une adhésion de tous ». C’est absolument faux. Il est parfaitement licite d’avoir des opinions hostiles à la République. Comme le dit très justement notre article, la grandeur de la République, c’est d’admettre en son sein y compris les gens qui ne sont pas d’accord avec ses principes et ses valeurs. La République ne doit demander que le respect de ses lois, et son corps législatif doit être capable de les changer lorsqu’elles se révèlent mauvaises. Dans son projet de déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen écrit en 1793, Maximilien Robespierre émettait comme principe essentiel : « Toute loi qui viole les droits imprescriptibles de l’homme, est essentiellement injuste et tyrannique : elle n’est point une loi (article 18) ». L’adhésion n’est pas une question d’actes mais d’opinions. Réintroduire un délit d’opinion est une forfaiture.

Jusqu’alors, nous n’avions condamné la loi visant à conforter les principes républicains que comme antilaïque dans son essence. De nouveaux éléments nous amènent à l’associer à la loi de sécurité globale dans la catégorie des lois liberticides. Pourquoi ? Devant le tollé et la crise qu’ont suscités l’article 24 de la loi de sécurité globale, le gouvernement a tenté un transfert de cet article vers l’article 18 du projet de « loi confortant le respect des principes de la République ». Outre que dans cette loi à vocation principielle un article se permette de modifier le code pénal, il réintroduit le concept « dans le but de … » hautement interprétatif. Nombre de juristes se sont offusqués de voir introduit le délit d’opinion ou d’intention dans le code pénal, transgressant le principe fondamental selon lequel la loi juge l’action. Le Syndicat de la magistrature a même indiqué qu’il participerait de toute une offensive qui a lieu depuis des années pour transformer le Code pénal en autre chose.

Il faut ajouter à cela les décrets promulgués le 2 décembre 2020 (voir notre rubrique « Droit et Libertés » pages 8 et 9) qui autorisent le fichage, non seulement des activités (syndicales, politiques ou religieuses) mais les opinions. Cela est proprement inouï.

Pour finir, un peu de philosophie bienvenue dans ce contexte : j’imagine que nos lecteurs liront avec plaisir l’article de Benoît Scheneckenburger intitulé « La liberté est-elle soluble dans son contraire ? ». Il revient notamment sur le dévoiement du terme « libéral » par l’idéologie du capital financier. Pour faire bonne mesure, toujours dans le même ordre d’idée mais en revenant plus loin dans notre passé, saluons Lucrèce, épicurien et matérialiste de l’antiquité avec Jacky Paul.

Et bien entendu, je me permets de vous inciter à tout lire dans ce numéro bien fourni en informations et analyses.

Jean-Sébastien Pierre
Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée

 

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