En direct avec Jean-Marc Schiappa, Président de l’IRELP

Bonjour, pourriez-vous vous présenter ?

Je ne sais pas répondre exactement à cette question. Je milite depuis que je crois être en âge de comprendre. J’ai été délégué du personnel aux Allocations Familiales de la Région Parisienne de 1979 à 1994. Docteur en histoire avec une thèse sous la direction de Michel Vovelle, je me suis spécialisé dans la Révolution française et plus particulièrement Gracchus Babeuf et la Conjuration des Egaux. Et je préside l’IRELP depuis plus de 20 ans…

Vous êtes Président de l’IRELP. Pouvez-vous nous dire son histoire, ses buts et ses actions ?

D’un certain point de vue, l’histoire de l’IRELP c’est l’histoire de la Libre Pensée. Toutes les organisations du mouvement ouvrier et démocratique possédaient leur centre de recherches en 1999 quand la Libre Pensée, pourtant la plus vieille association, s’est doté du sien. A cette époque et depuis quelque temps, la Libre Pensée devait se régénérer en profondeur ou disparaître, rapidement comme la FEN ou plus lentement, dans une agonie douloureuse, comme d’autres. Nous assistons sous nos yeux aux spasmes ultimes de certains. Nous avons choisi. Et ce choix s’est accompagné d’une stratégie qui n’a pas toujours été perçue aisément. L’appui de Marc Blondel a été des plus précieux car, lui, avait tout de suite compris l’importance d’un centre de recherches comme le nôtre. La question était pourtant simple : Le centre de recherches devait-il être une dépendance de la Fédération nationale de la Libre Pensée ou une ouverture vers le monde et dans les deux sens ? Il est plus facile d’être un apparatchik qu’un pionnier.

Est-ce que cela a été facile ? Bien évidemment, non. Pour toutes sortes de raisons. Les moyens matériels, mais, paradoxalement, les moyens matériels sont secondaires. Ce sont les moyens idéologiques qui comptent. C’est là que ce fut le plus difficile, en fait. Élaborer une stratégie et des tactiques, découlant de cette stratégie. Occuper le terrain avec une certaine dose de volontarisme. S’engager et puis voir. C’est risqué. Mais s’engager d’abord. C’est la base de toute action humaine. S’engager pour dire quoi, pour faire quoi ? Considérer que l’émancipation humaine est le seul objectif digne de ce nom d’une conscience libre. Donc, sur le plan que s’est choisi l’IRELP, s’y consacrer. Mais ne pas considérer que nous, la FNLP pour parler vite, nous serions les porteurs de vérité. Robespierre disait que les peuples n’aiment pas les missionnaires armés ; en fait, les peuples n’aiment pas les missionnaires tout court, fussent-ils laïques.

Voilà pourquoi notre méthode est toujours, pour prendre une formule hélas galvaudée, celle de la construction commune. Écouter, dialoguer, échanger, construire. Dans cet objectif, nous avons constitué un conseil d’administration de 19 membres, paritaire, composé en gros de trois tiers, des universitaires et assimilés, des étudiant(e)s et assimilés, des libre-penseurs. Il n’est pas secondaire de savoir que la moitié des membres du CA est en activité. Nous sommes honorés de la confiance et de la proximité de nombre d’intellectuel(le)s. Et à partir de là, nous nous sommes donnés les moyens organisationnels de cette ambition, en sachant que c’est toujours un équilibre instable. Mais le principe de l’équilibre est d’être dans le mouvement, autrement c’est l’équilibre du mort.

Nous nous sommes fixés d’aller à la conquête du monde intellectuel et militant. Rien de moins. C’est sacrément ambitieux et nous avons du travail mais nous sommes bien engagés dans ce travail. Il est difficile de résumer en quelques mots nos actions, nos colloques, nombreux ; notre revue semestrielle Recherches & Etudes qui ne vit que de ses abonnements ; les livres que nous publions ; nos archives, certainement les plus importantes au monde en ce qui concerne la libre-pensée ; notre bibliothèque de plusieurs milliers de volumes ; notre site internet, hélas, perfectible et bien décevant (ceci est un appel !). Bref, participer de toutes les manières possibles à la vie intellectuelle. Il suffit de suivre un peu l’actualité pour voir que l’IRELP ne laisse pas sa part aux chiens.

Vous intervenez dans un large champ thématique qui est très intéressant pour les libres penseurs. Comment faire pour y participer ?

Là aussi, il est difficile de répondre parce que nous n’avons pas de réponse toute faite, une sorte de prêt-à-porter. Les plus anciens dont je commence à être connaissent certainement ces meetings des années 1970 « dites-moi, Monsieur Marchais » où on posait toutes sortes de questions sur n’importe quel sujet à Monsieur Georges Marchais, qui, évidemment, avait toujours la réponse qui convenait. Cela tenait du phénomène de foire et de la femme à barbe. On a vu le résultat. Nous, ce n’est pas cela. On peut inverser la question (et la réponse). Un sujet vous intéresse, il est dans le champ d’activité de l’IRELP ? Venez. Comme disait Benjamin Franklin, « si vous voulez que quelque chose soit fait et bien fait, faites le vous-mêmes ». Par exemple, nous nous sommes aventurés à partir du numéro de cet automne de notre revue sur une question bien difficile, autrement plus compliquée que les formules convenues et les vulgates courues « qu’est-ce qu’une religion ? ». Nous ne sommes pas au bout de nos peines mais nous avons réfléchi et un tout petit peu appris, nous sommes un peu moins ignorants qu’avant notre travail. Et bien de l’avis de tout le monde, y compris des lecteurs, cela valait la peine d’aller non pas à l’aventure mais dans des chemins moins explorés. A l’IRELP, nous avons la disponibilité, la réactivité, l’inventivité, les locaux et les ressources pour aider. Mais pour aider seulement. Frappez et nous vous ouvrirons…

Quel intérêt un libre penseur, un laïque, un militant de l’émancipation sociale a-t-il intérêt à adhérer à l’IRELP en « direct » ?

Cela peut sembler incroyable mais nous ne connaissons pas l’intégralité de nos fonds et encore moins leur contenu réel. Nous ne cessons de découvrir ; nous possédons des documents rares, voire très rares. L’original de « La Misère » de Louise Michel, des documents que l’on ne trouve pas à la BNF, par exemple, des revues du XIXe siècle etc. Pour prendre un seul et récent exemple, j’ai découvert (et utilisé pour une conférence à Marseille) une brochure de 1904 sur la liberté de conscience ; Jean Baubérot mentionne nos fonds qu’il a pu consulter pour son travail sur la loi de 1905 ; il en est de même pour Régis Forgeot qui vient de soutenir sa thèse sur l’objection de conscience. Ce ne sont que des exemples tout récents. On peut utiliser nos fonds pour faire des travaux, des articles, des conférences, des planches maçonniques, des travaux universitaires, des travaux scolaires, assouvir sa propre curiosité, que sais-je encore. En sachant que nous avons toujours des solutions pour celles et ceux qui ne peuvent se déplacer…

En adhérant directement, on pourra avoir accès à tout cela. Mais pas seulement, on aura aussi l’immense satisfaction d’avoir contribué à une construction commune. Si sa part dans la construction n’est que de verser une cotisation (20 euros minimum), il faut savoir par exemple que notre budget est des plus stricts, que notre loyer représente une part considérable de celui-ci, que nous n’avons aucune subvention publique. Nous ne publions pas les chiffres, ils effrayeraient.

Mais nous qui animons (pas « nous qui dirigeons » ! mais « nous qui animons ») l’IRELP, nous ne sommes pas dans l’effroi ni dans la gestion, nous sommes dans la volonté de surmonter les difficultés. Il faut savoir qu’aucune, absolument aucune initiative de l’IRELP, depuis sa fondation n’a été déficitaire parce que, d’une part, nous sommes des plus scrupuleux et, d’autre part, pour avoir des fonds, il faut d’abord convaincre et faire appel à l’intelligence de l’interlocuteur. C’est la conviction qui apporte les fonds, pas l’inverse. Si la part est de nous apporter livres et documents, bienvenue. Si la contribution est de pouvoir venir consulter les livres et les archives et travailler comme l’ont fait des universitaires et des étudiant(e)s, les portes sont ouvertes. Si notre interlocuteur, notre interlocutrice a une idée que nous n’avons pas eue auparavant, s’il ou elle a une solution à une difficulté que nous rencontrons (et nous en rencontrons !) et bien ! Bienvenue à bord ! L’intérêt est commun. Nous sommes totalement évolutifs et en évolution permanente.

Comment faire pour cela ?

Ecrire à l’IRELP irelp@laposte.net, aller sur notre site (avec les réserves que nous avons émises), envoyer un chèque (20 euros d’adhésion annuelle minimum avec rescrit fiscal) à IRELP 204 rue du Château des Rentiers 75013 Paris.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Venez. Il y a du travail. Marc Bloch disait que l’Histoire ne servait, en fait, qu’à une chose « vivre mieux ». Avec l’IRELP, dans l’IRELP, on ne sert qu’à cela, « vivre mieux », vivre en toute conscience, avec une conscience libre. Du moins, nous essayons…

(Propos recueillis par Christian Eyschen)