Rassemblement en hommage au Chevalier de la Barre

Discours de Nicole Aurigny,

vice-Présidente de la Libre Pensée au rassemblement en hommage au Chevalier de la Barre

Abbeville, le 2  Juillet 2017

Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades,

Je vous apporte le salut fraternel de la Fédération nationale de la Libre Pensée.

Rendre hommage au Chevalier de la Barre, brûlé à Abbeville le 1er juillet 1766, c’est rendre hommage à son geste d’homme libre. En refusant de saluer une procession, il a affirmé sa liberté de conscience publiquement, il a revendiqué pour tout homme la liberté d’expression.

Ce geste, simple en apparence, est si  important, si fondamental par tout ce qu’il a déclenché, qu’il lui valut la mort.

Liberté de conscience, liberté d’expression, liberté. Cela nous renvoie à la Révolution française et à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, le 26 août 1789. L’article 10 stipule : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses. »

Contre le cléricalisme, voilà la liberté reconnue à chaque citoyen, et c’est la loi de 1905, loi de Séparation des Églises et de l’État qui la garantit. C’est pourquoi depuis plus d’un siècle maintenant, la Libre Pensée veille sur la loi de 1905 et intervient chaque fois que cette loi est victime d’atteintes, directes ou insidieuses.

En 1980, l’Appel aux laïques a relancé le mouvement laïque

Aujourd’hui, l’Appel des Laïques, publié pour  le 111e anniversaire de la loi de 1905, donne une nouvelle dimension à notre combat. Cet appel réaffirme que la loi de 1905 est une « loi de liberté qui permet toutes les autres libertés ». Elle « organise l’espace public et donne sens à la citoyenneté républicaine qui garantit la démocratie. »

Cet Appel des laïques qui porte aujourd’hui plus de 10 000 signatures, rassemble les associations historiques de la laïcité : Libre Pensée, Ligue de l’Enseignement, Ligue des Droits de l’Homme, Union Rationaliste, ainsi que les organisations syndicales C.G.T., C.G.T.-F.O, F.S.U, U.N.E.F, F.I.D.L., U.N.L. Depuis l’Appel aux Laïques lancé il y a près de 40 ans, on voit le progrès réalisé par ce  regroupement.

L’affaire des crèches a occupé la fin de l’année 2016. L’offensive cléricale des hommes politiques les plus réactionnaires a consisté à  installer des crèches dans les mairies, les Conseils départementaux et régionaux,  et donc à remettre en cause la séparation du politique et du religieux.

Après des réponses contradictoires des autorités qui pouvaient faire craindre que la jurisprudence ne se retourne contre la loi de 1905, le Conseil d’État nous a donné raison et a ainsi conforté la loi de 1905. Quelques esprits chagrins, dépités devant ce succès, ont tenté de le minimiser, en laissant croire qu’il resterait très ponctuel. Mais, avec pour base les attendus du Conseil d’État, la crèche de la mairie de Hénin-Beaumont  a été retirée, la crèche de Béziers a été interdite, et les statues de la vierge de Publier et de Notre-Dame des granitiers ont été déplacées vers des terrains privés. La preuve est faite.

 

 

Nous avons atteint notre but : faire respecter la loi de 1905 !

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » affirme l’article 2 de la loi de 1905. C’est pourquoi, en s’appuyant sur l’unité réalisée avec l’Appel des laïques, la Libre Pensée a lancé les inventaires laïques, chargés d’établir le plus précisément possible le détournement des fonds publics vers les écoles privées. En faisant ces inventaires, en les publiant, nous faisons vivre la revendication de l’abrogation de la loi Debré et de toutes les lois antilaïques.

Sans les citer toutes, rappelons en particulier les dernières, la loi Peillon, la réforme du collège, les décrets Hamon : tous ces textes, en transférant la responsabilité de l’État aux mairies et aux collectivités territoriales, détruisent l’égalité des droits pour les élèves. En organisant des activités péri, post, para scolaires, ces textes ouvrent l’école à des associations, dont certaines à caractère religieux.

Comme vous le savez sans doute, les trois Fédérations de la Libre Pensée, de l’Oise, de la Somme, de l’Aisne, ont protesté contre la promotion de l’Institut La Salle, faite par le rectorat d’Amiens. En effet, cet institut, dirigé par la congrégation des « Frères des écoles chrétiennes », n’hésite pas à recourir aux services de l’Éducation Nationale  via les olympiades de géosciences et les  stages pédagogiques,  pour promouvoir, auprès des élèves du public, son enseignement  dont le but est de « conjuguer l’effort de progrès culturel et humain avec l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ».

Rendre hommage au Chevalier de La Barre, c’est ne pas être dupe de la prétendue « Charte de la laïcité » que le PDG de Paprec a mise en vigueur dans son entreprise. Reprenant la Doctrine sociale de l’Église, ce patron considère que dans une entreprise « on est frères pour faire une mission ensemble ». Cette « fraternité » exclut qu’un employé puisse exprimer son opinion politique ou religieuse. Ce droit est réservé au chef d’entreprise qui peut aller, comme on l’a vu, jusqu’à donner des consignes de vote. Et de son côté, la loi El Khomri prévoit des restrictions à la manifestation des convictions des salariés, si cela correspond aux « nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. »

La Libre Pensée combat de telles atteintes à la liberté de conscience. Elle dénonce le retour des vieilles méthodes corporatistes issues de la Doctrine sociale de l’Église. Elle exige le rétablissement et le respect du Code du Travail par l’abrogation de la  loi El Khomri et l’abandon des ordonnances Macron

Pour la défense de  la liberté de conscience, la Libre Pensée organise au mois de septembre, à Paris, le 7e congrès mondial de l’Association internationale de la Libre Pensée, événement majeur, préparé par  les congrès qui se sont tenus à Quito, Madrid, Chypre, Varsovie.

Anticléricaux, antireligieux, nous  sommes aussi antimilitaristes.

En cette année 2017, centenaire des mutineries de 1917, nous honorons tous ceux qui ont refusé la guerre : insoumis, déserteurs, mutins, antimilitaristes. Le 13 mai, près du Chemin des Dames, avec l’A.R.A.C., le Mouvement de la Paix, l’Union Pacifiste de France, les syndicats CGT-FO et CGT, nous avons rendu hommage aux soldats qui ont refusé de remonter aux tranchées et qui ont manifesté pour la paix. Nous avons, en particulier, salué la mémoire d’Alphonse Didier, qui a manifesté contre la guerre en pensant qu’avec la social-démocratie, le mouvement serait général dans les armées belligérantes. Fusillé le 12 juin, il déclarait, peu avant de mourir : « J’ai été élevé dans des idées antimilitaristes et antipatriotiques et je vois maintenant ceux qui m’ont enseigné ces idées en soutenir d’autres toutes opposées, et moi, on me fusille. »

Tandis que des soldats cherchaient à en finir avec la guerre, l‘Église diffusait un « Livre de prière du soldat catholique»  dans lequel on peut lire : « Dans l’armée, ai-je critiqué mes chefs ? Murmuré contre eux ? Ai-je manqué à mes devoirs de soldat ? (la désertion, l’abandon du poste, la mutilation volontaire, la propagande du mauvais esprit sont des péchés graves) ».

Et certains aumôniers n’ont pas hésité à écrire la dernière lettre des soldats mutins. Ainsi on fait dire au caporal Lefèvre, qui a manifesté pour la paix à Soissons et qui est exécuté le 16 juin : « Je demande pardon à la patrie de la faute commise. […] Que mon sang versé dans de si effroyables conditions serve à vous unir tous dans une même volonté de discipline et contribue de cette manière à la victoire de la France. […] Priez pour moi. De là-haut je le ferai pour vous. »

L’archevêque de Bordeaux résumait à sa façon la pensée de l’Église en déclarant : « La guerre est un apôtre suscité de Dieu dans un but de régénération religieuse, morale et sociale. »

 

 

La Libre Pensée a multiplié cette année les rassemblements contre la guerre

La semaine dernière, à Franchesse  un hommage a été rendu à Pierre Brizon, le premier député à avoir refusé de voter les crédits de guerre. A La Courtine s’est tenu  un rassemblement en l’honneur des soldats russes. En  combattant pour la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple, en décidant d’ériger en leur honneur un monument sur la ligne de front, nous condamnons la guerre de 1914, mais aussi les guerres d’aujourd’hui, menées pour des intérêts politiques, religieux, économiques, impérialistes, masqués par un Droit qui est celui du plus fort.

Pour « l’émancipation intégrale de la pensée humaine », comme le proclame fièrement ce monument en mémoire du Chevalier de La Barre, pour la liberté absolue de conscience, la Libre Pensée mène le combat, fidèle à ce qu’écrivait Victor Hugo : « Le casque aussi bien que la calotte amoindrit le cerveau. »

Plus que jamais, A bas la calotte ! Vive la Sociale !