Des milliers d’arrestations et de gardes à vue dites « préventives », des violences policières d’État inouïes, des blessés graves, des jeunes marqués à vie dans leur chair, comme cette jeune femme dont le visage a été arraché par un tir tendu de grenade : en cette période de mobilisation sociale, incompétent en matière de protection des libertés individuelles, le juge administratif est sollicité, en revanche, pour garantir les libertés publiques (droit de réunion, d’association, de manifestation, notamment) et personnelles (droit d’aller et venir, secret de la correspondance, inviolabilité du domicile privé). Il a récemment rempli pleinement son office à Paris.
En ce qui concerne la défense des libertés individuelles, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a eu récemment l’occasion de rappeler que seule l’autorité judiciaire instituée par l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 est fondée à contrôler des opérations de police relevant de l’article 63 du code de procédure pénale, fussent-elles qualifiées de « préventives », dans une ordonnance du 24 mars 2023 : « Le placement en garde à vue, en application des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, a le caractère d’une opération de police judiciaire et il n’appartient qu’aux tribunaux judiciaires de connaître des litiges survenus à l’occasion d’un tel placement. »1
En revanche, le juge administratif sanctionne, s’il y a lieu, les mesures administratives en matière de libertés publiques et personnelles. Rappelons qu’il exerce en cette matière un entier contrôle depuis l’arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État le 19 mai 19332. Le maire de Nevers avait alors interdit la tenue d’une conférence en raison de possibles troubles à l’ordre public. Le juge avait considéré que la décision devait être proportionnée au risque encouru : « […] l’éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu’il n’ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qu’il lui appartenait de prendre ».
Dans la période récente, dans le prolongement de la suspension de nombreuses décisions portant atteinte aux libertés publiques et personnelles dans le cadre de l’état d’urgence antiterroriste, le juge des référés administratif a rendu des ordonnances garantissant l’effectivité des libertés publiques. Ainsi, le 9 février 2022, à juste titre, celui du tribunal administratif de Paris a suspendu l’interdiction de manifester notifiée par le préfet de police à l’association Alliance citoyenne qui souhaitait, à l’occasion de la discussion du projet de loi tendant à démocratiser le sport, se rassembler place des Invalides pour revendiquer le droit à porter le hijab dans les compétitions de football féminin : « […] la liberté de manifester constitue une liberté fondamentale et ne peut être entravée par l’autorité administrative qu’au regard de considérations liées à la protection de l’ordre public et l’interdiction d’une manifestation ne peut se justifier que si aucune autre mesure ne pouvait être prise pour préserver l’ordre public. » Le 1er avril 2023, il a également suspendu l’arrêté, notifié d’ailleurs très tardivement aux organisateurs, par lequel le préfet de police entendait interdire aux opposants à la loi réformant les retraites de manifester du samedi 1er avril à 17 heures au dimanche 2 avril à trois heures. Il a considéré que, d’une part, « […] l’interdiction générale […] visant les cortèges et rassemblements, ne paraît ni nécessaire ni proportionnée à la préservation de l’ordre public […] », d’autre part, « l’interdiction de porter des équipements de protection ne paraît pas davantage nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public. »
La Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) se félicite de ces deux ordonnances qui mettent en évidence les accès d’autoritarisme d’un pouvoir tantôt animé par une rhétorique antimusulmane, inspirant notamment la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, tantôt engagé dans des dérives attentatoires aux libertés publiques et personnelles et une violence systémique d’État, principale ressource d’un gouvernement dépourvu de majorité parlementaire et discrédité dans l’opinion. Toutefois, l’intervention du juge ne peut que compléter l’action militante.
En cette période de violences policières d’État, la FNLP appelle donc tous les citoyens et citoyennes à signer la pétition APPEL CONTRE LES VIOLENCES POLICIERES D’ETAT! CONTRE LA REPRESSION! POUR LE DROIT DE MANIFESTATION!
CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES D’ÉTAT !
CONTRE LA RÉPRESSION !
POUR LE DROIT DE MANIFESTATION !
1 TA Paris, Ord. 24 mars 2023, n° 2306010.
2 CE, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. Page 541.