Discours de Christian Eyschen au Congrès de la Libre Pensée de 2017
Mesdames, messieurs,
Cher-e-s ami-e-s,
Cher-e-s camarades,
Je vous apporte ici le salut fraternel de l’Association internationale de la Libre Pensée et de ses 9 porte-parole de tous les continents.
Notre Association internationale a été fondée en août 2011 à Oslo en Norvège, à quelques pas seulement d’où une tragédie eut lieu, suite à un acte terroriste commis par un chrétien d’extrême-droite entraînant la mort de dizaines de personnes, dont une majorité de jeunes. Comme quoi nulle religion n’a le monopole de la barbarie et de la réaction. On l’a vu encore récemment à Charlottesville aux USA.
Et la barbarie a souvent, pour ne pas dire toujours, une source de pouvoir économique, politique et gouvernemental. Ce ne sont pas les peuples qui bombardent et assassinent, ce sont les peuples que l’on pille et que l’on tue. Jean Jaurès, fin juillet 1914, disait dans son Appel pour la Serbie : « A certains moments, un contre-sens éclate : la civilisation est dans les peuples, la barbarie est dans les gouvernements ».
La Libre Pensée est pacifiste et internationaliste, car elle sait avec Anatole France, « qu’on croit mourir pour la patrie, on ne meurt que pour les industriels » et toujours avec Jaurès « que le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage ». La guerre, toutes les guerres, sont sources de profit pour ceux qui les font, et de misère pour ceux qui les subissent.
C’est pourquoi l’AILP ne peut que se féliciter de l’existence de la Déclaration internationale d’associations de tous les pays belligérants de la Première Guerre mondiale pour la réhabilitation des milliers de Fusillés pour l’exemple. De nombreuses organisations de Libre Pensée ont contresigné cette Déclaration, qui honore la conscience humaine, celle que ne pliera jamais sous le boisseau de la barbarie et de l’horreur de la guerre.
Notre Association internationale de la Libre Pensée s’inscrit dans la continuité de toutes les Internationales de la Libre Pensée qui ont existé depuis 1880. La Libre Pensée, comme la laïcité, est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu. Elle vit dans la conscience de toutes celles et de tous ceux qui veulent conduire leur propre destinée sans se soumettre à une quelconque volonté divine, qui n’est toujours que le masque de l’oppression.
A travers l’Histoire, et à cause des vicissitudes de l’Histoire, il y a eu plusieurs Internationales de la Libre Pensée qui se sont succédé dans le temps et parfois concurrencées dans le même temps. Le chemin de la conscience humaine pour se libérer n’a jamais été un long fleuve tranquille.
L’Histoire amène toujours tout le monde à se positionner face aux événements et aux tâches que celle-ci pose comme dans un grand livre ouvert devant l’Humanité. C’est à elle, et à elle seule, de remplir les pages de sa destinée : l’émancipation de l’Humanité sera l’œuvre de l’Humanité elle-même. Il ne saurait y avoir de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun.
Face à des événements considérables, les libres penseurs des différents pays ont pu apporter des réponses parfois différentes, mais toujours axées sur la pleine et entière liberté de conscience à conquérir ou à préserver.
L’Histoire internationale de la Libre Pensée est, comme la vie de chacun, faite de rencontres et de séparations, car, fort heureusement, tout le monde ne pense pas la même chose. Mais il existe un socle commun à tous et de tout temps : la volonté de voir le monde débarrassé du cléricalisme, de la religion et de l’oppression. En un mot comme en cent, ce qui fonde l’action des libres penseurs, c’est la liberté qui guide les peuples sur le chemin de leur émancipation.
Il fut une époque où il existait une Libre Pensée radicale, du nom du grand parti de la bourgeoisie démocratique issue du siècle de Voltaire et de Diderot. Puis une autre, socialiste, vit le jour et suppléa la première. Mais ces deux Libre Pensée surent s’unifier dans le grand combat pour le vote de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905. Jean Jaurès tendait la main à Ferdinand Buisson et à Aristide Briand pour fonder une œuvre de liberté.
Ce sont toujours des événements extérieurs à la Libre Pensée qui ont pu conduire à des séparations, mais toujours le rassemblement, sur le long terme, a été mis en œuvre. Séparation suite à la Révolution russe, mais réunification nationale et internationale en 1935, à la veille de grands périls.
A la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, l’Internationale de la Libre Pensée renaît et elle est unifiée, jusqu’au moment où la Guerre froide imposera de nouvelles séparations. Les organisations nord-américaines partiront du fait de la non-condamnation de l’agression stalinienne en Hongrie et en Pologne en 1956, alors qu’est condamnée l’expédition anglo-franco-israélienne du canal de Suez. Cela sera le tour des organisations anglaises de partir en 1968 du fait de la non-condamnation de l’invasion stalinienne à Prague, alors qu’était condamnée la guerre impérialiste au Viet-Nam.
Une leçon peut être tirée de tous ces évènements : la division et la séparation viennent toujours quand on introduit des éléments extérieurs au sein de la Libre Pensée afin d’y faire des clivages pour des raisons qui trouvent leur origine dans des éléments étrangers à la Libre Pensée.
Si l’on s’écarte des principes généraux de la Libre Pensée, qui se veut « sociale, démocratique et laïque » comme l’a affirmé le grand Congrès international de Rome en 1904, prélude au vote de la loi française de Séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, si on ne se tient pas à égale distance de toutes les religions et de toutes les oppressions, alors est introduit le germe de la discorde.
La Libre Pensée considère que toutes les religions, du judaïsme en passant par le christianisme jusqu’à l’Islam, sont des fauteurs de guerre, de réaction, de barbarie et de recul de la civilisation. Elle ne fait aucune distinction dans son refus de l’intolérance et du dogmatisme.
C’est pourquoi, il est hautement symbolique, mais pas seulement, que l’Association internationale de la Libre Pensée ait été fondée avec le concours de la Libre Pensée française, de la Libre Pensée anglaise et des organisations nord-américaines et sud-américaines. Nous n’avons plus à subir les clivages largement artificiels de la Guerre froide, n’en inventons pas une nouvelle ! Ne refaisons pas le chemin à l’envers d’Oslo.
La séparation qui a duré des décennies a conduit des associations de la Libre Pensée à se transformer en associations humanistes ou athées. Nous n’avons pas à juger, chaque association est libre de décider son chemin. Il est significatif à cet égard que notre Appel international pour le non-financement public des religions est reçu aussi les signatures de près d’une centaine d’associations de tous les continents. L’aspiration à la Séparation des religions et des Etats est une aspiration universelle.
En septembre de cette année, aura lieu le 7ème Congrès de l’AILP à Paris. Il s’annonce déjà comme un événement, tant par les thèmes abordés, droits des femmes et égalité des droits, Séparation des Eglises et de l’Etat, Droit de mourir dans la dignité, que de la diversité et l’étendue des participants.
Il est aussi hautement significatif que toutes les structures internationales humanistes, laïques, libre- penseuses, rationalistes, sceptiques, et même de Franc-Maçonnerie a-dogmatique et libérale, seront présentes, sous une forme ou sous une autre. Cela montrera le chemin parcouru depuis Oslo en 2011.
Je vous remercie.
Christian Eyschen, Porte-Parole de l’AILP