Deux attaques de plus dans la dislocation et la destruction de l’Enseignement public

Pour nous suivre

Une déclaration de la Libre Pensée

Coup sur coup, le Gouvernement Macron/Borne rend public un Rapport « Quinze propositions pour consolider la relation entre l’Ecole et le monde économique » et un Protocole d’accord entre l’Etat et l’Enseignement catholique privé. Ce sont deux atteintes majeures portées à l’unicité de l’Enseignement et à sa laïcité. Les deux sont basés sur la même volonté d’accroitre dans des proportions sans précédent la territorialisation de l’Enseignement public pour faire éclater son caractère national et égalitaire, et pour l’adapter aux besoins du Patronat et de l’Enseignement catholique.

Les deux fois, le Gouvernement demande au Patronat de régler les problèmes de formation de la Jeunesse et à l’Eglise catholique de régler le problème de la mixité sociale. C’est le retour de l’Ancien-Régime où l’Etat confiait toutes les missions, normalement dévolues à l’Etat, à des corps subsidiaires (Eglise, Fermiers généraux, etc.) et ne gardait que les fonctions régaliennes (Police, armée, répression et Diplomatie).

Si on y ajoute le SNU et la loi de programmation militaire au montant exorbitant, on en revient à :

La sainte-Alliance du Coffre-fort, du Sabre et du Goupillon.

Le Rapport sur le monde économique vise à accroitre la territorialisation de l’Enseignement en le subordonnant complètement aux bassins d’emploi pour satisfaire « les filières professionnelles les plus prometteuses » et « les nouveaux métiers ». Il incite à mettre en place partout « des partenariats avec les entreprises et les professions ». Il vante les mérites des « universités école-entreprise » comme celle de Poitiers, « par un engagement plus fort des entreprises dans la formation des élèves »… « dans les secteurs économiques en expansion ». Il faut « développer la pédagogie de l’alternance ».

Il faut « assurer le développement de l’apprentissage au sein des lycées (et non plus dans les seuls lycées professionnels) pour mettre en œuvre « une logique de formation professionnelle tout au long de la vie en développant la mixité de parcours et de statuts ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites pour que le savoir et la formation ne soient plus dispensés dans les Ecoles publiques, mais dans les entreprises où l’on passe « tout le long de sa vie ».

D’ailleurs, le Rapport est contraint de noter que « La multitude d’activités fait craindre des répercussions sur les enseignements généraux, alors qu’il y a nécessité de conserver des temps suffisants pour travailler les compétences intellectuelles des élèves. »

 « A la faveur de plusieurs évolutions législatives et de réformes, la relation éducation-économie devient un axe majeur de la politique régionale académique ». Il préconise le développement des « Comités régionaux académiques de la relation éducation-économie (CREE) ». Il note « La volonté du Président de la République d’un rapprochement entre l’école et les entreprises interroge la stratégie et le mode de pilotage des hauts cadres dirigeants des régions académiques et d‘académies ». « La formation statutaire des personnels de direction et d‘inspection n’offre pas de module spécifique sur la relation de l’école avec le monde économique ».

En clair, le Statut national de la Fonction publique empêche la subordination complète de l’enseignement et des enseignants aux besoins nouveaux du Patronat. Il faut « prendre en compte le besoin émergeant de nouveaux métiers au sein des académies dans le cadre de direction de projets. »  Il faut donc liquider le Statut national. Pour attirer le chaland, et pour faire accepter l’alternance Entreprise/Ecole qui va livrer une main d’œuvre quasi gratuite aux patrons, le Gouvernement entend « donner la pièce », (avant on appelait cela un pourboire) aux enseignants.

Il faut renforcer la « relation entre l’école et ses partenaires économiques » et être « en adéquation avec l’organisation territoriale de l’économie ». Ce sont donc les bassins d’emplois et leurs besoins qui dirigeront désormais les académies et l’Enseignement qui devra adapter ses structures à celles du Patronat. Il propose aussi « une fête des métiers » partout en France pour promouvoir les entreprises et le Patronat.

On se croirait revenu au temps du Régime de Vichy de Pétain.

Mais comprenons-nous bien, en citant un extrait d’une étude de la Libre Pensée « Où va le Patronat ? » : La volonté de répondre aux besoins du Patronat en matière de main d’œuvre est en train d’évoluer grandement. On peut presque dire qu’« hier », les tenants du Capital entonnaient tous le même refrain : il faut adapter l’enseignement aux besoins du Patronat. En conséquence, tous les gouvernements de la Ve République, de droite comme de gauche, ont mis en œuvre des « réformes » allant dans ce sens.

Le Capital avait besoin d’une main d’œuvre qualifiée, avec à coté une masse de non-qualifiés (les fameux OS d’une époque), et pour faire pression sur le salariat pour le contraindre à l’exploitation à des tarifs les plus bas possibles : une armée de chômeurs. Le Pouvoir a donc modifié profondément l’Enseignement public pour cela. Le point de départ a été la loi Astier de 1919 sur l’enseignement professionnel, mais les objectifs se sont étendus à l’ensemble de l’enseignement.

L’École devait produire la main d’œuvre dont les entreprises avaient besoin. Oui, mais sur la base d’un capitalisme de production. Bien entendu, il y a eu de grandes résistances à cela, ce qui a aussi beaucoup modifié les réalisations obtenues.

Aujourd’hui, le Capitalisme qui prend le pas est celui de la spéculation, de la finance, de la bourse ; bref ce que l’on appelle la « bulle financière ». Dans ce cadre-là, il semble évident que les « besoins » du patronat en matière d’enseignement changent profondément. A terme, il n’y aura plus besoin d’une masse de main d’œuvre qualifiée, une minorité très qualifiée dans certains domaines suffira. Le chômage n’est plus un simple moyen de pression sur la classe ouvrière pour la contraindre, mais devient consubstantiel au capitalisme financier. Les profits se font ailleurs que dans la production. (Pour lire l’étude complète « Où va le Patronat ? » : Le Cahier N°4 de l’Observatoire social de la Libre Pensée vient de paraître – FÉDERATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSÉE (fnlp.fr)

En clair, avant il fallait défendre l’Enseignement public des ingérences du Patronat, aujourd’hui il va s’agir de défendre l’Ecole en tant que telle, comme Institution publique. Car ce que cherche le Gouvernement et le Patronat, c’est à former une minorité de salariés très qualifiés  « dans les nouveaux métiers » et « experts » dans les domaines liés à la spéculation et aux produits High-Tech. A côté de cela, même plus besoin d’avoir une masse d’ouvriers non-qualifiés, ils ne servent plus à rien dans la sphère spéculative.

Toutes les études le montrent, il y a un effondrement du nombre de travailleurs dans la production, c’est la destruction massive des forces productives, le travailleur étant, par essence, la principale force productive dans le processus de production.

Après le Coffre-fort, le Goupillon

C’est la même logique que l’on trouve dans l’Accord entre l’Etat et l’Enseignement catholique du 17 mai 2023. Le Rapport cité plus haut notait : « Sur le plan social, l’origine des élèves de la voie professionnelle reste très marquée, particulièrement dans les lycées professionnels publics. Au plan national, seuls 16,30% sont issus des milieux favorisés ou très favorisés et près de 57% sont issus de milieux très défavorisés. »

L’Accord commence ainsi : « Les deux parties s’accordent en préambule sur un constat commun : celui d’une différence persistante et trop importante de composition sociale et scolaire, entre les établissements d’un même réseau, publics ou privé et entre les établissements privés et publics. » Pour remédier à cela, désormais il est prévu « d’examiner prioritairement, dans les nouvelles contractualisations, l’implantation de classes… dans ses secteurs à fort besoin scolaire. »

En clair, pour le Gouvernement, l’Ecole publique et l’école catholique privée, c’est un seul et même réseau scolaire, et on va étudier les besoins scolaires en créant des écoles et des classes, indistinctement dans le Public ou dans le privé. La loi Debré qui parlait « du besoin scolaire reconnu » et non plus de l’exigence républicaine d’une Ecole ouverte à tous, partout où il y en avait besoin, trouve là son plein accomplissement. Le Protocole Pap N’Diaye/ Philippe Delorme, c’est la loi Debré jusqu’au bout, pour tous et partout !

La soumission à l’Eglise catholique va jusqu’au bout : non seulement l’école catholique garde son « caractère propre » (qui est selon ses propres statuts une mission d’évangélisation de l’Eglise catholique,), mais elle est reconnue comme le modèle à suivre par l’Etat, car « L’enseignement catholique partage l’objectif de mixité sociale et scolaire, qui est déjà la réalité de nombre de ses établissements, et dont il  a fait l’un de ses programmes stratégiques, ainsi qu’aux principes fondamentaux qui l’animent. Dès lors que la liberté d’inscription est respectée et que le libre choix de toutes les familles se trouve garanti, il y voit inséparablement un enjeu de justice sociale et une traduction effective de la liberté de l’enseignement, dont l’Etat garantit l’exercice aux établissements privés ».

Avant, on rendait publique l’école privée, depuis Lionel Jospin, on privatise, sur le modèle de l’enseignement catholique, l’Ecole publique laïque !

Comment mettre de la mixité sociale, si les familles peuvent inscrire leurs enfants où elles le veulent et que le principe de sectorisation ne s’applique plus ? C’est se moquer du monde. Et cela est signé par le Ministre de l’Education nationale de la République ?

C’est le paraphe de la Honte.


QU’EST –CE QUE L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE ?

(EXTRAITS DE SES STATUTS)

Art. 8 : « Aujourd’hui comme hier, l’Église catholique est engagée dans le service de l’éducation. Elle accomplit ainsi la mission qu’elle a reçue du Christ : travailler à faire connaître la Bonne Nouvelle du Salut… »

Art. 17 : « Le caractère ecclésial de l’école est inscrit au cœur même de son identité d’institution scolaire ». Cette particularité « pénètre et façonne chaque instant de son action éducative, partie fondamentale de son identité même et point focal de sa mission ».

Art. 23 : L’Évangile est la référence constante des projets éducatifs, car « c’est le Christ qui est […] le fondement du projet éducatif de l’école catholique ».

Art. 41 : Une école au service du projet de Dieu : « L’Église poursuit l’œuvre du Seigneur par l’annonce de la Bonne Nouvelle qui est Jésus-Christ lui-même. C’est dans cette Église que s’inscrit et se comprend l’école catholique : la préoccupation éducative qu’elle porte, et avec elle le souci de la proposition et de l’annonce de la foi, est celle de l’ensemble de la communauté ecclésiale, dans laquelle elle trouve force et soutien. »

Pour en savoir plus, télécharger gratuitement la brochure Arguments « A propos de l’enseignement catholique » :

A propos de l’enseignement catholique en France (calameo.com) sur le site de la Libre Pensée


Et les mêmes vont nous parler sans cesse des valeurs laïques et républicaines et exiger des associations ce que l’Etat viole tous les matins ?

« Le Protocole prévoit également d’instaurer un dialogue régulier sur les objectifs de renforcement de la mixité sociale et scolaire, entre les autorités diocésaines et les académies » (La Croix 17/05/2023).  En clair, entre structures régionales et non pas dans un cadre national. C’est –à-dire, encore une fois, sur le plan de la territorialisation renforcée. Après le dialogue régulier entre les Académies publiques et le Patronat (Rapport cité plus haut), voici le temps du dialogue régulier entre les Académies publiques et l’Ecole catholique ! Si on ajoute à cela l’Instance annuelle de dialogue entre le Gouvernement et l’Église catholique, créée par Lionel Jospin en février 2002, pour évoquer les sujets d’intérêt commun entre le Gouvernement et l’Église catholique, on ne peut que constater que le lien est enfin réparé entre l’Etat et l’Eglise (selon le vœu d’Emmanuel Macron aux Bernardins, le 10 avril 2018).

Bien entendu, avec l’Eglise catholique, la question de l’argent n’est jamais loin. L’enseignement catholique va adapter ses tarifs, accueillir les enfants boursiers, diminuer les tarifs de restauration scolaire. Qui va payer ? Pas elle, même si elle en a largement les moyens, comme la Libre Pensée l’a démontré par ses inventaires laïques pour montrer la richesse de l’Eglise qui refuse d’indemniser à hauteur correcte les victimes des crimes sexuels de son clergé.

Non, bien sûr, le Protocole indique que ce seront les Collectivités publiques et l’Etat par leurs subventions et forfaits d’externat. En clair, l’argent public des Impôts versé par les citoyennes et citoyens va financer toujours plus l’Eglise catholique et ses œuvres. Le détournement des fonds publics continue et va s’accélérer encore.

Hier comme aujourd’hui :

Abrogation des lois antilaïques !

Pas de patron, pas de curé, pas de soldat à l’Ecole laïque !

Paris, le 2 juin 2023