Crèches de Noël : Les vraies questions, le vrai débat

La Fédération nationale de la Libre Pensée voudrait rappeler que la loi du 9 décembre 1905 dite de Séparation des Eglises et de l’Etat est une loi de concorde qui a amené la paix civile dans notre pays, hormis durant la période du Régime de Vichy où cette loi a été violée en permanence. Il y a visiblement aujourd’hui des nostalgiques de cette sinistre période.

La présence de crèches chrétiennes (et non de simples crèches) dans les locaux des Conseils généraux et des mairies, ou sur le domaine public, est une violation ouverte du principe de laïcité. Les symboles et emblèmes religieux n’ont aucune place légitime dans les locaux de la République, dans les maisons communes des citoyens.

Il en est tout autrement en dehors des institutions de la République. Chacun est libre dans « l’espace public » (magasins, commerces, marchés de Noël, etc…) de présenter des crèches ou autre chose. L’Eglise catholique et ses affidés mélangent allègrement la sphère publique (Institutions, Administrations, Services publics) et l’espace public. L’Eglise utilise les notions frelatées de ceux qui, bafouant la notion de séparation de la sphère publique (et non de « l’espace public » qui ne veut rien dire juridiquement) et de la sphère privée, entendent obtenir une législation liberticide d’exception contre les citoyens d’origine arabo-musulmane, population suspecte d’être, génétiquement, consubstantiellement et potentiellement, « terroriste », législation dont les premiers jalons existent déjà (loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme).

La crèche est un symbole purement religieux, ordonné autour du culte de Jésus. Cet ouvrage a donc un caractère sectaire et participe d’une stratégie apologétique, à l’opposé d’une œuvre culturelle qui contribue à élargir la connaissance de l’esprit de manière universelle et désintéressée. En outre, il faut aussi signaler que les partisans des crèches chrétiennes sont les premiers à introduire le communautarisme dans la sphère publique et à ruiner ainsi la culture républicaine de la Nation, l’indivisibilité de la République et la liberté de conscience des citoyens.

Qui divise ?

Quand la loi de 1905, loi de concorde, est appliquée, il n’y a pas de division dans la Nation. Quand elle est bafouée, cela entraîne, on le voit, des polémiques, des tensions et des divisons.Ceux qui divisent sont ceux qui violent le principe de neutralité des maisons communes de la République.

Il est ahurissant d’entendre monsieur Xavier Bertrand, dans une émission de radio, répondre à monsieur Jean-Pierre Elkabbach, qui lui demandait de préciser s’il aurait eu la même réaction d’indignation devant la décision du Tribunal administratif de Nantes dans l’hypothèse de la présentation d’un symbole juif ou musulman dans les locaux du Conseil général de Vendée « Est ce qu’il y a la même tradition, le même héritage culturel ? Certainement pas ! C’est une question d’identité nationale ». Qui divise les citoyens selon leurs convictions ?

Il est à proprement stupéfiant d’entendre des Elus de la République, de l’extrême-droite au Parti socialiste, soit ouvertement soit insidieusement, dire que l’on peut ne pas respecter la loi laïque de la République. Il y aurait « des choses plus importantes à faire en matière de laïcité ». Monsieur Manuel Valls est-il qualifié pour délivrer des brevets de laïcité, lui qui est allé se prosterner au Vatican pour la béatification des papes ? Messieurs Jean Glavany et Jean-Christophe Cambadélis sont-ils qualifiés pour juger de l’importance ou du caractère secondaire des violations de la laïcité, eux qui votent chaque année à l’Assemblée nationale l’octroi de sept milliards et demi d’euros en faveur de l’enseignement catholique ? En matière de laïcité, ces messieurs sont des orfèvres, visiblement.

Réponses à quelques arguments fallacieux

Premier argument : les libres penseurs seraient d’indignes personnages parce qu’ils s’en prendraient au bonheur des enfants à Noël. Vous voulez parler des enfants, alors parlons-en !En cette matière, il nous serait facile de rétorquer que les relations de certains prêtres avec des enfants ne sont ni très vertueuses ni très chaleureuses. Pour faire toute la lumière sur cette tragédie, la Libre Pensée s’est adressée à la Congrégation du Bon Secours dont dépendait le couvent de Tuam en Irlande où l’on a trouvé les restes enterrés de 800 enfants. Quand l’Eglise catholique va-t-elle répondre à l’interpellation publique sur sa responsabilité en la matière ? L’Evêché serait-il fermé de l’intérieur ?

Deuxième argument : la France aurait des racines judéo-chrétiennes. Vous voulez parler d’histoire, alors parlons-en ! D’une part, le judéo-christianisme est un oxymore. Le christianisme a trouvé sa puissance dans la lutte contre le judaïsme. Il a une responsabilité écrasante dans l’antisémitisme. C’est le christianisme qui a fourbi les armes ayant conduit àAuschwitz. D’autre part, des racines encore plus anciennes, plus profondes et plus réelles que le christianisme soutiennent notre vieux pays : le paganisme, la culture celte, la civilisation gréco-latine. S’il faut des racines pour qu’un arbre tienne en terre, le plus important ce sont les branches qui s’élèvent vers le ciel. Les racines s’enfoncent dans la terre, c’est le repli sur soi. On n’a jamais rien construit de grand dans les cimetières.

Ce n’est pas parce que le pays peut avoir une histoire avec des sources diverses, que les institutions de la République doivent en être le reflet. Nos origines nous ramènent vers le passé, la République nous tire en avant. Elle nous conduit vers l’idéal selon l’expression de Jean Jaurès.

La République n’est ni chrétienne, ni juive, ni musulmane ou libre penseuse.

Elle est laïque.

Il serait temps que les Elus de la République respectent la législation laïque et républicaine de ce pays !

Paris, le 12 décembre 2014