La Raison n°672 Juin 2022

L’Editorial du Président :

Qui sème le vent récolte la tempête

Nous sommes entrés dans la tourmente. Les élections présidentielles ont porté à leur plus haut point la décomposition de la Cinquième république. Une république qui n’en est pas une, qui n’en a jamais été une, qui moins que jamais n’en est une. Taillée pour un homme « providentiel », lui donnant tout pouvoir ainsi qu’à son exécutif, foulant au pied un parlement conçu comme force d’appoint du Président, ses institutions ont conduit naturellement à la droitisation extrême de la vie politique. La confrontation tragique du second tour, entre droite-exacerbée et extrême-droite, a été minutieusement préparée par presque toutes les forces politiques traditionnelles et au premier chef par le Président sortant. Il a suscité, avec l’aide des médias, la candidature répugnante d’un Zemmour, la plus large tribune a été offerte au Rassemblement National, tout était fait pour qu’Emmanuel Macron soit confronté à Marine Le Pen de manière qu’il puisse se présenter comme un « barrage » à l’extrême-droite.

Quel barrage ! Celui qui a armé le bras des Castaner et des Darmanin pour réprimer les manifestations en infligeant des blessures dramatiques pour humilier les lycéens manifestants, qui a impulsé les lois scélérates dites « sécurité et liberté », l’inadmissible loi « Séparatisme » qui ne vise que les musulmans et permet de dissoudre des associations pour des propos tenus par tel ou tel de leurs adhérents ou responsable, celui qui a promulgué les honteux décrets du 2 décembre 2021 permettant de ficher les syndicalistes, celui qui a continué, sciemment, à détruire l’hôpital public en pleine pandémie en maintenant les exigences de « rentabilité » sur le service public. Celui dont le ministre Blanquer a détruit le lien entre l’Enseignement secondaire et l’Enseignement supérieur par sa désastreuse « réforme » du baccalauréat, dont la ministre Vidal s’est servie pour calomnier ses administrés et appeler à la chasse aux sorcières dans l’Université, ah ! Quel barrage ! L’extrême droite peut s’installer sur des fondations solides, anti-ouvrières, anti-jeunes, anti-laïques et racistes, le terrain est labouré, il n’y a plus qu’à semer.

Le film qui était mauvais en 2002, a connu un remake poussif en 2017 et ne marche plus en 2022. Il faut reconnaître qu’il a fallu des aides « de gauche » pour en arriver là. Il s’en est fallu de quelques centaines de milliers de voix pour que le second tour se présente autrement, avec la perspective, enfin, de mettre à bas cette Cinquième république décomposée avec une Assemblée constituante redonnant la parole au peuple. Que les partis qui se disent à gauche voire à l’extrême-gauche se souviennent comme ils furent unanimes, en 1958, à dénoncer le coup d’État du général de Gaule, à dénoncer sa volonté bonapartiste de se placer au-dessus des partis. Qu’ils se souviennent du Serment de Vincennes de 1960 et de sa pétition de millions de signatures pour exiger l’abrogation de la loi Debré. Qu’est devenue leur laïcité ? Qu’est devenu leur républicanisme ?

La grande presse, la télévision, la radio commentent effarés la déroute électorale des partis dits « de gouvernement », le fait que le PS et Les Républicains soient passés sous la barre des 5% de voix, les conduisant en plus à la déroute financière. La Cinquième république, dans son essence, lamine les partis, sauf celui du président. Ce n’est jamais que l’aboutissement d’un processus, mais il y a plus : les électeurs, sans doute rancuniers, n’ont pas oublié les désastreux quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Ils n’ont pas oublié la loi El Khomri, prélude à la loi travail d’Emmanuel Macron promulguée par ordonnances. Dans une campagne d’une rare médiocrité, le Parti socialiste, en la personne d’Anne Hidalgo n’est revenu sur aucun élément de ce triste bilan. Il n’a annoncé aucune abrogation des lois antérieures, sauf celle de l’Assurance chômage du gouvernement Macron. Les autres, que j’ai citées plus haut, resteraient donc en place ? Comment gagner avec un tel programme de démission ? Quant aux Républicains, leur programme de droite peut difficilement aller au-delà de celui de Macron. Ils ne sont plus le parti dont le Capital a besoin. Ni le Travail, ni le Capital ne trouvent leur compte dans les partis traditionnels qui meurent.

Pendant ce temps, tous ceux qui se rassemblent autour des revendications et des aspirations ouvrières, laïques et républicaines, sont qualifiés d’extrémistes voire de populistes. Ce terme commode n’est rien d’autre que la traduction modernisée de la bonne vieille antienne bourgeoise « les extrêmes se rejoignent ». Cela ne change rien aux aspirations profondes de la population.

Comme le dit notre communiqué de la page 36, « Il est temps d’agir pour que chacun prenne sa destinée en main pour balayer la Ve République »…  «  Qui se chargera de cette bataille de la Démocratie ? » Telle est la question qui se pose avec force ! À chacun d ‘y répondre »

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

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