In memoriam, André Grasset.

Pour nous suivre

Message de Jean-Marc Schiappa, Président de l’Institut de Recherches et d’Etudes de la Libre Pensée, au nom de l’IRELP, au nom de la Libre Pensée et de son Secrétaire général Christian Eyschen.1

« Mesdames, messieurs, chers amis, chers camarades,

il me revient de dire quelques mots, bien sommaires, en hommage à notre cher camarade et ami André Grasset.

Il est parfois difficile de saluer la mémoire d’un disparu parce qu’on ne sait pas exactement quoi dire. Dans le cas d’André, c’est l’exact inverse. Tous les messages, tous les témoignages que nous avons reçus depuis ce funeste jour vont dans le même sens, quasiment avec les mêmes mots pour saluer ses immenses qualités intellectuelles, militantes et humaines. Les mots se bousculent et se répètent. Et ils témoignent tous d’une grande émotion, à la hauteur de l’immense affection que nous lui portions. Tout le monde l’a écrit ou l’a dit : André était apprécié et, de fait, il est difficile de faire le tri dans ces qualités.
Bornons nous à en citer quelques-unes.

La première qui apparaît, paradoxalement, est sa discrétion. Ou plus exactement sa réserve. Il n’était pas discret par choix. S’il fallait ne pas l’être, il ne l’était pas. S’il fallait s’engager, il était présent et bien présent. Et surtout dans les moments difficiles qu’a connu le mouvement ouvrier et démocratique. Défendre l’organisation syndicale, défendre l’organisation politique, défendre l’organisation libre penseuse. Pour lui, c’était tout un. Et lui qui fut confronté à des moments personnels difficiles dans la période récente, il était présent. Sa présence rassurait ; son calme rassurait. Et dans les derniers mois, elle nous bouleversait.
Ce calme n’avait d’équivalent que la profonde détestation pour les va-de-la-gueule et les agités que tout mouvement d’ampleur attire comme la lumière attire les insectes. A travers des anecdotes bien senties, il faisait peser tout le poids du mépris que pouvait ressentir le militant ouvrier envers l’aventurier ou le dogmatique.

Sa culture, au sens « connaissance détaillée de l’histoire du mouvement ouvrier », était des plus solides. Mais ce n’était pas une érudition à vide, une collection de citations ou de faits. La culture servait pour l’action, pour l’organisation, pour la lutte de classes. Et bien évidemment, tout le monde pense à son rôle dans la grande grève des PTT de 1974 mais pas seulement.
Ce tempérament solide était tout de loyauté, de fidélité, de droiture.

Un d’entre nous a résumé mieux que tous le caractère, la substance, la personnalité de notre camarade « quelqu’un de bien ».

Mais il ne fallait pas prendre sa gentillesse pour de l’inertie et son bon caractère pour de la passivité.

L’économie de mots dont il usait était dévastatrice. Une fois, par exemple, il rendait compte d’une discussion avec une personne. Et il résumait cette discussion en disant « en fait, elle est bête ». Un mot, quatre lettres. Pas la peine de renchérir.

Il racontait souvent et avec une fierté méritée comment il avait été accueilli dans les locaux de la Libre Pensée par une harpie qui aurait rendu agréable une porte de prison. Cette personne qui avait tout fait pour démolir la Libre Pensée et qui, en raison de son échec, l’abandonna avait désigné du doigt notre camarade en criant à plusieurs reprises « il est au PCI, il est au PCI ». Comme si cela allait émouvoir ou troubler André. André est entré à la Libre Pensée ce jour-là et, pour sa part, ne l’a jamais quittée.

Quand il fallut constituer l’IRELP, il fit partie des quelques militants, rares, qui ont travaillé. Il était membre d’honneur de l’IRELP. Non seulement parce qu’il avait travaillé longtemps dans les tâches ingrates mais indispensables de classement des archives, s’arrêtant à des espaces mathématiquement calculés, qui ravissaient notre compagnie, pour dire « bon, je m’en vais fumer un clope ». Mais pas seulement.
André savait reconnaître un centre de recherches quand il en croisait un. Il avait tenu à faire un don financier substantiel à notre Institut dont il connaissait les efforts mais aussi les difficultés. Nous avions voulu saluer son geste en le faisant « membre d’honneur », distinction dont il se moquait comme d’une guigne. Il avait aidé, dans l’ordre, disait-il, le Parti, la Libre Pensée et l’IRELP. C’est un bon voisinage.

Nous sommes atterrés d’avoir perdu notre camarade et ami.

Mais nous sommes tellement fiers de l’avoir connu et de l’avoir côtoyé.

Notre cri de ralliement, il l’a poussé bien des fois. Et ce n’est que justice qu’il soit poussé en son honneur : « ni Dieu, ni Maître. A bas la calotte et vive la Sociale ».

André, nous te saluons..


  1. Les funérailles auront lieu le vendredi 9 septembre 2022 à 11 H au crématorium du Père Lachaise