Réunion du Comité interministériel de l’enfance (ONU) le 15 juin : une lettre de Keith Porteous Wood aux parlementaires français

Pour nous suivre

Londres, le 13 juin 2023

Mesdames, Messieurs les Députés et Sénateurs,

Pour information aux médias

Je suis le Président de la National Secular Society du Royaume-Uni. Nous travaillons aux Nations-Unies depuis vingt ans et bénéficions d’une accréditation de l’ONU. D’autres organisations françaises se joignent à moi en tant que cosignataires. Les organisations d’aide aux victimes d’abus soutiennent ces initiatives.

Je m’adresse à vous au sujet de l’Église catholique en France qui a admis que, depuis 1950, 330 000 enfants ont été abusés par des clercs et d’autres religieux selon www.ciase.fr (et donc environ un million d’abus). Nous avons porté cette information à l’attention du Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies.

J’espère que vous serez prêt à porter ces questions à l’attention de la prochaine réunion du Comité interministériel de l’enfancele 15 juin, qui sera l’occasion, avec tous les ministres concernés, de faire le point sur ces observations et sur les mesures à prendre pour y remédier.

Nous demandons cela parce que la France a ignoré la demande du Comité d’inclure dans son rapport périodique des détails sur l’abus clérical de mineurs et la réponse judiciaire (tout à fait inadéquate) de l’Etat à ce sujet. Elle n’a pas non plus répondu aux questions posées verbalement lors de la session orale avec le Comité. Cela nous semble être une trahison des victimes et une preuve d’indifférence face au besoin urgent de poursuivre les nombreux abuseurs présumés qui ont échappé à la justice et restent libres de continuer à abuser.

Le signalement de ces abus est obligatoire depuis 2000, mais nous avons démontré dans la présentation ci-dessus qu’une omerta totale empêche toute divulgation de la part des membres de l’Église. Tant les abuseurs que ceux qui sont au courant des abus semblent être au-dessus de la loi (tous ces abus n’ont donné lieu qu’à 214 condamnations), et il n’est donc pas étonnant que, comme l’Église l’admet, les abus se poursuivent.  

De plus amples détails sont fournis ci-dessous.

 La Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Homme a répondu à nos préoccupations (lien vers le courrier de la NSS) concernant les abus liés à l’Eglise et la réponse inadéquate de l’Etat de France.

 Le CDE de l’ONU vient de publier ses observations finales sur la France (lien vers le rapport du CDE).

 Les passages relatifs aux abus sexuels sur mineurs par des personnes liées à l’Eglise catholique en France sont les suivants, les plus importants sont en gras et soulignés :

 Exploitation et abus sexuels

  1. Le Comité prend note de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 relative à la protection de l’enfant contre les crimes et délits sexuels et l’inceste, qui introduit un mécanisme d’allongement des délais de prescription pour traiter les actes commis par un même auteur sur plusieurs victimes, ainsi que de la création et des travaux menés par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIVISE) et d’une commission d’enquête sur les abus sexuels commis sur des enfants par l’Église catholique en France. Toutefois, le Comité reste gravement préoccupé par les informations faisant état de ce qui suit 

(a) le nombre disproportionnellement faible de condamnations pour des cas d’abus sexuels perpétrés par des membres du personnel religieux de l’Église catholique par rapport aux rapports sur l’ampleur des abus et le peu d’indemnisations accordées aux victimes ;

(b) L’absence d’une approche adaptée aux enfants et multisectorielle dans les enquêtes sur les abus sexuels commis sur des enfants, y compris dans le cercle de confiance que constitue le personnel religieux de l’Église catholique ;

(c) Les délais de prescription sont limités étant donné que certains des crimes ont été commis il y a plusieurs dizaines d’années ; 

(d) Mesures limitées pour lutter contre l’exploitation et les abus sexuels des enfants en ligne ;

(e) L’absence de données globales sur les cas d’abus sexuels commis sur des enfants.

  1. 24.       Le Comité invite instamment l’État partie

(a) De poursuivre ses efforts pour faire en sorte que tous les cas d’abus sexuels commis sur des enfants de moins de 18 ans soient signalés, fassent l’objet d’une enquête et donnent lieu à des poursuites, y compris les abus perpétrés par des personnes de confiance, telles que le personnel de l’Église catholique ;

(b) D’appliquer une approche adaptée aux enfants et multisectorielle dans les enquêtes sur les abus sexuels commis sur des enfants, notamment en évitant de traumatiser à nouveau les victimes grâce à des entretiens médico-légaux fondés sur des preuves et à une thérapie appropriée axée sur les traumatismes ;

(c) De continuer à veiller à ce que les enregistrements audiovisuels soient systématiquement acceptés comme éléments de preuve lors des audiences et d’envisager un arrangement dans lequel le contre-interrogatoire peut avoir lieu sans délai au cours de la phase préalable au procès, de sorte que les enfants victimes n’aient pas besoin de témoigner devant le tribunal ;

(d) De garantir des voies de recours et un soutien appropriés aux enfants victimes d’abus sexuels et de veiller à ce qu’ils soient indemnisés de manière adéquate ;

(e) De renforcer les mesures de protection des enfants de plus de 15 ans qui sont ou risquent d’être victimes d’exploitation sexuelle ; 

(f) mettre en œuvre les conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église et de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation mises en place par les institutions religieuses et, si nécessaire, ouvrir une enquête indépendante menée par l’État sur ces violations ;

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier, veuillez agréer l’expression de ma considération très distinguée.

Keith Porteous Wood, Président de la NSS anglaise