L’éditorial par Jean-Sébastien Pierre, président de la FNLP
Le bâton sans carotte !
On croyait avoir tout vu, dans le domaine de la brutalité policière et de la répression et on n’avait pas tout vu. On n’avait pas encore vu la répression brutale dirigée contre les lycéens, nos enfants et petits-enfants, contraints d’aller passer les examens contestés – à juste titre – de la réforme E3C entre deux haies de CRS. On n’avait pas vu les forces de police entrer dans un lycée depuis… 1943. La date vous dit quelque chose ? Cela s’est passé au Lycée Joachim du Bellay à Angers. Ces jeunes se révoltent contre le saccage du baccalauréat comme diplôme national à travers un soi-disant contrôle continu inégalitaire. C’est le complément de Parcours-Sup qui nie à ce grade son ancien statut d’entrée dans l’université.
Décidément, Jean-Michel Blanquer, sous la houlette de Macron – lauréat naturel de notre prix Clericalis, vous le verrez dans nos colonnes – veut aller vite, très vite, casser tout ce qu’il peut sans aucun soutien populaire. La jeunesse se révolte, c’est son droit et même son devoir, et la seule réponse est encore et toujours la répression, avec un usage systématique des forces de l’ordre, y compris contre des élèves pacifiques. Les réseaux sociaux ont diffusé en boucle la sécurisation des entrées par les CRS devant le Lycée Victor-et-Hélène-Basch de Rennes. C’était le 5 février et qui plus est, à l’appel du recteur d’Académie.
Quel symbole ! Victor Basch et son épouses, fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme, Victor, Dreyfusard, tabassé et blessé par les camelots du roi en 1930, professeur de philosophie à l’Université de Rennes, replié à Lyon en 1940 et victime en 1944 de la milice dirigée par Paul Touvier qui exécuta le couple. La répression policière n’a cure d’aucune symbolique, quand elle persécute la jeunesse d’un lycée dédié à la mémoire de ces militants des droits de l’homme.
Des scènes semblables se déroulent dans tous les lycées mobilisés. Cordons de CRS aux entrées des établissements, usage de grenades lacrymogènes, intrusions dans plusieurs établissements, arrestations, gardes à vue, inculpations. À cela s’ajoute une lourde répression administrative sanctionnant les absences volontaires ou non aux examens de l’E3C, avec impossibilité de passer les rattrapages. Faire régner la peur, quitte à entretenir la colère. On est dans la triste poursuite de la réponse du gouvernement aux revendications des Gilets jaunes, aux manifestants contre une réforme des retraites honnie par la majorité de la population.
Après plusieurs décès dont celui de Cédric Chouviat, coupable d’avoir filmé les exactions policières, après les mains arrachées, les yeux crevés par les LBD, la révolte des jeunes devant les « réformes » qui détruisent leur avenir a pour seule réponse la brutalité des forces d’intervention policières. Honte à ceux qui matraquent la jeunesse. La force de la police n’est pas proportionnée à celle du régime qui chancelle de toutes parts. Les coups sont douloureux, mais n’apaisent pas la colère, n’engendrent pas la résignation. On parle souvent de l’association de la carotte et du bâton, censée faire marcher les ânes. C’est une vieille pratique de maltraitance animale. Il n’y a même plus de carotte, plus rien à offrir, le gouvernement macronien ne cède sur rien et frappe.
Notre rubrique « Faits d’hiver » montre par ailleurs comment la justice peut faire deux poids et deux mesures entre des policiers plus que véreux, détournant authentiquement des armes, et une manifestante « Gilet jaune » lourdement handicapée, coupable de n’avoir pas actionnée son fauteuil roulant dans une manifestation. Etonnant, non ? aurait dit Pierre Desproges.
La Libre Pensée est avec les lycéens, avec la jeunesse, avec les travailleurs. Elle renouvelle sa condamnation de la répression, sa condamnation des « réformes » destructrices de Blanquer et des autres.
Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée
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