Le Sabre et le Goupillon

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Les Editions libertaires viennent d ‘éditer, coup sur coup, deux ouvrages qui intéresseront les Libres penseurs. D’abord un ouvrage original et agréable : « Tu ne tueras plus ! » qui relate l’histoire du monument sculpté par Emile Derré, anarchiste, pacifiste, syndicaliste, sculpteur. C’est à bon droit que soit exhumé de l’oubli cet « humble tailleur d’images ».

Ce monument représente deux soldats nus qui s’embrassent, un Français et un Allemand, ils sont nus dans les bras de leur mère : l’Humanité qui les protège. Ce monument sculpté après la grande boucherie de 1914-1918 fait scandale. Elle est faite au moment où les troupes françaises réoccupent la Rhénanie démilitarisée. Les « patriotards » y voient un affront à l’Union sacré et ils n’ont pas tort.

Le scandale est si grand que la statue est reléguée au fond du Grand Palais au Salon d’Automne 1924, derrière un rideau. Puis, l’artiste la donne à l’Union des Syndicats confédérés de la Seine, qui l’accueille avec joie. La CGT décide qu’elle sera mise dans la grande salle (aujourd’hui : la Grande Croizat) et qu’elle trônera face au buste de Jean Jaurès comme un écho pacifiste au Grand Socialiste.

La Mairie de Paris s’y opposera, et même si la statue fut montrée en 1925 pour son inauguration dans la grande salle, elle finit par disparaître. Sans le savoir, j’ai donc croisé bien des fois la route d’Emile Derré à la Bourse du Travail à Paris, mais aussi à Levallois. Il a fait deux sculptures de Louise Michel, une pour sa tombe et une autre dans un parc public où « la Louise » tient un enfant par la main pour montrer qu’elle fut aussi institutrice. L’artiste voulait que l’héroïne de la Commune fut au sol et non sur un piédestal, pour être une humaine parmi les humains. C’est la même idée qui guidera Frédéric Thibault pour la sculpture du monument en hommage aux Fusillés pour l’exemple à Chauny.

L’œuvre de Derré fut immensément prolixe sur tous les sujets. Malheureusement les « vendanges de bronze » du vichysme passèrent par la pour fondre les statues en bronze pour donner le métal aux nazis pour faire des canons. Je conseille vraiment ce livre qui donne des informations inédites et qui de surcroit se lit de manière très agréable.

L’autre ouvrage paru concomitamment est « Non ! Dieu n’est pas ! » réalisé aussi par Thierry Guilabert. C’est une réédition partielle du journal du Curé Meslier par Jules Lermina. L’idée était de rendre au curé d’Etrépigny ce qui appartenant à Jean Meslier après la publication-censure de Voltaire qui voulut en faire un « déiste », alors qu’il était un pur athée.

Le « Testament » fut d’abord publié en Hollande par Het Verbond der Vrïje Gedachte (la Ligue de la Libre Pensée). On dirait qu’il a été écrit aujourd’hui : « La religion soutient le gouvernement politique, si méchant qu’il puisse être, et à son tour, le gouvernement soutient la religion, si sotte et si vaine qu’elle puisse être. D’un côté, les prêtres recommandent sous peine de malédiction et de damnation éternelle, d’obéir aux magistrats, aux princes et aux souverains, comme étant établi de Dieu pour gouverner les autres, et les princes de leur côté font respecter les prêtres, leur font donner de bons appointements et de bons revenus et les maintiennent dans les fonctions vaines et abusives de leurs faux ministères, contraignant le peuple de regarder comme saint et sacré tout ce qu’ils ordonnent aux autres de croire et de faire, sous ce beau et spécieux prétexte de religion et de culte divin. »

Toute la Doctrine sociale de l’Église est contenue dans cette analyse. Dès lors, comment ne pas partager cette idée venue de Bayle et popularisée plus tard sous la formule : « Pendre le dernier capitaliste, avec les boyaux du dernier prêtre » ? Car les grands ce monde ont le bonheur de récolter abondamment ce qu’ils n’ont pas semés en le volant à ceux qui ont semés, mais qui ne récoltent pas.

La solution est donc comme l’indique le bon curé Meslier : « Levez-vous, unissez-vous contre vos ennemis, contre ceux qui vous accablent de misère et d‘ignorance !… Votre salut est entre vos mains, votre délivrance ne dépend que de vous, car c’est de vous seuls que les tyrans obtiennent leur force et leur puissance. »

Un bon conseil : lisez !

Christian Eyschen

Tu ne tueras plus !, Emile Derré anarchiste, pacifiste, sculpteur par Thierry Guilabert – Editions libertaires – 86 pages – 12€
Non ! Dieu n’est pas ! – Etude sur le Curé Meslier – Editions libertaires – 93 pages – 12€