Depuis quelques années, le Liban subit une série de catastrophes qui le détruisent en profondeur : effondrement de son système financier, livré aux prédateurs en tous genres qui accaparent l’épargne des habitants, progressivement amputée par une inflation désormais galopante ; afflux d’un million de réfugiés fuyant la guerre civile en Syrie, combinée aux ingérences militaires étrangères ; effets dramatiques de l’épidémie de SARS COV 2 ; enfin, en août 2020, explosion d’un dépôt de près de 3 000 tonnes de nitrate d’ammonium entreposées depuis des années sans les mesures de précaution nécessaires ayant entraîné la destruction du port de Beyrouth, le poumon économique d’un pays dépourvu de ressources naturelles
Cette accumulation de désastres s’ajoute aux cicatrices douloureuses des différentes guerres civiles ayant ensanglanté le Liban depuis 1975 en raison de la corruption des gouvernements, dénoncée dès la fin des années 1960, et des incidences à l’intérieur du pays de la lutte pour l’émancipation nationale du peuple palestinien (guerre de 1975 à 1977 ; attaque de l’armée israélienne en 1982 au Sud-Liban ; conflit des années 1982 à 1989).
Face à ce cataclysme, qui alimente un peu plus le chaos dans lequel se trouve plongé l’ensemble du Proche-Orient, rongé depuis 1948 par le cancer de la question restée sans réponse du sort de la Palestine et déstabilisé de manière durable à la suite de l’intervention anglo-américaine de 2003 en Irak, la population libanaise se mobilise puissamment. Depuis octobre 2019, elle exige le renvoi des représentants politiques corrompus des communautés religieuses qui se partagent le pouvoir et vampirisent le pays en détournant ses ressources à des fins confessionnelles et d’enrichissement personnel, au détriment de la démocratie et des services publics.
Les malheurs actuels du peuple libanais procèdent du système politique que lui a légué, lors de son accession à l’indépendance en 1943, la puissance mandataire. Dans le prolongement des Accords secrets Sykes-Picot du 16 mai 1916, conclus entre la France et le Royaume-Uni, la Société des Nations, conformément au Traité de San-Remo du 25 avril 1920, confie à la France le soin d’exercer un mandat sur le Levant au détriment de l’Empire ottoman vaincu, mais aussi du tout jeune royaume arabe de Syrie qu’avait promis l’Empire britannique à la population. Fondé en mars 1920 et renversé dans un bain de sang par les troupes du général Gouraud, le 24 juillet suivant, lors de la bataille de Damas, cet État éphémère est de surcroît divisé. Le 1er septembre suivant, à la demande des Maronites, le général Gouraud détache le Liban actuel du Levant, sans toutefois se préoccuper des implications de la coexistence de nombreuses communautés religieuses.
Le 23 mai 1926, la puissance mandataire dote le Liban d’une constitution largement inspirée de la Troisième République, mais en réalité très éloignée d’elle dans certains de ses articles et aussi dans la pratique. D’une part, si le texte reconnaît l’égalité des droits civils et politiques des citoyens (article 7) ainsi que « la liberté absolue de conscience » (article 9), s’il garantit aussi les libertés individuelles et collectives (articles 8 et 13), néanmoins, il vide en partie ces principes de leur contenu. L’État rend « hommage au Très-Haut » pour assurer les pouvoirs des confessions, ainsi que le « statut personnel » et les « intérêts religieux » des populations, ce qui s’avère incompatible avec un pur droit civil (article 9).
L’article 10 dispose qu’« Il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés d’avoir leurs écoles, sous réserve des prescriptions générales sur l’instruction publique édictées par l’État », en sorte qu’un système d’instruction publique laïque au bénéfice de tous les enfants paraît voué à l’échec. Les chefs des communautés religieuses ont la faculté de saisir ès qualités le Conseil constitutionnel (article 19). Dans le régime parlementaire libanais, le président de la République, qui détient des pouvoirs relativement importants, prête serment en invoquant « le Dieu tout puissant ».
D’autre part, l’article 95 de la Constitution libanaise prévoit des mesures transitoires qui invalident l’objectif de suppression du confessionnalisme énoncé à son premier alinéa. Si « La Chambre des députés élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens doit prendre les dispositions adéquates en vue d’assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes », néanmoins « Durant la période intérimaire : […] Les communautés seront représentées équitablement dans la formation du Gouvernement » et les « fonctions de la première catégorie ou leur équivalent [de l’administration] seront réparties à égalité entre les chrétiens et les musulmans […] » La transition prévue en 1926 perdure en 1943, lorsque le Liban arrache son indépendance à la France libre qui exerce alors le mandat confié à la France en 1920, puis en 1990 quand sonne l’heure d’une réconciliation nationale après quinze ans de guerre civile.
Le système libanais issu de la période mandataire est aujourd’hui à bout de souffle. Il confisque la souveraineté populaire au profit des représentants des dix-huit communautés religieuses actuellement reconnues (quatre musulmanes ; quatorze chrétiennes) : ces derniers s’abritent derrière elles pour piller le pays. L’heure est donc venue de supprimer enfin le confessionnalisme de manière à rendre applicable un entier droit civil, à garantir effectivement la liberté absolue de conscience et de culte à tous les citoyens libanais et d’instaurer un État civil séparé des religions, seul capable de promouvoir des services publics universels, d’offrir une voie d’émancipation politique et sociale aux Libanais, d’ouvrir au Liban un chemin de paix, de progrès et de prospérité.
La Libre Pensée a apporté une aide financière conséquente aux partisans de l’Etat de droit civil pour les aider à faire face à la catastrophe humanitaire qu’ils subissent.
La Fédération nationale de la Libre Pensée appelle tous les laïques à soutenir financièrement les forces de progrès qui œuvrent dans ce sens au Liban.
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Chèque libellé à l’ordre de la Fédération nationale de la Libre Pensée (mention Liban)
A retourner à l’adresse suivante : 10-12, rue des Fossés-Saint-Jacques – 75005 PARIS
On peut aussi faire une don en ligne (dans le choix penser à cliquer “Laïcité LIban”)
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L’Association Internationale de la Libre Pensée a organisé en avril 2012 un colloque à Beyrouth avec nos amis de l’Association Libanaise de Philosophie du Droit. Ce Colloque a connu une très large participation de toutes les composantes communautaires existantes. Les Actes en ont été publiés.
Conclusions du Colloque de Beyrouth – Avril 2012
Lors du colloque « Religion, Laïcité et Etat de droit », réuni à Beyrouth au Liban les 13 et 14 avril 2012, à l’initiative conjointe de l’Association Libanaise de Philosophie du Droit et de l’Association Internationale de la Libre Pensée, ont été débattues de questions touchant à la laïcité de l’Etat, à la sécularisation des Institutions et à la mise en place du principe de séparation des religions et de l’Etat, pour l’avènement de la pleine liberté de conscience, de l’égalité de droits et de la démocratie.
Un public important (une centaine de personnes), tant par la qualité et la diversité des intervenants que par le nombre de participants, a largement débattu des rapports entre la laïcité, les religions et l’athéisme. Un grand nombre de participants s’est préoccupé de la nécessité d’un Etat civil dépassant les communautés religieuses.
La présence nombreuse de jeunes du Liban et leur engouement pour la laïcité est, à cet égard, tout à fait positive. Beaucoup aspirent à la sortie du confessionnalisme politique qui enferme les individus dans leur communauté d’appartenance. L’aspiration à l’égalité des droits est grande.
Etat laïque, Etat civil, sont très certainement les moyens de préserver et de promouvoir l’unité de la Nation libanaise.
En présence de membres de différentes communautés existantes au Liban, de religieux, de laïques, de libres penseurs, de représentants de députés, un débat courtois, mais intense, a eu lieu sur l’ensemble de ces questions.
Les participants, dans leur grand nombre, estiment que la tenue de ce colloque est un premier pas positif dans la voie de la sécularisation de la société et des institutions pour la mise en place d’un Etat civil, prélude à un Etat laïque.
Ils décident de poursuivre ensemble ce nécessaire débat avec l’ensemble des composantes de la Nation libanaise à la lumière, notamment, des contributions internationales citées dans ce colloque.
Les participants souhaitent que l’Association libanaise de Philosophie du droit soit le pivot de e débat permanent.
La publication des Actes de ce colloque dans une édition en langue française et une autre en langue arabe constituera un élément matériel de poursuite de ce débat et de cette rencontre des 13 et 14 avril 2012.
La large diffusion de ces Actes, au Liban et au-delà du Liban, favorisera la réflexion commune et la recherche des solutions nécessaires.
Conclusions approuvées par les participants le 14 avril 2012
Les exemplaires sont vendus 8 euros. Il faut y inclure les frais de port : Pour 1 exemplaire : 2,72 euros
Chèque à l’ordre de « Libre Pensée »
Commande à retourner à Libre Pensée, 10-12 rue des Fossés Saint Jacques 75005 Paris