La loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat à nouveau menacée par Emmanuel Macron
ll est plus que temps de se réunir de se mobiliser pour la défendre !
La Libre Pensée a été reçue au Ministère de l’Intérieur par monsieur Christophe Castaner
À sa demande, le ministre de l’Intérieur a reçu, le 27 février 2020, à la suite, semble-t-il, de ceux des cultes et des Obédiences maçonniques, les représentants des associations suivantes : l’Union des familles laïques (UFAL), le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), le Comité laïcité République (CLR), la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), la Ligue de l’enseignement (LDE), la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen (LDH) et la Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP).
Il leur a présenté l’économie d’un projet d’évolution de la législation actuellement en vigueur en vue de lutter contre le « séparatisme », dont ferait preuve une minorité de musulmans dans certains quartiers. Il a précisé que le Président de la République préfère désormais utiliser ce mot plutôt que celui de « communautarisme », afin de ne pas stigmatiser une fraction importante de la population. Au cours des échanges, il a indiqué que cette réunion suivait celle organisée à l’Élysée avec les associations d’éducation populaires, sollicitées par le chef de l’État pour appuyer cette politique de « reconquête républicaine » des zones concernées. Il a également souligné que le Président de la République ne prononcerait probablement pas de discours programme sur la laïcité.
Deux enseignements ressortent de cette réunion. D’une part, sous une forme moins provocatrice, le ministre de l’Intérieur a repris une partie du projet qu’il avait présenté aux mêmes associations, le 9 janvier 2019. D’autre part, le Gouvernement envisage d’autres mesures n’appelant pas de dispositions législatives.
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Le Gouvernement entend modifier le Code monétaire et financier, le Code de la sécurité intérieure ainsi que les lois du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État (1) et du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.
Il souhaite d’abord soumettre à déclaration – et non à agrément préalable – les concours financiers aux cultes provenant de l’étranger. Il entend également « mettre à jour » la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, aujourd’hui inscrite dans le Code de sécurité intérieure. Il s’agirait d’ouvrir la possibilité pour l’administration de dissoudre une association dont un membre ou un dirigeant tiendrait publiquement des propos incitant à la haine. En l’état actuel du droit, seul l’auteur de ces propos est susceptible d’être poursuivi.
Dans le même ordre d’idée, il envisage aussi de modifier les dispositions du Titre V de la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État pour aggraver les sanctions pénales applicables à ceux qui violent les dispositions de ce texte, notamment celles de l’article 31 (2). Il s’agirait de transformer les actuelles infractions contraventionnelles ressortissant du Tribunal de police en délits poursuivis devant le Tribunal correctionnel.
Enfin, il étudie la possibilité d’imposer aux associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 ayant en partie ou en totalité pour objet l’exercice public du culte en application de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907, adoptée par le Parlement à la suite du refus de l’Église catholique de constituer en 1906 des associations cultuelles, les obligations pesant sur ces dernières, sans leur accorder pour autant les avantages dont celles-ci bénéficient. Sur ce dernier point, à la suite de l’intervention de la Libre Pensée mettant en évidence que cette modification risquait d’entraîner la création d’une troisième catégorie de groupement ayant une jouissance limitée du droit d’association qui revêt un caractère constitutionnel, le ministre n’a pas caché qu’il y aurait peut-être en la matière une difficulté juridique, d’autant qu’il a confirmé que le Gouvernement n’avait pas l’intention de revoir le statut des associations diocésaines, qui sont de fausses associations cultuelles.
En revanche, ne semblent plus d’actualité les thèmes ayant trait à la « consolidation de la gouvernance des associations cultuelles » explorés en janvier 2019 (patrimoine immobilier de rapport ; limitation du bénéfice des réductions d’impôt au titre des dons manuels aux seules associations cultuelles ; extension du champ des aides publiques en faveur des cultes visées à l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905). Mais la Libre Pensée reste vigilante sur ces points.
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Le ministre de l’Intérieur a, par ailleurs, évoqué diverses mesures complémentaires pour lutter contre « le séparatisme » n’appelant pas de modification de la législation en vigueur. Outre deux sujets très spécifiques nettement ciblés, la vigilance à renforcer des autorités publiques à propos des certificats médicaux de complaisance de virginité et de la situation des demandeurs de naturalisation ou d’un titre de séjour au regard de la polygamie, il a mis l’accent sur trois autres thèmes plus généraux : la formation des imams, la mise en place de contrats avec certaines associations et l’organisation du culte musulman.
En ce qui concerne la première, il a indiqué que l’État n’avait pas la légitimité juridique ni l’intention de s’impliquer dans la formation des imams. Néanmoins, celle-ci constitue un sujet de préoccupation pour le Gouvernement, qui va favoriser le développement de formations universitaires à la laïcité débouchant sur un diplôme. Cette ambition pédagogique s’articule avec son souhait de mettre fin, d’ici 2024, au système du « détachement » de trois cents imams étrangers (3) par leurs pays d’origine (Algérie, Maroc, Turquie) de manière à leur substituer des ministres du culte musulman français.
En deuxième lieu, le Gouvernement abandonne l’idée d’introduire une Charte nationale de la laïcité. À la place, serait proposé aux associations musulmanes un contrat qui les contraindrait à respecter diverses obligations réputées constituer une sorte de patrimoine « laïque » en contrepartie desquelles elles resteraient éligibles aux dispositifs de financement publics, notamment au titre de la politique de la ville. En quelque sorte, les pouvoirs publics leur tordraient un peu le bras.
Enfin, le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’il était favorable à une organisation du culte musulman pour avoir des interlocuteurs. Or, il constate que le Conseil français du culte musulman (CFCM), dont le budget annuel serait de 50 000 euros seulement et avec lequel il travaille, ne joue pas ce rôle. En revanche, les conseils régionaux, qui détiennent l’essentiel des financements, notamment ceux venus de l’étranger, échappent largement au contrôle de l’État.
Pour régler ce problème, il envisage de promouvoir la constitution de conseils départementaux, à la main des préfets, pour réduire l’influence des institutions régionales. Dans la mesure où la réussite de ce projet dépend de la mobilisation de sources de financement domestiques alimentant le CFCM et les conseils départementaux, sans bien sûr créer par la loi une taxe à leur reverser (4), il explore la possibilité de trouver avec les intéressés le moyen de soumettre les ventes de viande hallal et les voyages des pèlerins se rendant à La Mecque à un prélèvement qui serait géré par les musulmans.
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En conclusion, sous réserve d’un abandon d’une partie des ambitions affichées en janvier 2019 et au prix d’une présentation du projet plus habile qu’il y a un peu plus d’un an, les données du problème restent les mêmes, tant du point de vue des modifications envisagées que de la configuration du camp laïque. Toutefois, le contexte général a évolué. D’une part, notre action passée a porté ses fruits puisque le Gouvernement fait preuve aujourd’hui d’une plus grande prudence. D’autre part, celui-ci s’est encore affaibli au cours des treize derniers mois écoulés.
Dans ces conditions, lorsque le projet de texte du Gouvernement nous parviendra vers la fin mars, la Libre Pensée réagira très rapidement pour faire de nouvelles propositions de texte unitaire appelant à une manifestation nationale en défense de la loi du 9 décembre 1905 et, plus généralement, des libertés fondamentales (liberté d’association ; liberté aux cultes de s’organiser comme ils l’entendent ou de ne pas s’organiser).
- Le ministre a pris le soin de préciser qu’il n’était pas question de remettre en cause le Concordat dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
- « Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.»
- Ces imams « détachés » sont payés par les pays d’origine.
- Ce serait contraire à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905
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La Fédération nationale de la Libre Pensée rappelle que le 3 janvier 2020, elle a fait une déclaration publique pour proposer :
Comme en 1960 contre la loi Debré,
Il faut rassembler le mouvement laïque et les laïques
Pour s’opposer à toute modification de la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 par le gouvernement Macron/Philippe !
Pour le 60e anniversaire du Serment de Vincennes de juin 1960
La Libre Pensée propose à l’ensemble du mouvement laïque
une manifestation nationale ou un rassemblement national
Pour défendre la loi de 1905 !
Diviser le mouvement laïque serait criminel et ne favoriserait que les menées antilaïques du gouvernement. Il est de la responsabilité de tous et de chacun de favoriser l’unité la plus large pour faire échouer toute modification de la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Églises et de l’État.
Défendre la loi de 1905, c’est le combat actuel réel pour défendre la laïcité.
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La question de la laïcité
Dans le délire antimusulman pour fabriquer un « ennemi de l’Intérieur » qui permettra toutes les atteintes aux libertés démocratiques et à la laïcité, le voile est mis sans arrêt en avant et à toutes les sauces. Rappelons qu’un Élu représente d’abord et avant tout une opinion. Il peut donc les exprimer, en dehors du moment où il représente une institution de la République qui est garante du principe de neutralité.
On peut brandir la Bible, comme le Capital de Karl Marx à la Chambre des députés. On a connu des députés en soutane ou en djellaba. L’Abbé Pierre et le Chanoine Kir ont été députés en soutane pendant très longtemps. Exprimer une opinion, une appartenance religieuse est une violation de la laïcité, quand on agit officiellement pour l’intérêt général. Un maire peut aller à la messe, à la synagogue, au Temple, ou à la Mosquée, mais pas en tant qu’Élu et sans écharpe tricolore.
Une candidate aux élections peut porter une croix visible comme un foulard islamique. Voici ce qu’en dit l’Observatoire de la laïcité qui dit le droit laïque dans ce pays en réponse à la question de savoir si une candidate aux élections municipales à Montpellier (34) qui porte un signe religieux peut être rejetée au motif que cela serait une atteinte à la laïcité : « La réponse à votre question est non. Il appartient à chaque formation politique ou candidat tête de liste de décider du choix des colistiers et de l’acceptation ou pas, de la manifestation par eux d’une éventuelle appartenance religieuse. Le Conseil d’État a jugé que « la présence d’une candidate voilée sur une liste électorale n’est pas contraire à la liberté de conscience, à l’égalité des droits et au droit à la sûreté, au principe de laïcité, à la loi sur la Séparation des Églises et de l’État et n’est donc pas de nature à faire obstacle à l’enregistrement de la liste en préfecture. » (CE, 23 déc. 2010, n° 33079, Association Arab Women’s Solidarity)
Plus largement, si le principe de neutralité du service public fait obstacle à ce que des agents ou des salariés exerçant une mission de service public manifestent leurs croyances religieuses (mais également leurs opinions politiques, philosophiques ou syndicales — à l’exception des représentants syndicaux dans l’exercice de leurs missions—), il en est différemment des Élus qui n’exercent pas directement une mission de service public, et qui sont élus par des citoyens tels qu’ils se présentent devant eux. Il en est donc de même pour ceux, candidats, qui aspirent à être élus.
Comme le rappelle l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ». Lesdits représentants sont élus pour la mise en œuvre d’un projet politique fondé sur des convictions qui ne peuvent être tout à fait neutres. Dès lors, les Élus peuvent dans ce cadre manifester des convictions diverses (politiques en premier lieu) et notamment religieuses.
En ce sens, la Cour de cassation a décidé qu’un maire ayant interdit lors d’un Conseil municipal à une Elue de prendre la parole, au motif qu’elle portait un signe symbolisant son appartenance à la religion chrétienne avait commis une discrimination dès lors que ce signe n’était facteur d’aucun trouble susceptible de justifier la décision du maire et « qu’aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, [n’avait été prise] pour que des restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions . » (Cass. crim., 1er sept. 2010, n° 10-80.584).
L’extension du principe de neutralité aux Élus n’est cependant une obligation que lorsqu’ils exercent directement une mission de service public, par exemple, en ayant la qualité d’officier de police judiciaire ou d’officier d’état civil.
En ce sens, le Conseil Constitutionnel, suite à une saisine dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a jugé, concernant l’absence de clause de retrait pour les officiers d’état civil qui souhaiteraient ne pas célébrer les mariages de personnes de même sexe : « qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l’application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état civil ; qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil dans la célébration du mariage, il n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience. » (Décision n°2013-353 QPC du 18 octobre 2013, M. Franck, M. et autres).»
N’abandonnons pas la proie pour l’ombre, il s’agit aujourd’hui de défendre la loi de 1905 et non de mettre en œuvre des dispositifs totalitaires qui mettraient sous le boisseau la liberté de conscience.
Paris, le 2 mars 2020
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