LAÏCITE :
Il ne s’agit pas seulement d’en parler, il s’agit surtout de l’appliquer.
Laïcité un jour, laïcité toujours !
A l’occasion du 9 décembre 2021, date anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 de Séparation des Églises et de l’État, la Fédération nationale de la Libre Pensée entend préciser son point de vue sur la situation de la laïcité dans notre pays.
La Libre Pensée n’entend pas s’associer d’une quelconque manière à tous ceux qui ne parlent de laïcité que pour l’interdire et la réprimer. Les libres penseurs ne seront jamais les factotums d’un gouvernement qui viole en permanence les principes du respect de la liberté de conscience et de la non-reconnaissance et du non-financement des cultes ; principes érigés par la loi du 9 décembre 1905.
La Libre Pensée ne sera jamais la complice de tous les réactionnaires, racistes, xénophobes qui dans une nouvelle Union sacrée ne voient des problèmes d’atteintes à la laïcité, que lorsqu’il s’agit des musulmans ou présupposés tels. Ils voient des musulmans partout, ils ne voient l’Église catholique nulle part.
La Libre Pensée ne saurait donc s’associer au bal des hypocrites qui, dans la soumission la plus sordide au macronisme, entend « célébrer » le 9 décembre comme « Journée officielle » de la laïcité. « Officialiser » le 9 décembre ressemble étrangement à « l’officialisation » du 1er Mai comme « Fête du Travail » par Philippe Pétain, chef de l’État français du Régime de Vichy, contre la revendication ouvrière de la journée de huit heures du mouvement ouvrier.
Cela confirme l’enterrement de la laïcité plus que sa mise en œuvre. C’est sur les tombes que l‘on dépose des gerbes et que l’on fait des discours. La Séparation des Églises et de l’État n’a pas à être commémorée, elle doit être défendue et remise en œuvre. Telle est la tâche de l’heure.
La Séparation des Églises et de l’État : Une idée vieille comme le monde !
Contrairement à l’affirmation de tous les cléricaux et réactionnaires, l’idée de séparation du Religieux et du Temporel a été le fondement de l’Humanité consciente. C’est sur ce principe intangible que l’Humanité a commencé à se débarrasser des chaînes qui l’entravaient.
La première Séparation a été sans doute celle où Zeus chassa les hommes du royaume divin, car il en avait assez que les humains aient les mêmes droits et avantages que les dieux, sans être des dieux. C’est de là que vint le conflit titanesque entre Zeus et Prométhée qui voulait faire des hommes, des dieux.
Il y eut ensuite le remake biblique où l’on vit à son tour Yahvé chasser Adam et Eve du Paradis céleste, car ils avaient voulu être son égal en possédant les fruits de l’arbre de la connaissance, propriété exclusive du divin.
La Séparation des Églises et de l’État est donc le fondement de toute spiritualité en dégageant un espace pour la liberté de l’esprit, de la connaissance et du savoir. Bref, de la liberté de conscience. Toute atteinte à la liberté de conscience est donc une atteinte au principe de Séparation des Églises et de l’État.
Des crimes de l’Église au refus des lois de la République : Justice de l’Église ou Justice des hommes ?
La Libre Pensée s’est largement exprimée sur le Rapport Sauvé. Le Président de la Conférence des Évêques de France a indiqué alors, que « la Justice de Dieu était supérieure aux lois de la République ». Il a été convoqué par le ministre d’Intérieur qui lui a fait une légère admonestation, un rappel mesuré à la loi. Tous les condamnés par les tribunaux révéraient d’une mesure aussi clémente quand ils violent la loi.
Puisque l’on parle du Secret de la confession, qui n’est qu’une convention entre personnes privées, sans aucune existence légale qui contraindrait la loi ; la Libre Pensée pose une question aux mitrés : Il était où le secret de la confession sous le Concordat ?
Article 6-7 du Concordat de 1801 : Le Concordat impose un Serment de fidélité des ecclésiastiques au gouvernement « Je jure et promets à Dieu sur les Saints Évangiles de garder fidélité et obéissance au gouvernement. Je promets aussi de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si dans mon diocèse ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le ferai savoir au gouvernement. »
Le secret de la confession, supérieur aux lois de la République, mais inférieur aux lois de l’Empire ?
Et pourquoi ? Parce que l’Empire payait les prêtres, alors que la République, par la loi de 1905 supprimait le budget des Cultes. Leur morale : « si tu paies, je dénonce. Si tu ne paies pas, je garde le silence ». Ce sont les mercenaires de la religion, les maffieux de la spiritualité les mouchards de la police et les concierges des consciences.
L’Hypocrisie ecclésiastique était à son comble. Les mêmes qui refusèrent de prêter Serment à la Constitution civile du Clergé en 1791, au nom des princeps intangibles du catholicisme, se vautraient ensuite dans la soumission sans vergogne au Premier Consul Bonaparte, puis à l’Empereur Napoléon 1er.
Ralliement à la République, mais pas à ses lois ?
C’est le cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger, qui va jouer le rôle de « poisson-pilote » pour le pseudo-ralliement de l’Église catholique à la République. Il est pour cela reçu par le Souverain pontife du 10 au 14 octobre 1890. Un mois plus tard, il profite de la visite d’une escadre à Alger pour lancer le mouvement du Ralliement. Premier personnage d’Algérie en l’absence du gouverneur, il offre le 12 novembre 1890 un banquet à l’amiral Duperré et aux officiers de marine.
Au dessert, il se lève et lit la déclaration préparée contenant le passage suivant : « lorsque la volonté d’un peuple s’est nettement affirmée, que la forme de gouvernement n’a rien en soi de contraire, comme le proclamait dernièrement Léon XIII, aux principes qui seuls peuvent faire vivre les nations chrétiennes et civilisées ; lorsqu’il faut, pour arracher son pays aux abîmes qui la menacent, l’adhésion sans arrière-pensée à cette forme de gouvernement, le moment vient de déclarer l’épreuve faite […]. En dehors de cette résignation, de cette acceptation patriotique, rien n’est possible … »
Quand les lois de l’Empire sont supérieures aux lois de la République, ce « ralliement » n’était qu’un subterfuge. On l’a vu clairement en 1940, quand le clergé s’est joint à Pétain pour abattre « la Gueuse ». Il est vrai que le nombre de parlementaires convoqués le 10 juillet 1940 pour donner les pleins pouvoirs à Pétain (et donner le mandat d’une nouvelle constitution totalitaire qui ne verra jamais le jour) étaient au nombre de 666, le chiffre de la Bête dans l’Apocalypse de Jean. Ici, tout était aussi symbole.
Pendant le XIXème siècle l’Église va décider de maintenir le cap sur le retour à la monarchie. Et puis l’Eglise est obligée de constater, un siècle après, à la fin des années 1800, qu’elle aura beau dire, qu’elle aura beau faire, la République et la démocratie sont des principes tellement forts qu’on ne reviendra jamais en arrière et qu’à force de soutenir les monarchistes, il y a un danger pour l’Eglise de succomber avec eux. Alors l’Eglise va changer son goupillon d’épaule et dire : « on va refaire le coup du pacte social du IVème siècle ».
C’est-à-dire du baptême de Clovis où l’Evêque Rémy lui dit alors « Courbe la tête, fier Sicambre. Adore ce que tu as brulé, brule ce que tu as adoré ». Ce fut le fondement du cléricalisme, toute autorité n’était légitime que oint par l’Église, dans le droit fil de la Doctrine sociale et politique de « Saint »-Paul : « Il n’y a pas d’autorité légitime qui ne vienne de Dieu ou qui soit librement consentie par lui. En conséquence, la femme doit obéir à son mari, comme l’esclave à son maître » (Epitre de Paul aux Romains).
C’est pour cela qu’en 1891, l’Église sort sa première encyclique sociale « Rerum Novarum » dans lequel elle traite de la condition des ouvriers et dit : « il faut condamner le socialisme, mais pour cela il faut s’occuper du sort des ouvriers ». Et puis, deux ans plus tard, une fois qu’elle a pensé qu’avec une bonne doctrine sociale, elle allait pouvoir disputer « la domination » des ouvriers aux marxistes, aux anarchistes et aux révolutionnaires, une fois qu’elle pense avoir conquis « une part du marché » ; en 1893, elle se « rallie » officiellement à la République. C’est-à-dire qu’elle dit aux bourgeois, fils indignes de Voltaire : « on va essayer de dominer les ouvriers comme hier on dominait les esclaves, en échange, vous nous donnez une place dans l’État ». C’est un siècle trop tard.
C’est pour cela que la République est quelque chose que l’Église ne peut pas supporter. Il faut bien comprendre que la Doctrine sociale de l’Église pour s’occuper du sort des ouvriers, c’est la tentative d’un coup politique, de faire un pacte social pour revenir à la situation antérieure, pour recléricaliser la société.
Le retour du Concordat sans le dire
La loi « Séparatisme » et le Contrat d’engagement républicain (CER) est un néo-concordat, basé que le principe « Qui contrôle, commande », qui n’est qu’une variation du fameux « Qui paie, commande ». C’est la mise sous tutelle de la liberté d’association par la menace permanente d’une possible dissolution par le Fait du Prince. On peut dire du gouvernement Macron/Darmanin, ce que l’on disait naguère de l’Autriche : « Toujours en retard d’une année, d’une armée et d‘une idée ».
C’est la volonté de la mise en œuvre totalitaire d’une idéologie d’État qui entend dicter aux citoyennes et aux citoyens, au mépris du principe de la liberté de conscience, ce qu’il faut penser ou non. Rappelons ce que disait Marguerite Yourcenar : « Tout État fondé sur la volonté de puissance, contient un coin sombre où gémissent les suppliciés ».
Francis de Pressensé, Président de la Ligue des Droits de l’Homme disait au moment du débat de la loi du 9 décembre 1905 : « L’État doit s’arrêter où commence la conscience ». Avec la loi « Séparatisme » et ses décrets d’application, la conscience s’arrête où l’État impose son idéologie.
Non à l’idéologie d’Etat !
« La République est une anarchie positive […] C’est la liberté délivrée de toutes ses entraves, la superstition, le préjugé, le sophisme, l’agiotage, l’autorité ; c’est la liberté réciproque, et non pas la liberté qui se limite; la liberté, non pas fille de l’ordre, mais MÈRE de l’ordre. » Pierre-Joseph Proudhon
L’actualité est marquée par un délire raciste et xénophobe contre tout ce qui est présumé « musulman ». Les médias officiels et officieux, représentants les intérêts du Pouvoir et du Capital déversent un flot de haine à jets continus. A été annoncée ainsi par les discours d’Emmanuel Macron, l’adoption d’une loi visant à réprimer « le séparatisme » au nom de la laïcité et remettant en cause les libertés démocratiques.
Comment ne pas partager ce que dit l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) :
« L’utilisation de la notion de « liberté d’expression » jusqu’à la nausée par un pouvoir qui la brime depuis des années, en instaurant des lois d’exception, en interdisant ou en réprimant les manifestations populaires, et désormais en appelant à l’interdiction d’organisations humanitaires ou militantes, a quelque chose d’obscène.
Nous connaissons les effets de cet engrenage criminel du racisme pour en avoir nous-mêmes subi les conséquences. La généralisation des discours antimusulmans à chaque fois que se produit un acte criminel d’un jeune égaré [ou manipulé, ndd], constitue en quelque sorte une victoire des auteurs de ces actes contre la démocratie.
L’atmosphère empoisonnée d’aujourd’hui peut permettre de comprendre ce qui a dû se passer en France et en Allemagne pendant les années 1930. Comment une société entière a pu être petit à petit contaminée par des discours politiques et la presse antijuive, pour se retrouver embrigadée dans une croisade exterminatrice. »
La mise en place d’une idéologie officielle !
Jour après jour, on assiste à une longue litanie : « Malheur à celui et à celle qui refuserait les valeurs de la République ». Nous constatons que « les valeurs de la République », c’est un peu comme le saint-Esprit : tout le monde en parle et personne ne sait ce que c’est vraiment. Rappelons sa définition théologique : « La périphérie n’est nulle part, le centre est partout et l’Esprit souffle où il veut ». Avec cela, bonjour pour savoir ce que c’est.
Mais une chose est sûre avec ce type de « valeurs » :
Exit les royalistes qui ne partagent pas les « valeurs de la République »…
Exit les libertaires qui n’aiment ni la monarchie, ni la république…
Exit les partisans du socialisme qui veulent une république sociale et pas bourgeoise…
Exit les anarchistes, partisans du refus de l’État…
La Libre Pensée dénonce cette volonté totalitaire de formater les consciences. En démocratie, on doit avoir le droit de dire Non et de manifester ses désaccords. Cela s’appelle la liberté d’expression et la liberté d’association. Ce sont ces libertés qui sont remises en cause gravement par le gouvernement.
Comme le disait Rosa Luxembourg : « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».
Les mesures annoncées depuis peu nous rappellent les heures les plus sombres de la Guerre d’Algérie. C’est le règne à nouveau de la matraque et de la répression. C’est aussi la gendarmisation à outrance de la société. En rangs par deux, je ne veux voir qu’une tête ! Le corollaire pour la jeunesse est l’embrigadement généralisé dans le Service National Universel.
Tous ceux qui déplaisent au gouvernement doivent être réprimés. Et ce au nom frelaté de la « liberté d’expression » qu’ils encensent d’un côté, mais qu’ils répriment de l’autre quand les opinions leur déplaisent.
Il y a fort à parier que les liberticides gouvernementaux et leurs hommes de main de droite comme de gauche, d’extrême-droite et du centre mou, veulent faire un grand ménage dans la République, la répression ne va pas manquer à s’amplifier encore.
« La République, c’est comme la France, tu l’aimes ou tu la quittes ! »
C’est cet ahurissant discours que Jean-Michel Blanquer a prononcé récemment (Source BFM.FR) : « Ce mardi, au Conservatoire national des Arts et Métiers, le ministre de l’Education nationale a présenté son plan de formation des enseignants à la laïcité. Il y a martelé son message insistant sur la nécessité de transmettre les valeurs de la République au sein de l’école.
Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a estimé mardi que les enseignants devaient « adhérer aux valeurs de la République et les transmettre », ou sinon « sortir de ce métier », lors du lancement d’un plan de formation des enseignants à la laïcité.
« Lorsqu’on devient professeur, on devient fonctionnaire. Lorsqu’on est fonctionnaire de la République, on connaît les valeurs de la République et on les transmet », a souligné Jean-Michel Blanquer dans un discours devant mille formateurs, marquant la première étape d’un vaste plan de formation sur quatre ans des personnels de l’Education nationale à la laïcité et aux valeurs de la République.
« Si quelqu’un a un problème avec les valeurs de la République, ça peut être possible sur le plan démocratique, en tant que citoyen français, par contre ce n’est pas possible en tant que fonctionnaire de la République », a-t-il ajouté. »
Quelle honte ! C’est le discours de tous les racistes, xénophobes, patriotards, nationalistes, colonialistes. Quelle différence avec Eric Zemmour ? Une, cependant. Zemmour n’est pas au gouvernement, Blanquer, si. C’est ce qui rend dangereusement insupportable ce genre de propos.
Ce gouvernement est le coup de force permanent contre les libertés !
La FNLP appelle à la réalisation d’un large front unitaire pour s’opposer au projet de loi réactionnaire et antilaïque du gouvernement, projet tout imprégné de xénophobie et de haine contre une partie de la population et à entrer en résistance contre cette tentative profondément réactionnaire.
La Libre Pensée appelle toutes les associations laïques et démocratiques, les syndicats ouvriers, les partis se réclament de la démocratie et de la Séparation des Eglises et de l’Etat à s’unir dans un grand Front laïque pour mettre en échec les projets réactionnaires, antilaïques et xénophobes du gouvernement Macron/Darmanin et de ses subsidiaires et à prendre toutes les initiatives unitaires dans ce sens.
Abrogation de la loi « Séparatisme » !
Retrait de tous les décrets scélérats !
Paris, le 1er décembre 2021