L’éditorial
Justice pour les victimes de l’Église
Notre couverture titre sur l’« Erasmus des religions ». Un nouveau programme de l’Union Européenne visant à soutenir les différents engagements religieux. Il faut comprendre : financer les œuvres caritatives et sociales de toutes les religions. Comme le souligne notre article, les travailleurs « sociaux » se revendiquant des principes religieux, prônent la charité, pas la justice. Ces « bonnes œuvres » organisées par les mille et une ramifications associatives des Églises seront donc financées par les fonds communautaires, c’est-à-dire par l’argent public de différents États dont la France. Le fait que notre pays soit sous le régime de la Séparation complète issue de la loi de 1905 est évidemment un détail, noyé dans les arcanes de l’Europe vaticane. Cela méritait bien un commentaire détaillé dans notre rubrique « Europe ».
Permettez-moi, chers lecteurs, de prendre un peu d’avance sur le contenu de notre journal, car une partie de mon propos a fait l’objet d’un communiqué de notre association, qui paraîtra dans le prochain numéro.
Le thème des crimes de l’Église catholique, une des campagnes de fond de l’Association Internationale de la Libre Pensée, prend de jour en jour une dimension cataclysmique pour cette institution gigantesque, dont l’influence couvre les cinq continents. Les cas de pédophilie des prêtres se comptent par dizaines de milliers et concernent toute la hiérarchie jusqu’à certains cardinaux. Ils sont connus depuis plus d’un siècle et ont pu être étouffés jusqu’à nos jours par la pression de l’Église sur ses fidèles et par la complicité de nombre d’États dans le monde. Aujourd’hui, c’est un véritable raz de marée qui met l’ensemble de l’édifice en doute, obligeant le pape à des mesures tonitruantes, mais que l’on peut taxer de conservatoires si on les examine objectivement.
L’article de la page 38 le rappelle avec humour et férocité, Jorge Bergoglio dit François a promis toute la vérité et aucune complaisance vis-à-vis de ces faits. En réalité, les prélats de l’Église recherchent fébrilement des expédients pour tenter de faire oublier la monstruosité de la situation.
Ainsi, en France, l’Église a suscité la mise en place de deux commissions : l’une lancée par la Conférence des Évêques de France sous la direction de Jean-Marc Sauvé et qualifiée de « totalement indépendante » sous l’acronyme CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église), et l’autre par le Sénat, la mission sénatoriale Deroche, censée « faire la lumière » sur les crimes de pédophilie.
La Libre Pensée a demandé à être auditionnée par cette commission, accompagnée par notre camarade Keith Porteous Wood de la NSS, porte-parole de l’Association internationale de la Libre Pensée, expert de cette question devant l’ONU et auteur de nombreux rapports particulièrement documentés sur cette question. Notre journal s’en est fait de multiples fois l’écho. La mission a reçu 70 personnes et institutions, mais ni la Libre Pensée, ni l’AILP. En fait, la commission refuse d’entendre d’autres points de vue que ceux favorables à l’Eglise catholique.
A la stupéfaction générale, la commission a proposé que l’Église catholique « donne les moyens d’actions à la Commission Sauvé », celle que nous évoquions plus haut, et « qu’elle fixe les indemnités pour les victimes. » En clair, ce sont les criminels qui vont mener les enquêtes, faire l’instruction, requérir les peines, les décider et fixer les amendes ! Ce qu’elle commence à faire. Vous lirez dans notre rubrique « Ainsi va le monde » comment les évêques de France ont voté une somme forfaitaire pour les victimes destinée à la « reconnaissance de la souffrance ». Voilà que pour l’Église, la souffrance a un prix.
Il n’y a pas que les crimes sexuels. Il y a aussi les mauvais traitements découverts à l’occasion de l’enquête sur le couvent de Tuam en Irlande. Il n’y a toujours pas un mot, pas une réponse du Vatican à la demande parfaitement légitime d’ouverture des archives des sœurs de Bon Secours. Et si l’article de notre camarade Douspis commence sur le mode ironique, il se termine par un vibrant appel à la justice. Il s’agit de la justice des hommes, pas de la cauteleuse justice canonique.
Elle a commencé à passer, elle passera, et toutes les manœuvres dilatoires de la hiérarchie vaticanesque ne l’empêcheront pas, ni en France, ni en Australie, ni en Irlande. Le temps va vraiment devenir mauvais pour cette institution qui prône une morale désuète, rétrograde et pudibonde et couvre en son sein les crimes les plus graves.
Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée
La couverture
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