Le Conseil d’État a rendu, le 28 juillet 2017, un avis sur deux questions qui lui étaient soumises, par le Tribunal administratif de Poitiers, saisi par un citoyen dont le père est inhumé au cimetière de Prinçay (86) en vertu de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Eglises et de l’État.
Article 28 : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »
Ce citoyen avait constaté qu’à l’occasion du changement du portail du cimetière (un portail en bois avait été remplacé par un portail métallique), une croix avait été apposée au sommet du nouvel équipement. Ni le maire, ni la préfète de la Vienne n’avaient accepté la demande du citoyen de faire déposer cette croix, ce qui avait provoqué un recours contentieux contre le refus du maire. Le Tribunal administratif était perplexe et les questions qu’il posait au Conseil d’État étaient en substance les suivantes :
1)- Une croix sur le portail d’un cimetière est-elle toujours un signe religieux dont l’installation est interdite depuis l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905, ou peut-elle revêtir une « pluralité de significations » qui doivent être appréciées au cas par cas ?
2)- A qui revient la charge de la preuve de l’existence d’un emblème religieux avant l’entrée en vigueur de la loi de 1905 et sans discontinuité depuis ?
Sur ces deux questions le Conseil d’État a répondu :
– sur la première en rappelant la volonté du législateur clairement indiqué par l’article 28 : on peut mettre librement sur sa tombe (terrain de sépulture) , une croix, une colonne tronquée, des anges, un symbole maçonnique… mais le cimetière est un lieu laïque depuis 1881 et l’article 28 interdit qu’on doive passer sous le symbole d’une confession particulière pour y entrer s’il a été construit après 1905.
– sur la deuxième, le Conseil d’État confirme implicitement une jurisprudence de 2012 par laquelle il indiquait qu’en pareil cas et en principe, la charge de la preuve appartient aux pouvoirs publics.
Le Conseil d’État a donc rappelé clairement les principes, sans innover, ni déroger :
Rien que la loi de 1905, mais toute la loi de 1905 !
Le Tribunal administratif de Poitiers devra donc juger en fonction de ces rappels du Conseil d’Etat ;
La Fédération Nationale de la Libre Pensée constate une fois de plus que la loi du 9 décembre 1905 protège à la fois la liberté de tous les citoyens en refusant de placer ces lieux hautement symboliques sous l’égide d’une ou plusieurs confessions, et celle de chacun d’eux en leur permettant de faire selon l’heureuse expression de l’ethnologue Maurice Robert lors d’un colloque de la Libre Pensée « Un libre espace social d’ultimes proclamations de certitudes idéologiques et/ou symboliques ». L’un ne va pas sans l’autre.
Le 27 juin 1905 , Aristide Briand, rapporteur de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, répondait à un intervenant, sur la discussion de cet article 28 : « Messieurs, c’est toujours la même thèse soutenue par tous nos collègues catholiques. Ils considèrent que leur conscience n’est plus libre dès qu’il ne leur est plus permis d’imposer leurs croyances à l’ensemble des citoyens. (Applaudissements à gauche). Un cimetière est un endroit collectif sur lequel tous les habitants d’une commune ont des droits : les protestants, les israélites ou les libres penseurs comme les catholiques »
Ce furent les combats des libres penseurs, Elus et militants, qui ont conduit aux lois de 1881, 1887 et 1905 qui organisent le statut des cimetières et la liberté des funérailles !
Certains médias ont dû lire trop vite l’arrêt du Conseil d’Etat en indiquant qu’on pouvait mettre des croix chrétiennes à l’entrée des cimetières publics. La loi de Séparation des Eglises et de l’Etat est claire : la décoration des tombes est libre en fonction du principe de la liberté de conscience (Article Premier de la loi de 1905). Il ne doit y avoir aucun symbole religieux collectif qui marquerait un caractère religieux particulier à l’ensemble du cimetière (Article 2 de la loi de 1905). En conséquence, la pose d’une croix à l’entrée des cimetières publics après 1905 est prohibée.
La Fédération Nationale de la Libre Pensée soutient les nombreux maires qui ont travaillé dans ce sens, son Association des Elus amis de la Libre Pensée est prête à les accueillir.
Rejoignez la Libre Pensée !
Paris, le 31 juillet 2017