La Libre Pensée et la Guerre d’Algérie

Communiqué de l’IRELP (Institut de Recherches et d’Etudes de la Libre Pensée)

Charles Maurras parlait de « divine surprise » quand Pétain prit le pouvoir, grâce à l’abdication de la IIIe République. Faut-il parler de «divine surprise » à nouveau quand de sombres manœuvres électorales ont permis la constitution d’un groupe parlementaire puissant du Rassemblement national ? Surprise qui, à défaut d’être divine, ne manquera pas d’embarrasser nombre de ses acteurs et de ses complices.

Avant les élections, il était prévu un rassemblement à la gloire de l’Algérie française dans la ville de Perpignan. Jusque-là, rien d’époustouflant. Mais l’actualité parlementaire donne un relief nouveau à ce rassemblement.

Il y a et il y aura beaucoup à dire. Contentons-nous de quelques rappels.

L’Algérie française commence par des massacres dès 1830 et par un parjure. Alors que la convention de capitulation du 5 juillet 1830 garantit « aucune atteinte » aux activités de la population, moins de deux mois après, l’arrêté du 8 septembre 1830 du maréchal Clauzel exproprie les biens habous (qui servaient à financer les activités religieuses et qui formaient la moitié des terres arables). La colonisation peut commencer. Elle ne peut commencer que par un vol et par un parjure.

Elle est belle, la parole de la France.

Nous allons entendre des cris d’indignation. Ils sont mérités à défaut d’être tous sincères.

Le général Lamoricière (1806-1865) grand massacreur d’Algériens lors de la conquête et, également massacreur d’ouvriers en juin 1848, que l’on peut considérer comme un criminel de guerre, possède à son nom une avenue à Paris et un groupe scolaire. Mme Hidalgo et sa majorité n’ont jamais jugé utile de donner le nom de Robespierre à un lieu public parisien parce que Robespierre est « un personnage controversé » (B. Delanoe). Mais Mme Hidalgo et sa majorité conservent bien pieusement le nom de Lamoricière à l’avenue et au groupe scolaire du XIIe arrondissement.

Quel crédit accorder aux protestations émues qui ne vont pas tarder ?

Comment ne pas rappeler que les massacres de Sétif et de Guelma du 8 mai 1945 contre des manifestants algériens (on ignore toujours le nombre exact de morts, estimés à plusieurs dizaines de milliers) ont été perpétrés par une armée aux ordres d’un gouvernement tripartite MRP (démocrates-chrétiens), PCF, SFIO (socialistes) dirigé par le général de Gaulle ? Toutes les références actuelles à un gouvernement d’union nationale « comme en 1945 » ne peuvent occulter qu’il s’est agi d’un gouvernement qui, entre autres, a massacré les Algériens. Pire, ces références jettent une teneur lugubre : contre qui, cette « union nationale » ?

Comment ne pas rappeler la célèbre déclaration de François Mitterrand, ministre de la Justice en 1954, « l’Algérie c’est la France ; la seule négociation c’est la guerre », le même Mitterrand qui envoya à la guillotine nombre de militants indépendantistes, à commencer par le communiste Yveton ?

Comment ne pas rappeler le vote des pouvoirs spéciaux par les députés PCF et SFIO au gouvernement Guy Mollet en 1956 qui donna pleins pouvoirs aux parachutistes pour briser la bataille d’Alger ? Qui a donné le cadre juridique permettant les tortures et la mort ?

Chacun son héritage, chacun son passé

Pour sa part, la Libre Pensée s’honore que, par exemple, lors de son Congrès national, tenu à Niort en 1954, une délégation officielle composée d’André Lorulot, de Jean Cotereau, de Vignaud et de Ange Dechézelles, Président de la Libre Pensée d’Alger, se rende au domicile de Messali Hadj, le fondateur du nationalisme algérien, assigné à résidence à Niort, lui adresse son soutien et déclare «  Nous sommes pour la liberté des peuples ».

Il faut assumer, il faudra assumer

L’actuel ministre de la Justice, M. Dupont-Moretti, et ses proches trouvent bien des attraits aux députés qui organisent le rassemblement de Perpignan.

Vont-ils, dans leur peur effrénée de voir la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale tomber dans des mains impies, faire le pèlerinage de Perpignan ?

Poursuivront-ils leur opération de charme jusqu’à Perpignan ? Ou pousseront-ils des cris indignés devant la glorification de putschistes et de factieux ? Mais alors pourquoi avoir cherché à composer avec les députés nostalgiques des putschistes et des factieux ?

Par quelque bout que l’on prenne le problème, Dupont-Moretti et ses proches sont piégés. Il peut se consoler en se disant qu’il n’est pas le seul à avoir trouvé ou à trouver des qualités à la colonisation.

Nous lui laissons, nous leur laissons cette peu recommandable consolation.

Pour en savoir plus, lire L’Idée libre n° 337, Dossier :
L’indépendance de l’Algérie.

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Paris, le 27 juin 2022