Le Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU tacle vertement le Gouvernement d‘Emmanuel Macron, par Keith Porteous Wood, président de la NSS (G-B)

Le Comité des Droits de l’Enfant vient de publier ses observations finales sur la France (lien vers le document en anglais)

Les passages relatifs aux abus sexuels sur mineurs par des personnes liées à l’Eglise catholique en France sont les suivants, en gras dans l’original, j’ai souligné et mis en gras les passages les plus importants :

Exploitation et abus sexuels

  1. Le Comité prend note de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 relative à la protection de l’enfant contre les crimes et délits sexuels et l’inceste, qui introduit un mécanisme d’allongement des délais de prescription pour traiter les actes commis par un même auteur sur plusieurs victimes, ainsi que de la création et des travaux menés par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIVISE) et d’une commission d’enquête sur les abus sexuels commis sur des enfants par l’Église catholique française. Toutefois, le Comité reste gravement préoccupé par les informations faisant état de ce qui suit

(a) le nombre disproportionnellement faible de condamnations pour des cas d’abus sexuels perpétrés par des membres du personnel religieux de l’Église catholique par rapport aux rapports sur l’ampleur des abus et le peu d’indemnisations accordées aux victimes ;

(b) L’absence d’une approche adaptée aux enfants et multisectorielle dans les enquêtes sur les abus sexuels commis sur des enfants, y compris dans le cercle de confiance que constitue le personnel religieux de l’Église catholique ;

(c) Les délais de prescription sont limités étant donné que certains des crimes ont été commis il y a plusieurs dizaines d’années ; 

(d) Mesures limitées pour lutter contre l’exploitation et les abus sexuels des enfants en ligne ;

(e) L’absence de données globales sur les cas d’abus sexuels commis sur des enfants.

  1. Le Comité invite instamment l’État partie à

(a) De poursuivre ses efforts pour faire en sorte que tous les cas d’abus sexuels commis sur des enfants de moins de 18 ans soient signalés, fassent l’objet d’une enquête et donnent lieu à des poursuites, y compris les abus perpétrés par des personnes de confiance, telles que le personnel de l’Église catholique ;

(b) D’appliquer une approche adaptée aux enfants et multisectorielle dans les enquêtes sur les abus sexuels commis sur des enfants, notamment en évitant de traumatiser à nouveau les victimes grâce à des entretiens médico-légaux fondés sur des preuves et à une thérapie appropriée axée sur les traumatismes ;

(c) de continuer à veiller à ce que les enregistrements audiovisuels soient systématiquement acceptés comme éléments de preuve lors des audiences et d’envisager un arrangement dans lequel le contre-interrogatoire peut avoir lieu sans délai au cours de la phase préalable au procès, de sorte que les enfants victimes n’aient pas besoin de témoigner devant le tribunal

(d) De garantir des voies de recours et un soutien appropriés aux enfants victimes d’abus sexuels et de veiller à ce qu’ils soient indemnisés de manière adéquate ;

(e) De renforcer les mesures de protection des enfants de plus de 15 ans qui sont ou risquent d’être victimes d’exploitation sexuelle ; 

(f) mettre en œuvre les conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église et de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation mises en place par les institutions religieuses et, si nécessaire, ouvrir une enquête indépendante menée par l’État sur ces violations ;

J’avais espéré que la commission aurait été plus ferme que « poursuivre ses efforts » au point 24(a), étant donné que ces efforts ont été minimes. Bien que la commission exprime sa préoccupation au point 23(c) concernant la limitation des délais de prescription et qu’elle fasse référence au point 23 à « la protection des enfants contre les crimes et délits sexuels et l’inceste, qui introduit un mécanisme permettant d’étendre les délais de prescription afin de traiter les actes commis par un seul auteur à l’encontre de plusieurs victimes« , elle ne fait pas suivre cela d’une recommandation spécifique. Bien que nous reconnaissions que de nombreuses recommandations de la Commission de l’Eglise étaient louables, elle n’est pas allée assez loin et il y a eu de graves omissions. De même, sa recommandation de ne pas allonger les délais de prescription soulève de sérieuses questions quant à la bonne foi de la Commission nommée par l’Eglise.

Vous pouvez citer le texte suivant :

À la suite de démarches effectuées par la National Secular Society, le Comité des Droits de l’Enfant des Nations unies a déclaré qu’il « reste gravement préoccupé par les informations faisant état du nombre disproportionnellement faible de condamnations pour des cas d’abus sexuels perpétrés par des membres du personnel religieux de l’Église catholique, par rapport aux informations faisant état de l’ampleur des abus et du faible nombre d’indemnisations accordées aux victimes« .

L’Église elle-même a reconnu qu’il n’y avait eu que 214 condamnations de ce type depuis 1950 (https://www.ciase.fr/medias/Ciase-Rapport-5-octobre-2021-Les-violences-sexuelles-dans-l-Eglise-catholique-France-1950-2020.pdf page 143) par rapport à son estimation de 330 000 victimes (ibid. page 135) et donc vraisemblablement environ un million de cas d’abus. Cette proportion minuscule de condamnations est une mise en accusation de toutes les branches du système judiciaire français : la police, les procureurs et les tribunaux. Il est difficile d’échapper à la conclusion que l’Église est largement au-dessus de la loi.

Le Comité « prie instamment l’État partie de … veiller à ce que tous les cas d’abus sexuels commis sur des enfants de moins de 18 ans soient signalés, fassent l’objet d’une enquête et soient poursuivis, y compris les abus perpétrés par des personnes de confiance, telles que le personnel de l’Église catholique« .

Nous saluons cette initiative, car le fait que les auteurs d’abus échappent à la justice a pour conséquence directe qu’ils continuent d’abuser et que l’Église reconnaît que les abus se poursuivent. L’action des bras de la justice est d’autant plus importante que l’Église n’a même pas demandé que les personnes soupçonnées d’abus soient dénoncées à la justice séculière. Bien au contraire, nous avons démontré au Comité qu’une omerta (à laquelle le « cercle de confiance » fait allusion) est en place avec la complicité de la hiérarchie. Aucun membre de l’Église qui dénonce un abuseur présumé ne peut espérer conserver son poste.

Le Comité fait référence aux « rares indemnisations accordées aux victimes [de l’Église] » et demande instamment « des recours et un soutien appropriés pour les enfants victimes d’abus sexuels, ainsi qu’une indemnisation adéquate« . Non seulement il y a eu très peu d’indemnisations, mais elles ont été accordées pour des montants ridiculement bas. Le Comité s’est également inquiété du fait que les délais de prescription constituent un obstacle aux poursuites.

La commission a recommandé de suivre la recommandation du rapport de l’Église et « d’ouvrir, si nécessaire, une enquête indépendante dirigée par l’État sur les violations« . Compte tenu de la gravité de l’ampleur des abus et de l’insuffisance de la réponse apportée par l’Église et l’État, nous demandons instamment qu’une enquête indépendante menée par l’État examine toutes les préoccupations susmentionnées.

Amitiés

Keith Porteous Wood

Président

(UK) National Secular Society Challenging Religious Privilege – National Secular Society (secularism.org.uk)