On sait que la Première Guerre mondiale vit des millions d’hommes sous l’uniforme se battre et mourir dans les tranchées sanglantes. Les 40 000 monuments aux morts de ce pays témoignent de ce flot de sang. La paysannerie paya le prix du sang, c’est cette catégorie sociale qui fut le plus mise à contribution pour que la Grande Faucheuse soit rassasiée de la chair de millions de travailleurs de la terre. Comme il fallait faire tourner les usines de guerre, alors on rapatria du Front plus d’un million de travailleurs vers l’arrière. Il resta cependant aussi beaucoup d’ouvriers (les paysans sont aussi des travailleurs) à côté de la grande masse des paysans sous l’uniforme garance puis bleu-horizon. Dans la Guerre de 1914-1918, sur les 3,5 millions de paysans mobilisés, 670 000 sont morts et 500 000 furent mutilés au point qu’ils ne purent jamais retravailler.
Durant la Première Guerre mondiale, dans toutes les armées impliquées dans le conflit, des soldats ont péri sous les balles de pelotons d’exécution, accusés le plus souvent de mutilations volontaires, d’abandon de poste ou de refus d’obéissance en présence de l’ennemi. Ces exécutions ont été faites à la demande de juridictions militaires d’exception ayant violé les garanties procédurales les plus élémentaires auxquelles ils avaient droit, voire d’officiers ayant agi de façon totalement arbitraire en dehors de tout cadre légal. Si des pays comme le Royaume-Uni ont reconnu l’injustice qui a frappé ces hommes, la France n’a jusqu’à présent pris aucune mesure officielle allant dans ce sens alors même que le nombre des victimes est très élevé.
Depuis plus de 30 ans maintenant, la revendication de la Réhabilitation des Fusillés pour l’exemple de 1914-1918 est revenue sur le devant de la scène de l’opinion publique. Les associations pacifistes, les syndicats, les associations démocratiques ont largement soutenu et participé à cette demande.
Devant cette mobilisation de longue haleine, les plus hautes autorités de l’État ont évoqué publiquement ce drame sans aller jusqu’à prononcer une réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple de la Grande Guerre. Un Premier ministre, M. Lionel Jospin, les a réintégrés dans « notre mémoire collective nationale ». Un Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a reconnu qu’ils « ne s’étaient pas déshonorés » parce qu’ils « étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces ». Son successeur, M. François Hollande, a publiquement admis que « Certains furent condamnés de façon arbitraire et passés par les armes »
En l’absence de réponse à leurs yeux satisfaisante, la Fédération nationale de la Libre Pensée, avec plusieurs associations, a érigé un monument en leur mémoire, financé par souscription. Inauguré le 6 avril 2019, celui-ci se trouve sur la ligne de front, à Chauny dans le département de l’Aisne.
Ce combat vient de franchir une étape décisive. Le 13 janvier 2022, l’Assemblée nationale a voté en première lecture la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « Fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale, déposée par quarante-quatre députés inscrits dans différents groupes parlementaires.
Les Sénatrices et Sénateurs ont été saisis de la proposition de loi N°356 (ci-dessous) qui devrait être soumise lors de la prochaine législature sénatoriale. Celle-ci vise à réhabiliter les 639 Fusillés pour l’exemple de la Première guerre mondiale.
Il ne s’agit que des Fusillés pour désobéissance militaire, et non pour délits de droit commun, ou délits criminels ou d’espionnage. La liste de ces 639 Fusillés a été faite par les services de l’Armée, elle est à minima et indiscutable.
Certains disent qu’il y a sans doute des vrais coupables dans cette masse d’innocents, Fusillés pour l’exemple. Comme le disait le grand Victor Hugo, il vaut toujours mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison.
Est-on si sûr que sur les 40 000 monuments aux morts que compte le pays, ne figurent que des militaires dont l’attitude a été conforme à ce que le gouvernement de l’époque escomptait en qualifiant de « Morts pour la France » ce million trois cents mille militaires, dont les noms furent gravés ? S’il fut normal que le doute bénéficie à certains, il doit en être de même pour les 639 Fusillés pour l’exemple, il ne saurait y avoir deux poids-deux mesures en matière de justice et de mémoire.
Il appartient donc à la représentation nationale, dans ses différentes composantes, de rendre enfin Justice et Honneur à ces soldats, sous-officiers et officiers et à leurs familles qui ont été frappées d’opprobre depuis plus de cent ans.
Nous publions avec cet appel la liste des Paysans Fusillés pour l’exemple. Elle est malheureusement incomplète, car dans les listes établies ne figure pas toujours la profession de ceux qui sont passés devant les pelotons d’exécution.
Nous souhaiterions donc que vous demandiez aux Sénateurs et Sénatrices de voter – telle quelle – cette proposition de loi quand elle viendra à l’ordre du jour du Sénat et, en tout cas, de ne pas voter contre pour lui permettre d‘être adoptée. Il est plus que temps de refermer ce kyste mémoriel.
Nous demandons que les médias qui s’intéressent au monde paysan dans ses différentes formes, les journaux, revues publient cette information. Ils aideront ainsi à ce que la Justice soit enfin rendue à ces hommes de la terre, victimes eux aussi de la guerre et de sa barbarie.
Nous les remercions par avance de l’aide qu’ils apporteront à la cause de la justice en publiant cet Appel.
La Fédération nationale de la Libre Pensée
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Liste des soldats fusillés Agriculteurs ppl21-356