TRACES ET MÉMOIRE DE L’ESCLAVAGE EN VAL D’OISE

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Un colloque qui a eu lieu à Pontoise (Val d’Oise)

Samedi 21 mai a eu lieu un colloque à l’initiative de la Fédération du Val d’Oise de la Libre Pensée et l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes. Ce colloque était également coorganisé par les associations départementales de la LDH , de la Ligue de l’Enseignement et des FRANCAS. Il se déroulait dans le cadre de la journée des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition. C’est Jacques Chazard, président de l’Association Laïque des Amis de Maria Deraismes qui a ouvert le colloque par un message de bienvenue.

Une situation particulière

Pontoise est le lieu de naissance du général Leclerc, marié à Pauline, la sœur de Bonaparte. C’est lui qui a dirigé l’expédition à Saint-Domingue, ordonnée par son beau-frère pour briser la résistance noire conduite par Toussaint-Louverture. Cette expédition eut pour conséquence un massacre de masse, y compris des troupes noires qui participaient à l’expédition, l’arrestation de Toussaint-Louverture et sa déportation au Fort de Jouy dans le Jura où il mourut de froid. La résistance des noirs et mulâtres de Saint-Domingue, notamment lorsqu’ils apprirent que l’esclavage avait été rétabli en Guadeloupe, fut telle que l’expédition échoua et que cela entraîna la création de la République d’Haïti sous la dictature de Jean-Jacques Dessalines en 1804.

Statue du général Leclerc à Pontoise “rhabillée” lors d’un rassemblement de protestation.

Le général Leclerc est considéré comme un « héros pontoisien », c’est ainsi qu’un panneau Starck (qu’on appelle également « pelle » ou « sucette ») situé devant la gare, dans l’axe de la rue Thiers qui monte à la cathédrale par un escalier au sommet duquel se trouve la statue du général, précise à son propos : « Envoyé par [Bonaparte] à l’île de Saint-Domingue pour la pacifier, il s’acquitta remarquablement de sa tâche, avant d’être terrassé par la fièvre jaune, en 1802 ».

le panneau Starck situé devant la gare.

Depuis de nombreuses années – à l’initiative de la Libre Pensée et d’autres associations pontoisiennes – il a été demandé à la municipalité, par des délégations, des rassemblements et des manifestations, de retirer ce panneau qu’on peut raisonnablement qualifier de négationniste, et de le remplacer par un autre conforme à la réalité des faits, et d’installer à proximité de la statue un autre panneau rappelant ce que fut exactement la mission colonialiste de Leclerc et la manière atroce dont elle s’est déroulée. Ces actions sont restées sans réponse positive.

C’est dans ces conditions que la Libre Pensée a décidé d’organiser ce colloque.

Un succès qui en appellera d’autres

Sylvie Brodziak et Frédéric Régent

Une petite centaine de participants ont assisté à ce colloque durant la journée. Les interventions ont été particulièrement brillantes et passionnantes : une communication écrite de Bernard Gainot (Panthéon Sorbonne) sur La tentative de rétablissement de l’esclavage à Saint-Domingue, Frédéric Régent (Panthéon Sorbonne), La législation coloniale et la première abolition, Sylvie Brodziak (Cergy Université), La littérature comme auxiliaire de l’histoire, Jean-Claude Fignolé : Une heure pour l’éternité, Jean-Claude Lescure (Cergy Université), Une statue du Général Leclerc à Pontoise : une opération de communication politique ?, une communication écrite sous le direction de Jean-Pierre Barlier (historien) qui nous a emmenés sur la trace des nombreux lieux qui, dans le Val d’Oise, ont bénéficié de la traite et du commerce colonial..

Durant la journée, a été projetée une intéressante vidéo réalisée par les FRANCAS composée d’interviews de jeunes sur la manière dont ils ressentent la question de l’esclavage et du racisme aujourd’hui.

En fin d’après-midi, Sylvie Brodziak est intervenue au nom de l’IRELP, partie prenante du colloque, et une communication écrite de Christian Eyschen, au nom de la FNLP sur la question des rapports entre mémoire et histoire a également été lue

La résolution suivante, après discussion et amendement, a été adoptée par les participants

« Les participants au colloque « Traces et mémoire de l’esclavage en Val d’Oise » qui s’est déroulé le samedi 21 mai 2022 à Pontoise, après avoir entendu les différents intervenants :

  • Font leur ces paroles d’Edouard Glissant dans Mémoires de l’esclavage : « Qui n’a jamais su n’a pas de mémoire, c’est vrai, mais dans ce cas l’oubli n’est pas une maladie, c’est une clôture totale, une infirmité de naissance. Si par ailleurs, il vous arrive d’oublier la condition que vous avez faite à quelqu’un, vous l’offensez par considérer que cette condition n’était pas digne d’être par vous retenue. Si vous oubliez la condition que quelqu’un vous a faite, vous renoncez à la particularité de dialogue qui vous relie à ce quelqu’un ».

  • En conséquence, les participants au colloque, n’acceptent pas qu’à Pontoise la mémoire des victimes du massacre de masse à Saint-Domingue (Haïti) par les troupes du général Leclerc, envoyé par Bonaparte pour rétablir l’esclavage, ne soient ni entendues ni honorées.

  • Ils renouvellent leur exigence auprès de la municipalité pour :

    • qu’une information claire soit fournie aux citoyens et à la jeunesse, à proximité de la statue pour que soit mis en évidence cet acte de barbarie que la loi Taubira a qualifié de « crime contre l’Humanité »,

    • que le panneau négationniste Starck, situé devant la gare de Pontoise – et qui fait l’apologie d’un crime contre l’Humanité – soit retiré et remplacé par un autre qui soit conforme à la réalité des événements qui se sont déroulés à Haïti.

  • Ils continueront leurs actions jusqu’à obtenir satisfaction pour la mémoire de ce qui fut dans les faits l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. »