Nous vous informons de la présentation d’un prochain Numéro de notre collection Arguments sur « Le wokisme et la Cancel-Culture »
« Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer » (Rasoir de Hanlon). L’explication pourrait sembler courte, mais elle n’est pas totalement absente du sujet étudié dans cet Arguments.
A la demande du Congrès national de Voiron (Isère), nous avons demandé à notre camarade Pierre-Yves Modicom de la Fédération de la Gironde de la Libre Pensée de travailler sur la question du Wokisme et de la Cancel-Culture. Il s’en est acquitté avec brio et talent. Nous l’en remercions vivement, car ce n’était pas facile, loin s’en faut.
Une chose nous avait frappé alors, plus on parlait du wokisme, moins c’était clair, moins on comprenait. C’était un peu comme les mirages dans le désert, plus on s’en approche, plus ils s’éloignent. En lisant l’étude Pierre-Yves Modicom, on comprend pourquoi.
Ce sont les adversaires réactionnaires d’une pensée qu’ils jugeaient « progressiste » qui ont bâti ces notions. Cela relève de la pensée magique, dire, c’est prouver ; nommer c’est créer. C’est ce que l’on appelle l’argument ontologique dans le débat sur l’existence ou non de dieu. Si on en parle, c’est que cela existe. Ce à quoi les libres penseurs ont toujours répondu : on parle bien parfois de chasteté dans les maisons closes, cela ne prouve pas que cela existe dans ces lieux. Ici et maintenant, toujours.
C’est le même raisonnement que le nazisme sur les Juifs. Qui étaient Juifs ? Ceux que les nazis désignaient comme tels. C’étaient aux Juifs ainsi désignés de prouver qu’ils ne l’étaient pas, sinon ils devaient subir les foudres des Chemises brunes. Là est le piège du « Wokisme » et de la « Cancel-Culture », cela n’existe que dans sa stigmatisation.
Le facteur sonne toujours deux fois
Mais il se produit un phénomène assez courant dans l’Histoire, ce qui est injurié devient un étendard pour ceux qui subissent l’oppression de la dénonciation. Le crachat devient décoration et un moyen d‘identification en réaction à la Réaction. C’est ce que Pierre-Yves Modicom appelle réutiliser les stigmates pour en faire une identité.
Ainsi, quand le drapeau rouge était levé, c’était le signe de la répression et d’oppression sanglante pour les Insurgés. Il était un signe de destruction. Les Insurgés en firent leur drapeau et un symbole de liberté et d‘émancipation.
Mais ces stigmates dans le cas du wokisme et de la Cancel-culture, dénoncés par les uns, encensés par les autres, procèdent d’un astigmatisme profond. Le stigmate devient astigmate. Au-delà du jeu de mot un peu facile, examinons la définition de l’astigmatisme.
L’astigmatisme est un trouble du système optique, située au niveau de la cornée et/ou du cristallin, qui provoque un manque de fixité de l’image. L’astigmatisme est dû à une anomalie de courbure de la cornée ou du cristallin, qui n’a pas la forme sphérique normale. Ainsi, une image ponctuelle sera projetée en différents points de la rétine, ce qui génère une image floue. Légèrement ovale, celle-ci présente un défaut de courbure selon un axe vertical, horizontal ou oblique. L’astigmate aura alors des difficultés pour distinguer les contrastes entres les lignes horizontales, verticales ou obliques. En outre, sa vision est floue de près comme de loin.
Une personne astigmate voit les contours des objets qu’elle regarde et les lignes (verticales, horizontales et obliques) un peu flous ou troubles, en vision de près comme de loin. Elle a du mal à percevoir les éléments peu contrastés. La périphérie des images qu’elle voit est déformée. Elle a tendance à confondre certaines lettres et certains chiffres semblables. Parfois, sa sensibilité à la lumière augmente et elle est plus facilement éblouie.
On peut appliquer strictement cela au wokisme, à la Cancel-Culture et à quelque chose qui n’est pas très loin non plus : l’islamophobie. On comprend vaguement ce que cela veut dire, mais plus on analyse, moins on comprend. Le racisme s’applique à des individus, à des groupes d’individus, à des ethnies. Mais comment peut-il s’appliquer à une religion à laquelle on s’identifie ou on identifie quelqu’un ou quelques-uns ? Il suffirait de devenir apostat, et la nature qu’on vous prête disparait ? Cela est impossible dans le racisme réel. L’Islamophobie n’existe donc pas, car elle ne peut exister. Mais le racisme existe bien, pour le plus grand malheur de l’Humanité.
C’est pourquoi la Libre Pensée n’utilise jamais le terme « d’islamophobie », car le terme est piégeur par nature et par essence. Ce qu’il y a derrière de réel, c’est la xénophobie anti-arabe et anti-immigrée par extension. C’est le refoulé et l’impensé de la Guerre d’Algérie où les « blancs occidentaux et chrétiens » ont été virés par les Fellaghas. C’est ce qui est intolérable pour eux. C’est la nostalgie du colonialisme ajouté au racisme le plus abject.
L’utilisation du terme « islamo-gauchistes » dans les universités républicaines comme le montre très bien aussi Jean-Sébastien Pierre n’a rien à voir avec la stigmatisation d’une religion, mais a tout avoir à une offensive de destruction de l’enseignement public supérieur au profit du Capital. Il est utilisé comme un instrument de terreur contre tous ceux qui refusent de plier l’échine sous le boisseau du profit.
L’intersectionnalité à la place de l’Internationalisme ?
La Réaction multiforme a aussi pris dans son viseur ce que certains appellent « l’intersectionnalité » qui devient aussi un terme piégeur. Qu’une chose soit étudiée dans la pluralité de ses facettes semble une évidence. Il y a très souvent plusieurs causes à un effet, ne serait-ce que sa forme, son poids et l’espace dans lequel il évolue. La mécanique quantique apprend que même l’observation d‘un objet peut changer l’objet. Il faut tenir compte de tous les facteurs pour analyser et formuler un jugement.
L’esclavage n’est pas dû à une seule cause, mais à une multitude de raisons et de besoins. Pierre-Yves Modicom le démontre bien sur la question du Code noir, de Colbert et du Colbertisme. Ceux qui font donc de « l’intersectionnalité » la formule magique pour « comprendre le monde » ont, au moins disant, réinventer l’eau chaude et, au pire, récréer la poudre de perlimpinpin qui est un tour de magie de passe-passe. Cela sert à faire passer un autre message.
Ce n’est pas de l’union de tous que peut naitre la Résistance nécessaire à l’oppression, mais il faudrait au préalable « fusionner » dans une idéologie tiers-mondiste et anti-lutte-de-classe qui s’opposerait à l’idéologie d’État qui existe bien, elle. On le voit dans la Loi « Séparatisme » qui repose sur un endoctrinement étatique et idéologique.
Les uns fragmentent les opprimés (car il y a toujours plus opprimé que soi et chacun est aussi un oppresseur de quelqu’un d’autre), les autres les vouent à la Géhenne de la haine, de la guerre et de l’exploitation. Mais les deux facettes fusionnent dans une seule pièce, car elles se nourrissent l’une et l’autre. L’une justifie l’autre, l’autre justifie l’une. La pièce ne peut exister qu’avec deux facettes.
A propos des réunions « racisées et non-mixtes »
Le procès fait à l’UNEF et à Sud-Education quand ces organisations syndicales tiennent des réunions d’un certain type, est profondément scandaleux. Que l’on ne partage pas ce genre de fonctionnement est une chose (et c’est le cas de la Libre Pensée qui ne fonctionne pas comme cela). Mais faire un procès en sorcellerie en est une autre.
Les syndicats ne sont pas des services publics, même s’ils peuvent rendre des services au public. Ils fonctionnent donc selon les règles qu’ils déterminent eux–mêmes, par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Ce sont leurs adhérents qui doivent décider et non le gouvernement et les médias aux ordres de l’État et du Capital. Voilà une vérité d’évidence qu’il faut rappeler dans cette affaire.
Quand Jean-Michel Blanquer intente un procès à la section de la Seine-saint-Denis de Sud-Education parce qu’elle tient des réunions non-ouvertes à tous, c’est une ingérence totalitaire dans le fonctionnement d’une organisation syndicale. C’est la remise en cause de l’indépendance syndicale, garantie par la loi de 1884.
Il n’appartient qu’aux seuls syndicats de décider de leur forme d’organisation. Ce qui a été fait dans le 93 procède de la « liberté pédagogique » dans un stage syndical de formation. Que cela soit le ministre de l’Education est donc doublement scandaleux, parce qu’il est l’État et ministre de l’Education. Quand on sait comment il finance sur les fonds publics un «syndicat étudiant » (on devrait plutôt dire une officine) à sa botte, on voit clairement sa conception de l’indépendance syndicale.
De la même manière la campagne qui a débouché sur une condamnation au Tribunal du « Mur des cons » dans le local du Syndicat de la Magistrature est intolérable. La décoration d’un local syndical est de la seule responsabilité du syndicat. Bien entendu, si ce sont des appels au meurtre ou au délit, cela contrevient à la loi. Mais s‘il faut trainer au Tribunal tous ceux qui traitent de « cons » les autres, cela va être un génocide judiciaire.
Mais au fait, elles étaient où ces « belles âmes » quand était affiché le portrait de Pétain trainait dans le bureau du Président du SNPMI ? Pas à Londres en tout cas, car c’était le silence radio. Il a fallu que notre camarade Antoine Faesh, Secrétaire confédéral de la CGT-Force Ouvrière monte sur une table lors d’une négociation, en le prenant par le « colbac » pour le foutre dehors manu-militari.
Pour conclure avec Pierre Dac
Quand vous aurez lu ce nouveau numéro de notre Collection d’Arguments sur le « wokisme et la Cancel-Culture », vous partagerez sans doute notre position : « Nous ne sommes ni pour, ni contre, bien au contraire », comme disait le regretté Pierre Dac.
Ce sont des termes et des notions piégeux, nous tournons le dos à ces « débats » fumeux qui n’ont pour seul objet que de discuter autre chose que ce qu’il faut faire pour en finir avec ce système qui nous emmène à la ruine.
Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on et on ajoute « sauf par temps de brouillard ». Et c’est le cas. Nous refusons cette diversion et cet enfumage. Ne nous trompons pas d’adversaire et de combat.
Christian Eyschen