La commission “Laïcité et fonction publique” a remis son rapport à la Ministre de la Fonction Publique, le 9 décembre 2016. La commission “Laïcité et Fonction publique”, présidée par Émile Zuccarelli, ancien ministre de la Fonction Publique, a été mise en place en juin 2016 « afin d’apporter des réponses concrètes aux agents qui s’interrogent sur l’application du principe de laïcité dans l’exercice de leurs fonctions ».
La commission, selon sa propre synthèse de présentation du rapport, « s’en est tenue à l’idée selon laquelle la laïcité constitue la modalité française d’organiser la liberté de conscience qui implique, pour les pouvoirs publics, de respecter une posture de neutralité en matière de culte. Il s’en déduit que les agents publics ne peuvent – pendant leur service – afficher leurs convictions religieuses, tandis que les usagers sont libres de le faire tant qu’ils ne troublent pas l’ordre public, ni ne réclament, pour ce motif, un traitement différencié ».
Cette synthèse se conclut ainsi : « la laïcité, expliquée et correctement appliquée, constitue un principe de liberté et une source d’émancipation qui bénéficie à tous, agents comme usagers et, de là, à la cohésion nationale. »
La commission a posé un diagnostic de la situation
« À ses yeux, aujourd’hui, le nombre de situations problématiques liées à l’application du principe de laïcité reste faible dans la plupart des structures publiques. » Toutefois, les agents font état de difficultés. « Cette difficulté découle de deux facteurs principaux le manque de formation (…) l’agent craint, même en se bornant à rappeler les règles applicables, de ne pas être ensuite soutenu par sa hiérarchie, (…) » Cependant, « leur adhésion aux principes déontologiques de la Fonction publique et leur volonté d’appliquer la norme demeurent très fortes »
Elle a énoncé son point de vue sur le plan juridique
« Les agents, en tant qu’ils représentent l’État, sont astreints à une stricte neutralité (…) la logique est inversée pour les usagers : c’est la liberté d’exprimer ses convictions religieuses qui prime ». Cette liberté s’exerce en particulier « dans les limites du respect de neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d’ordre public, de santé et d’hygiène » … le principe de laïcité interdit « à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les collectivités publiques et les particuliers »
La commission estime que la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a clarifié le Statut général des fonctionnaires en y ajoutant une référence explicite (à l’article 25), « au fait que le respect du principe de laïcité fait partie des obligations professionnelles du fonctionnaire, et qu’à ce titre ce dernier est astreint à la neutralité ».
La Libre Pensée, association importante existant sur le terrain de la laïcité, ne figure pas parmi les quelques dizaines de personnes auditionnées par la Commission ou rencontrées par ses divers membres (essentiellement des fonctionnaires et hauts fonctionnaires, des élus de divers niveaux, des syndicalistes de toutes appartenances, quelques associations – retenues à quel titre ? -, quatre religieux – 1 musulman, 1 protestant et 2 catholiques.
La commission a formulé 20 recommandations
Parmi celles-ci, la Ministre en a retenu six qu’elle juge “prioritaires” et qu’elle s’est engagée à “mettre en œuvre dans les meilleurs délais, selon un calendrier défini avec la DGAFP” (Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique) :
- Mettre en place une formation initiale obligatoire sur la laïcité pour tous les agents publics et rendre obligatoire une formation lors de l’entrée dans la Fonction publique, après une mobilité ou une promotion
- Identifier un référent laïcité au sein de chaque administration pour accompagner les agents sur leur lieu de travail, sur leurs obligations de neutralité et l’application du principe de laïcité
- Créer un portail internet commun aux trois Fonctions publiques pour répertorier les ressources déjà existantes et effectuer un travail de veille pour recenser les nouveaux textes et les outils
- Faire du 9 décembre une journée d’échange sur la laïcité pour faire vivre ce principe à travers des échanges et des événements afin qu’il soit mieux compris
- Développer un baromètre RH [ressources humaines] régulier sur la question de la laïcité dans la fonction publique pour identifier plus finement les réactions des agents et quantifier leurs difficultés sur le terrain
- Élaborer une brochure distribuée au moment du recrutement des agents publics sur la laïcité pour les informer dès leur prise de poste sur le principe et ses implications sur le terrain.
Instaurer une formation à la Laïcité, publier une brochure explicative et créer un site internet de référence sont des mesures qui peuvent être considérées positivement. Mais évidemment, il reste que tout est affaire de contenu. S’agit-il comme semble l’indiquer la Commission de revenir aux principes fondateurs de la Loi de Séparation du 9 décembre 1905 ? Ou bien s’agit-il, de la part du Gouvernement, comme l’expérience le fait redouter, d’une opération d’enfumage sur une vaste échelle dans laquelle on réaffirme les principes, afin de mieux les bafouer dans la pratique ?
Le rapport mentionne en effet « en milieu hospitalier et médico-social la circulaire du 5 septembre 2011 prévoit que soit désigné un référent-laïcité dans chaque ARS et dans chaque établissement de santé, un correspondant chargé des questions de laïcité et de pratique religieuse … » La circulaire du 5 septembre 2011 (1), dont la FNLP demande l’abrogation, a été inspirée par l’exemple et la méthode de M. Guéant alors ministre de l’Intérieur de Sarkozy et signée (2) par délégation de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé. Elle peut être considérée comme le modèle même de ce dévoiement des principes.
Cette circulaire, sous couvert de créer « des référents laïcité à l’hôpital » donne aux aumôniers un rôle de véritable police des consciences autant du personnel que des patients, bien loin de ce que prévoit la loi de 1905 en matière de liberté de conscience et de liberté de culte. La Fédération nationale de la Libre Pensée rappelle qu’elle a publié un communiqué, en date du 20 mars 2016, analysant la circulaire de l’Observatoire de la laïcité sur la question de la laïcité dans les Hôpitaux publics.
L’Exécutif, c’est à la fois le gouvernement et les fonctionnaires chargés d’appliquer les lois (Législatif). En conséquence, la Fédération nationale de la Libre Pensée constate qu’il est plus facile d’exiger des fonctionnaires le respect de la laïcité, quand le gouvernement la bafoue tous les jours (financement public de l’enseignement privé, instance de dialogue avec l’Eglise catholique, Sainte-Geneviève dans la Gendarmerie, présence du Premier Ministre Manuel Valls au Vatican pour la canonisation de deux papes, présence de ministres es-qualité à des cérémonies religieuses, etc…)
La FNLP, soucieuse de prendre ses responsabilités en défense de la Laïcité, demande donc à être reçue rapidement sur cette question par Madame Annick Girardin, Ministre de la Fonction Publique.
Paris, le 15 janvier 2017
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(1) http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/09/cir_33766.pdf
(2) Par la Directrice générale de l’offre de soins