Le 8 avril 2021, l’Assemblée nationale a adopté en seconde lecture une loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion présentée par le député du Morbihan, Paul Molac.
Elle modifie en partie le Code de l’éducation, car elle comporte deux articles donnant un cadre nouveau à l’enseignement de ces langues :
- L’article 4 introduit une modalité supplémentaire dans cet enseignement, « un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française ».
- L’article 6 modifie l’article L.442-5-1 du Code de l’éducation par l’alinéa suivant : « La participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du Premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale au sens du 2° de l’article L.312-10 fait l’objet d’un accord entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement situé sur le territoire d’une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale. »
Cette loi a été votée par 247 voix pour, 76 contre et 19 abstentions, score dépassant nettement le nombre de députés de la majorité présidentielle présents (Le groupe LREM compte 269 membres ; il n’y avait que 171 présents dans l’hémicycle : 100 ont voté pour, 57 contre, 12 abstentions et 2 ne prenant pas part au vote). Ce score est d’autant plus remarquable que le gouvernement lui-même s’était prononcé contre. On note en particulier le vote majoritaire du Groupe Socialistes et apparentés et six membres du Groupe de la Gauche démocrate et républicaine (sur 16). La quasi-unanimité du Groupe de la France Insoumise a voté contre (à une exception près).
La Libre Pensée ne s’est jamais opposé à l’enseignement des langues régionales. Elle considère que si cela correspond à une volonté des locuteurs, cet enseignement ne menace en rien le Français. Par contre, elle s’est opposée à la mise à égalité juridique entre les langues régionales et le Français comme le prévoyait la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires. La Libre Pensée refuse qu’on rende officielle une langue particulariste en la mettant juridiquement à égalité avec le Français. Seuls les locuteurs peuvent revendiquer des droits, pas une langue.
Elle s’est toujours aussi opposée à l’enseignement des langues (quelles qu’elles soient, hormis le Français) en immersion totale dès la petite enfance en métropole, nuisible à l’intercompréhension des citoyens.
La loi qui vient d’être votée crée une nouvelle ouverture, du fait de son article 6, en direction du financement de l’enseignement privé. Les communes qui n’ont pas d’école publique pratiquant l’enseignement des langues régionales en immersion totale, seraient obligées de financer la scolarisation des enfants, dont les parents souhaitent cet enseignement dans une école privée sous contrat, au titre de la loi Debré de 1959.
Cette loi s’appuie donc sur la loi anti-laïque de Debré de 1959 et sur les dispositions tout autant1 anti-laïques de la loi Carle. C’est le financement public détourné pour des fins particularistes.
Une question essentielle qui n’est jamais abordée
Certains, pour des fins un peu inavouables, mettent dans le même paquet-cadeau « toutes les langues régionales », comme si elles étaient toutes identiques. La Libre Pensée considère que tel n’est pas le cas. La question fondamentale est le problème de la continuité territoriale. S’il y a rupture de celle-ci, cela ouvre alors des distorsions de droits inévitablement sur tous les plans (économiques, sociaux, culturels, politiques, linguistiques).
La situation de la Bretagne, du « pays basque », de l’Occitanie n’est pas comparable à celle de la Corse, des Antilles, de Mayotte ou même de la Guyane (même si la Guyane n’est pas une ile). L’insularité est constitutive nécessairement de la notion de « peuple ».
Si la France avait gardé son « Empire », comment aborderait-on cette question en Afrique, notamment au Maghreb ou en Afrique noire, en Indochine, à Madagascar ? Nul ne pourrait s’opposer, s’il est vraiment pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à ce que la ou les langues de ces peuples soient reconnues et même traitées à égalité avec le Français, car elles seraient constitutives de nations particulières.
C’est pourquoi, la Libre Pensée refuse ce melting-pot que constitueraient « les langues régionales ». Toutes ne sont pas égales, dans leurs formes et leurs contenus. Il faut savoir différencier.
Pour revenir à la loi Molac
Si l’on veut traiter dans l’égalité, cette question de langues régionales, on a le choix donc entre généraliser le dispositif anti-laïque (Loi Debré et loi Carle) et financer les écoles régionalistes ou abroger ces lois, en respectant le principe « Fonds publics à l’Ecole publique ; fonds privés à écoles privées ».
C’est la même question que l’Islam en Alsace-Moselle : ou on finance l’Islam au nom du principe d‘égalité dans le Concordat, ou on abroge le Statut d’exception cléricale et tous les cultes sont à égalité par le respect du principe de non-reconnaissance et de non-financement (Article 2 de la loi du 9 décembre 1905).
Selon que vous serez un républicain laïque ou un partisan de l’Europe vaticane, votre réponse sera nécessairement différente.
A vous de choisir !
Paris, le 19 avril 2021