Interview du créateur Joël BOUREZ par Christian EYSCHEN
La raison – Vous êtes le créateur de ces deux nouveaux sites Internet, que vous positionnez comme “sites contre l’emprise des religions et le harcèlement des religionistes“. Pourquoi cette initiative ?
Le constat de départ de cette initiative est la quasi invisibilité de la conviction athée dans le domaine public, dans la politique, sur Internet, sur les réseaux sociaux et la faible présence d’associations rationalistes en comparaison aux multiples associations cultuelles largement financées par des subventions publiques. Il y a bien quelques influenceurs qui ont une certaine notoriété, mais leurs audiences restent modestes par rapport aux influenceurs religieux. C’est surtout dans le domaine de la zététique et de l’anti-complotisme qu’on remarque ces influenceurs.
Face au déclin des religions, les religionistes décuplent d’efforts dans tous les médias numériques : sites Internet, applications Smartphones, Forums, Streamed TV etc. Citons Aleteia, largement financé par la famille Bolloré, disponible en plus de 7 langues, d’autres programmes comme Prixm, Prions en église, Ma Petite Prière, Frère Adrien ou des applications islamiques comme La Voie Droite, Coran Majeed et une pléthore de “booster de foi“.
Cette visibilité médiatique a pour conséquence que certains concluent à un retour du religieux, mais ce n’est pas le cas. Ce que l’on constate, c’est seulement la recrudescence des efforts prosélytiques digitalisés et une forme de radicalité des courants fondamentalistes. Mais les faits sont là, le monde se sécularise, y compris aux USA, et ce en dépit des attaques théocratiques et dans le monde arabo-musulman. Cette tendance est démontrée par de nombreux sondages, statistiques sociologiques et enquêtes. On peut dans une certaine mesure être rassuré que ces efforts prosélytiques auront un impact limité. Mais cela ne doit pas relativiser la nécessité que les athées et autres courants rationalistes ont de faire de même en se rendant beaucoup plus visibles. Les deux sites Relifakes.com et Atheopedia sont une contribution dans cette direction.
Pendant ma vie active, j’étais comme la plupart des athées, indifférent à la nécessité d’agir pour contrer l’endoctrinement. Étant à la retraite, j’ai décidé de consacrer une bonne partie de mon temps à combler, ce qui me semble être un vide : la présence d’un média athée francophone en ligne et d’un portail de ressources rationalistes.
La Raison – Pourquoi ce terme “relifake” ?
J’ai posé cette question “c’est quoi une relifake? ” à l’interface de l’outil d’intelligence artificielle ChatGPT OpenAI. Voici sa réponse pour le moins diplomatique, la religion étant un sujet délicat pour l’intelligence artificielle :
“Ce terme “relifake” n’est pas un terme couramment utilisé dans le langage commun ou académique, et je ne suis pas sûr de ce que vous voulez dire par là. Il est possible que vous fassiez référence à une combinaison de deux mots : “religion” et “fake” (faux), dans ce cas, le terme “relifake” pourrait être utilisé pour décrire quelque chose qui semble être religieux mais qui est en fait faux ou trompeur. Cependant, il est important de noter que la plupart des religions et des croyances ont des éléments de foi qui ne peuvent pas être prouvés ou réfutés de manière définitive. Par conséquent, il est difficile de déterminer ce qui est “vrai” ou “faux” en matière de religion et de spiritualité. En fin de compte, la validité et la valeur de toute croyance religieuse sont souvent laissées à l’appréciation personnelle de chaque individu.“
…Belle réponse en langue de bois ! Plus sérieusement, le mot “relifake” est un amalgame, la contraction de deux mots “religion” et “fake“. Je pense que la plupart des gens comprennent ce terme nouveau et comprennent qu’il se réfère aux ” fakenews / infox” dans le domaine de la religion. L’avenir dira si ce terme “accrocheur” peut ou pas attirer l’attention.
La Raison – Pourquoi deux sites ?
Le premier site relifakes.com est un média d’information, d’actualités et d’analyses en ligne et sur les réseaux sociaux dont le but est de favoriser la prise de conscience des méfaits des religions dans le monde. Le site milite en vue d’aider à réduire l’influence omniprésente des religions et à contrer l’endoctrinement des populations, surtout des plus jeunes. Sa devise est “ne croyons pas en l’incroyable“. La mise à jour est quotidienne. C’est clairement un site athée militant.
Le deuxième site atheopedia.com est plus statique, car c’est un portail de ressources disponibles en ligne pour comprendre et s’informer sur la non-croyance et pour s’affranchir des religions. Il a pour ambition de fournir une information structurée et un référencement des ressources principales disponibles. Sa devise est “Les ressources pour s’affranchir des religions“.
La Raison – Que contient plus précisément le site relifakes.com ?
Il est structuré d’abord autour d’un blog et d’un fil d’actualités journalières, générées à partir d’une revue de presse. Une deuxième section informe de la disponibilité de nouvelles vidéos et des nouveaux livres. S’ensuit diverses sections : 1) Témoignages de victimes des religions et sectes 2) Nouvelles Relifakes 3) Dossiers thématiques 4) opinions et 5) Dossiers éducatifs.
Le site tient à jour un répertoire des principaux sites Internet, des réseaux sociaux et des blogs des “Sans-religion“, dans le monde francophone, mais aussi les principaux sites internationaux en langue anglaise. Il liste les statistiques sociologiques disponibles, par pays sur les croyants et non-croyants. Il édite une lettre d’information régulière concernant les “Sans religion“.
A cela s’ajoute une section “divertissement” avec la plus grande compilation de vidéos hilarantes sur la religion et une liste des meilleurs films autour des sujets athéisme et religions. Et n’oublions pas chaque jour, une citation percutante et un calendrier des prochains évènements et célébrations. Un lexique didactique par pop-up informe le lecteur sur la définition de certains mots difficiles avec l’option d’un lien vers la page Wikipédia spécifique au mot.
La raison – et le site Atheopedia.com ?
Il se donne pour but d’être un facilitateur d’accès à l’information, une plateforme d’aiguillage vers une information fiable et adaptée aux nouveaux modes de transmission de l’information sur Internet. L’information est regroupée par dossiers thématiques, par pays, religions, laïcité, sciences, philosophies etc. Il référence les grands penseurs et écrivains contemporains ou historiques. Les dossiers thématiques sont variés, entre autres : arguments en faveur de l’athéisme, arguments contre les religions, la morale sans dieu, voile, homosexualité, misogynie, apostasie, blasphème, mutilation génitales, sciences, théorie de l’évolution, laïcité etc.
L’approche d’Atheopedia est ludique, avec beaucoup de vidéos, d’images et de textes courts mais avec des options pour approfondir les sujets. Le site fournit aussi une bibliothèque en ligne, comprenant plus de 300 livres référencés par catégories et avec un outil de recherche.
La raison – Quel public visez-vous ?
Je vise d’abord ceux qui sont déjà athées, “non religieux” ou membres d’associations rationalistes, libres penseurs ou humanistes. Ceux-là n’ont pas besoin d’être convaincus, mais mes sites leur offrent un fil d’actualités et des dossiers et argumentations adaptés à leurs centres d’intérêt.
Mais, je vise surtout les jeunes et tous ceux qui se posent la question ” croire ou ne pas croire ” ou qui cherchent des éléments de réponse à leur dilemme, différents de ce qu’ils lisent sur les multiples sites religieux.
Ces sites s’adressent aussi aux dé-convertis, ceux qu’on nomme ” les Ex’s “: Ex-chrétiens, Ex-musulmans, Ex-juifs, Ex-hindous, Ex-mormons etc., qui ont souvent besoin d’arguments pour défendre leur position dans la société.
La raison – Comment allez-vous faire connaître vos sites ?
La première étape a été passée à maîtriser les outils informatiques pour la gestion des sites, à écrire des centaines de pages de contenus, à lancer une newsletter, à ouvrir une page et un groupe Facebook. L’audience initiale s’est faite uniquement par la bouche à oreille et le partage Facebook. C’est essentiellement un public rationaliste, la communauté des libres-penseurs ou athées. Je n’aime pas trop le mot de communauté, mais je n’ai pas d’autres termes qui me viennent à l’esprit.
La gratuité des sites et prestations est essentielle si nous voulons atteindre un large public de lecteurs. Le défi, c’est comment atteindre la population au sens large et trouver la forme de financement adaptée pour couvrir les frais et garantir la pérennité, non seulement financière mais aussi éditoriale. Malheureusement, on trouve sur Internet pas mal de sites athées ou des groupes Facebook anciens, construits avec les premiers outils des plateformes Internet, aujourd’hui inactifs et non mis à jour, donc de facto en déshérence et ce malgré des contenus intéressants ou des audiences historiques non négligeables. Maintenir des sites dans le temps est un challenge car ils sont souvent soutenus par un petit groupe de personnes, voire une seule.
