Message de la Libre Pensée
Au Congrès de la Fédération Française de Crémation
(Guéret : 11 et 12 mai 2018)
Nos amis de la Fédération Française de Crémation ont invité la Fédération nationale de la Libre Pensée à s’exprimer lors de leur Congrès et Assemblée générale de 2018 dans la Creuse. Nous publions ci-dessous l’intervention de Régis Parayre qui a été prononcée.
Madame, monsieur, chers amis, chers camarades,
Je vous apporte le salut fraternel de la Commission Administrative Nationale de la Fédération nationale de la Libre Pensée qui m’a mandaté pour la représenter à votre congrès, puisque je suis Président de la Fédération de la Creuse de cette même Libre Pensée, au titre de quoi je me permets de vous saluer une deuxième fois.
J’espère que vous aimerez notre beau département sous les auspices du printemps même si, derrière cette réalité du renouveau saisonnier de la vie, se cache un inquiétant déclin démographique et économique.
Nos organisations respectives militent pour l’émancipation des femmes et des hommes, à toutes les étapes de la vie, pour l’exercice de la plus totale liberté notamment la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire. Votre association s’est constituée en 1930, pour faire valoir notre droit ultime, celui de décider de notre mode d’obsèques et de sépulture, pour le respect des convictions du défunt, sur le plan philosophiques ou religieuses. Nous savons que le libre exercice de ce droit est une conquête de la sécularisation de notre société dont le point d’orgue est toujours la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat.
De tout temps, les Eglises et notamment l’Eglise catholique, ont cherché à régenter nos vies. Ainsi de leur naissance à leur mort, femmes et hommes devaient se plier aux exigences du dogme religieux dans un contexte de pression sociale très fort.
Pour ce qui touche au début de la vie, l’Eglise est toujours farouchement opposée au droit des femmes et des hommes à avoir ou ne pas avoir des enfants au nom du dogme selon lequel, c’est dieu qui est le seul maitre de nos vies de notre naissance à notre mort. A ce titre, l’Eglise conteste le droit à l’avortement et, dans de nombreux pays sous son influence, on voit se durcir les réglementations (Pologne, Irlande…). Elle a tout fait pour freiner l’usage du préservatif ce qui n’a pas été sans conséquence sur la propagation dévastatrice du virus du SIDA en Afrique. En dépit des évolutions sociétales, l’Eglise s’est bruyamment mobilisée contre le mariage de personnes du même sexe voulant là aussi, imposer sa propre conception avec le dérisoire slogan « la famille, c’est un papa et une maman ! » à l’heure où explose le nombre de familles monoparentales. En toute logique, l’Eglise est aussi contre la GPA (gestation pour autrui), la PMA (procréation médicalement assistée) et elle n’est pas étrangère aux fortes contraintes qui pèsent sur les équipes de chercheurs en matière de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, contraintes qui retardent les travaux et l’émergence de découvertes qui pourraient probablement permettre de prévenir certains cancers et d’en améliorer le traitement.
En ce qui concerne la fin de vie, l’Eglise s’oppose à ce que soit votée une loi qui reconnaitrait le droit de tous à mourir dans la dignité. La Libre Pensée milite pour l’effectivité de ce droit, pour que chacun puisse décider librement de sa fin de vie, sans être contraint par les conceptions religieuses sur les origines de celle-ci, au nom desquelles on veut imposer à tous la déchéance, la souffrance physique et psychologique. (Dieu n’est t-il pas le propriétaire de nos vies et la souffrance n’est elle pas une épreuve qu’il nous impose pour expier nos fautes et gagner notre paradis ?) C’est ainsi que la Libre Pensée, dans le contexte de la révision de la loi de « bioéthique » et celui d’une opinion publique majoritairement acquise à cette cause, est signataire d’une déclaration avec d’autres organisations notamment avec nos amis de l’ADMD, dont le Président Jean Luc Romero tenait une conférence samedi dernier à Guéret, une déclaration donc, pour demander l’ouverture d’un véritable droit à mourir dans la dignité et pour cela d’autoriser la mise en œuvre d’une aide médicale active.
On le voit, toutes les libertés nous sont âprement disputées
En ce qui concerne la crémation il n’est pas inutile de rappeler que c’est la loi du 15 novembre 1887 qui a instauré la liberté de choix du mode d’obsèques et du mode de sépulture. L’Eglise catholique, s’est très longtemps opposée à la crémation considérant que cette pratique n’était pas compatible avec le dogme de la résurrection des corps. Mais, il a bien fallut s’adapter à l’évolution du monde, au risque de perdre encore de son influence. Depuis les années 1960, l’Eglise tolère la crémation, mais la déconseille, après avoir conçu un aménagement du dogme au terme duquel, il est maintenant établi que l’âme résiste au feu et que dieu a toujours la faculté de rétablir les corps dans leur intégrité physique pour ceux qui seront admis au paradis. Mais, il est toujours des traditionalistes pour s’opposer à la crémation, ce qui est aussi le cas en ce qui concerne le culte musulman et le judaïsme.
Si le Planning Familial peut, avec succès jusqu’à ce jour, lutter pied à pied contre les obscurantistes qui veulent toujours criminaliser l’avortement, si l’ADMD (Droit de mourir dans la dignité) pense qu’il est possible que très prochainement une loi vienne concrétiser cette évidence, celle du droit de quitter ce monde sans inutiles souffrances, si les crématistes que vous êtes peuvent faire valoir ce droit élémentaire qu’est celui de disposer de son corps au terme de sa vie, c’est bien parce que nous vivons dans un pays où la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat nous permet d’exiger que chacun reste à sa place et qu’ainsi, la religion ne soit qu’une affaire privée sans interférence sur la chose publique. En d’autres termes, pour conquérir ces droits nouveaux que je viens d’évoquer et préserver ceux déjà en place, il faut défendre et rétablir pleinement la laïcité.
Je crois que nous aurons prochainement à nous mobiliser ensemble sur ce programme au regard du discours des Bernardins d’Emmanuel Macron suggérant de « réparer le lien abimé entre l’Eglise et l’Etat ».
Je souhaite plein succès à votre congrès de Guéret ; que les discussions que vous allez y mener et les décisions qui seront prises, soient utiles à la marche en avant de votre association, à sa cause et à nos combats communs.