Un pas vers la République Unie de toute l’Irlande.
Les élections législatives viennent d’avoir lieu le jeudi 5 mai 2022 afin de renouveler les 90 sièges de l’Assemblée d’Irlande du Nord. Le Northern Ireland Act de 2014 prévoit que les élections ont lieu tous les cinq ans, le premier jeudi de mai. Les dernières élections avaient eu lieu en 2017, de manière anticipée.
L’Irlande du Nord est ce territoire de l’île, historiquement composé de 6 des 9 comtés de la province d’Ulster, rattachés au Royaume-Uni par la partition imposée par le Traité anglo-irlandais signé le 6 décembre 1921.
Un fragile équilibre octroyé
L’Irlande du Nord bénéficie de la dévolution de certains pouvoirs. L’organisation politique est héritée de l’accord dit «du Vendredi saint» adopté le 10 avril 1998. Pour cette raison, la province est dotée de manière permanente d’un gouvernement d’union nationale. L’exécutif nord-irlandais est choisi par l’Assemblée, chaque parti politique disposant d’un nombre de ministres proportionnel à son nombre de sièges.
L’Assemblée d’Irlande du Nord, qui siège au palais de Stormont à Belfast, est composée de Members of Legislative Assembly (MLA), pourvus pour cinq ans au scrutin à vote unique transférable dans dix-huit circonscriptions de cinq sièges chacune. Le Premier ministre et le vice-Premier ministre dirigent ensemble l’Exécutif d’Irlande du Nord.
Les résultats des élections du 5 mai 2022 :
– Sinn Féin (Républicain) 250.388 voix (+ 1,1%) 27 sièges.
– Democratic Unionist Party (Loyaliste) 184.002 voix (- 6,7%) 25 sièges.
– Alliance (Libéraux, partisans de l’UE) 116.681 voix (+ 4,5%) 17 sièges.
– Ulster Unionist Party (Conservateurs) 96.390 voix (- 1,7%) 9 sièges.
– S.D.L.P. (Sociaux démocrates-chrétiens) 78.237 voix (- 2,9%) 8 sièges.
Le Sinn Féin est pour la première fois le premier parti en Irlande du Nord.
Affaissement des Unionistes
Depuis la partition de 1921, les Unionistes ont toujours géré la province au compte des intérêts du Royaume-Uni. Depuis le 1er juillet 1998, date d’entrée vigueur des «Accords de paix», se sont ainsi succédés comme Premiers Ministres d’Irlande du Nord : David Trimble, Ian Paisley, Peter Robinson, Arlene Foster et Paul Givan (démissionnaire en février 2022).
Tous, sans exception, dirigeants de partis unionistes, furent des partisans acharnés du maintien du lien organique avec la Couronne d’Angleterre.
Ils ont représenté les intérêts matériels de la fraction de la population loyaliste qui, pendant des siècles, a vécu comme «communauté protestante» de l’établissement d’un système apparenté à celui des castes et de l’illusion que le lien de dépendance impérial les protégerait de ceux qui étaient immédiatement amenés à s’y opposer.
Au fil des négociations post-Brexit, le parti au pouvoir, le Democratic Unionist Party (DUP) a perdu de sa crédibilité dans la fraction protestante de la population et, au soir des résultats, perdu plus de 41.000 voix et 3 sièges. Notamment au profit de formations encore plus radicales comme Traditional Unionist Voice (TUV) dont le chef Jim Allister – réélu dans la circonscription de North Antrim, l’ancien fief électoral du révérend Ian Paisley – appelle notamment à cesser toute collaboration avec Dublin et à un rassemblement de la «communauté loyaliste pour sauver la place de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni».
Pour la République de toute l’Irlande !
Lors des précédentes élections législatives, en mars 2017, le Sinn Féin avait rassemblé 27 sièges au Stormont, à un siège des loyalistes protestants du D.U.P. Dès le lendemain, Gerry Adams, Président du Sinn Féin avait affirmé : «C’est un vote pour l’unité de l’Irlande, un vote pour notre rassemblement en tant que peuple (…) nous n’avons pas besoin des Anglais pour nous gouverner.»
En 2022, progressant encore de plus de 26.000 voix, le Sinn Féin, qui se veut l’héritier de l’insurrection de 1916, a aussi mené campagne pour «la République irlandaise», pour réclamer la mise en œuvre des «vrais idéaux» de la République, celle des insurgés de la Grande Poste de Dublin qui avaient proclamé «l’égalité des droits et des chances pour tous les citoyens» et «le droit du peuple irlandais à la propriété de l’Irlande».
Martina Anderson, représentante du Sinn Féin en Europe, le rappelait encore récemment dans une interview exclusive à «La Raison», mensuel de la Libre Pensée.1
Alors que bien des Irlandais voient en la réunification de l’île – divisée depuis la Partition de 1921 – la seule véritable solution, les dirigeants actuels de la République à Dublin, partisans accomplis de l’Union européenne, s’y opposent.
Ainsi, le vice-Premier ministre Simon Coveney, qui se définit comme «un nationaliste défenseur de la Constitution irlandaise» et dit «souhaiter qu’un jour se réalise l’unité du pays», a continué d’affirmer : «cela devrait résulter d’un vote, et il n’existe aujourd’hui pas de majorité pour cela en Irlande du Nord». Pour l’heure, insiste-t-il, «Soulever la question de l’unification créerait encore plus de tension.»
Le vote du 5 mai 2022, son résultat historique, indiquent clairement le contraire :
Tous les obstacles peuvent être levés pour l’établissement d’une République unie de toute l’Irlande, une République des 32 comtés.
Ce sera au peuple irlandais, dans toutes ses traditions et déterminations, d’en définir lui-même les contours et le contenu pour, balayant les ravages du sectarisme religieux et des dogmes, poser les jalons de la République irlandaise, séculière, sociale et fraternelle.
Paris, le 8 mai 2022
* https://www.fnlp.fr/2022/03/22/en-direct-avec-martina-anderson-representante-du-sinn-fein-en-europe/ ↩