Proclamation de l’AILP, 20 septembre 2022

Chaque 20 septembre est l’occasion pour les libres penseurs du monde de se rencontrer pour développer des activités allant des activités académiques et culturelles aux simples offrandes florales. Et ils le font fraternellement unis en hommage à une figure universelle de l’histoire : Giuseppe Garibaldi.

Aujourd’hui, dans des dizaines de villes de dizaines de pays, au pied de monuments allusifs ou simplement sur des places ou des lieux publics, des hommes et des femmes libres se souviennent du Héros des Deux Mondes, 140 ans après son passage à l’immortalité, en mettant en évidence ce que Garibaldi a représenté dans l’histoire de la liberté des peuples et des citoyens, mais aussi en soulignant sa saisissante actualité.

En effet, cette année marque le 215e anniversaire de la naissance, ainsi que le 140e anniversaire de la mort de Giuseppe Garibaldi. Mais nous, libres penseurs, célébrons également cette date du 20 septembre comme l’une des dates les plus emblématiques liées aux idéaux de liberté que Garibaldi a toujours défendus tout au long de sa vie et en toutes circonstances.

Il s’agit d’un fait historique important : ce jour-là, mais en 1870, à travers l’épisode de guerre connu sous le nom de  » brèche de la Porta Pia « , les forces patriotiques italiennes ont pris Rome, faisant ainsi un pas transcendantal vers l’unification italienne. Garibaldi n’était pas personnellement présent, mais ses idéaux ont mené ces luttes et ce sont des combattants inspirés par ces idéaux qui ont accompli cet exploit.

Mais cet épisode de la guerre a fait bien plus que rendre possible l’unité de la péninsule italienne. L’histoire tient compte du fait qu’elle a également mis fin au dernier bastion en Occident de ce que l’on appelait les « États de droit divin« , c’est-à-dire les régimes politiques fondés sur la règle de la religion, en particulier le catholicisme.

Et après que le dogme religieux ait été vaincu en tant qu’instrument politique du gouvernement, cette journée a été connue sous le nom de Journée de la liberté de pensée, ou Journée de la Libre Pensée. Un épisode qui – symboliquement – a ouvert la voie à la lutte pour la Séparation des États et des religions, pour stimuler la pensée laïque et pour consolider les concepts pour l’existence d’États et de régimes politiques démocratiques.

Et ceci, si substantiel, et encore si actuel, est ce qui a lié pour toujours Garibaldi aux luttes pour la liberté de conscience, la liberté de pensée et la liberté d’expression, conditions de base sur lesquelles on peut penser à la construction d’une société plus juste, plus égalitaire, plus tolérante, plus pacifique et, en définitive, plus humaine.

Aujourd’hui, en tant que libres penseurs du XXIe siècle, un siècle avec de nouvelles complexités et un horizon incertain pour l’Humanité, où nous pouvons souvent voir le découragement et l’incertitude prendre possession de nos consciences, nous devons néanmoins être clairs dans notre pensée, et c’est que si la construction du futur passe par l’unité de l’Humanité, par la liberté et la justice, nous n’avons pas besoin de beaucoup plus que de nous abreuver aux sources de Garibaldi, pour retrouver le stimulus et le courage nécessaires pour continuer à travailler à la construction d’un monde nouveau.

Et pour cette raison, les valeurs que Garibaldi a toujours affichées sont un exemple de sa modernité, et sont une puissante source d’inspiration pour tous ceux qui souhaitent faire quelque chose pour améliorer notre monde d’aujourd’hui, et avancer vers l’avenir.

Certains d’entre eux méritent que l’on s’y attarde. Par exemple, L’Unité.

I) Garibaldi s’est battu avec acharnement pour unir son peuple fragmenté, occupé par les étrangers et dominé. Il a tout abandonné pour l’unité italienne. Et tout son combat l’a conduit sur cette voie, même s’il a dû affronter l’adversité des particularismes et de l’étroitesse d’esprit. Pour l’unité de son peuple, il a mis de côté – parfois – certains de ses idéaux les plus chers.

Aujourd’hui, nous vivons un autre moment de l’Histoire. Nous ne sommes plus dans l’urgence de créer des Etats nationaux, mais de considérer l’unité des peuples et des pays au-dessus des égoïsmes pour faire face aux dangers mondiaux qui nous assaillent. L’unité pour lutter contre les agressions et les guerres de conquête. L’unité pour faire face au changement climatique. L’unité pour défendre la démocratie contre l’autoritarisme et le populisme croissants. L’unité pour faire pression pour plus d’égalité et de justice et pour défendre les plus vulnérables et les opprimés. L’unité pour s’opposer aux dogmes idéologiques, politiques, économiques ou religieux derrière lesquels sont canalisés les projets de domination des êtres humains et de leur conscience. L’unité pour défendre à l’échelle mondiale la Déclaration des droits de l’Homme des Nations-unies, en tant que guide fondamental pour la coexistence.

C’est cela, et seulement cela, qui nous permettra d’envisager une projection et un destin en tant qu’Humanité. Garibaldi nous disait déjà : « nous devons mettre les passions de côté… et, dans la conscience de la haute mission qui nous a été confiée, nous devons réaliser l’unité morale…« .

II) La liberté, elle aussi, était une valeur incarnée de manière vivante par Garibaldi. Il l’a dit de cette façon :  » … Il est du devoir de tout homme libre de combattre pour la liberté, partout où règne la tyrannie, sans distinction de terre ou de peuple, car la liberté est le patrimoine de l’Humanité « .

Et comme il est bon de le rappeler alors qu’il y a aujourd’hui des peuples qui souffrent pour défendre leur liberté ! La lutte pour la liberté comporte des risques, mais elle est nécessaire pour atteindre la dignité des peuples.

Cet aspect essentiellement libertaire que nous voyons chez Garibaldi n’est pas un élan romantique, mais s’inscrit dans une profonde conception républicaine, que Garibaldi a défendue tout au long de sa vie et qui a guidé sa conduite civique et orienté ses combats. Ces idéaux républicains ont des composantes de valeur fondamentales sans lesquelles un régime politique républicain ne pourrait exister.

D’une part, une conception « anti-tyrannique« , contraire à toute domination. C’est-à-dire la défense de la liberté en tant qu’essence commune à toutes les idées du républicanisme, ainsi que la défense persistante de certaines valeurs civiques, indispensables précisément pour atteindre la liberté souhaitée.

Et ces valeurs essentielles que le républicanisme exalte, et que Garibaldi partageait intégralement, sont sans aucun doute : l’égalité, la simplicité, la prudence, l’honnêteté, la bienveillance, ainsi que la frugalité, le patriotisme, l’intégrité, la sobriété, l’abnégation, l’assiduité, l’amour de la justice, la générosité, la noblesse, le courage, le civisme, la solidarité et, de manière générique, l’engagement pour le sort des autres, qui est la vertu républicaine la plus authentique.

Ainsi, lorsque nous parlons de républicanisme, nous parlons de quelque chose de plus qu’une théorie ; nous faisons référence à un mode de vie particulier qui devrait être celui d’un citoyen vertueux, au service de sa communauté. Et d’une proposition d’organisation sociale, dont l’idée de base est l’indépendance, l’autonomie et la souveraineté du citoyen. L’une des conséquences est que tout ce que l’on appelle aujourd’hui « république » ne résiste pas au réexamen républicain de la pensée garibaldienne.

III) Un autre aspect absolument d’actualité de Garibaldi est le cosmopolitisme. Garibaldi s’est battu pour son Italie. Mais pour lui, les frontières ne sont pas physiques, mais fondées sur des valeurs. Pour lui, la lutte pour la liberté n’avait pas de frontières. Et il était un citoyen du monde, avec les valeurs de l’Humanisme qui place l’être humain au centre de tout, de toute réflexion, de toute initiative. Ce sont des valeurs qui nous encouragent à aller vers les autres, à aller à la rencontre des autres.

Aujourd’hui, alors que le monde devient un inquiétant « village planétaire« , avec ses atrocités, ses égoïsmes, ses inégalités persistantes, l’arrogance des hégémonies et le chantage des terroristes, la violence et l’agression, l’exploitation des autres, cruellement vérifiée dans l’esclavage de la traite négrière, Œuvrer pour le cosmopolitisme des idées, de la pensée, des êtres et des cultures représente l’avenir, et c’est le seul moyen d’apprendre à se connaître, et de créer les conditions d’un vivre ensemble à l’échelle planétaire, dans la fraternité, la justice et la dignité. Et en cela, Garibaldi nous inspire aussi vers ce grand défi, qui est de construire les valeurs d’une rencontre à l’échelle planétaire qui nous permettra de jeter les bases pour construire la civilisation humaniste du futur.

IV) Une autre valeur de Garibaldi, absolument d’actualité, est celle de la sensibilité sociale. Garibaldi ne s’est pas seulement battu pour les droits des nations. Il s’est également battu pour les droits des esclaves, des exploités, des opprimés de toutes sortes, des déshérités de tous. Il s’est battu pour l’égalité des hommes et des femmes. Aujourd’hui, cela doit rester un comportement et une valeur fondamentaux : servir les autres implique sans aucun doute de développer la solidarité envers les couches les plus faibles de la société, celles qui n’ont personne vers qui se tourner, celles qui sont accablées par la solitude, la pauvreté, le désintérêt, et en particulier les enfants et les personnes âgées. Nous devons imprégner nos esprits et nos cœurs du fait qu’une société ne sera aussi forte que le plus faible de ses membres, et donc comprendre qu’une société bien organisée ne peut ignorer ceux qui souffrent, sont marginalisés, subissent des violences ou sont exploités.

V) Enfin, il faut souligner que Garibaldi a célébré la prise de Rome et la chute du pouvoir temporel de l’Eglise, non pas parce qu’il était anticlérical, comme on le dit parfois à la légère. Garibaldi considérait que la Séparation de l’Église et de l’État était un élément fondamental du progrès social, car dans sa conception, l’État ne devait avoir ni religion ni idéologie politique « officielle« , ni représenter une quelconque tendance dans ce sens. L’État doit être laïque, c’est-à-dire qu’il doit posséder une neutralité en matière idéologique ou religieuse qui lui permet d’être une garantie pour tous, qu’ils soient ou non croyants en ces idées, car l’État voit des citoyens souverains et non des adhérents à telle ou telle idée ou croyance.

Et aujourd’hui, quand nous voyons tant d’endroits où il n’y a pas de séparation entre le religieux ou l’idéologique et l’État, et où les citoyens doivent subir dans leur propre chair l’arbitraire du pouvoir politique au nom du dogme religieux ou idéologique, nous ne pouvons qu’admirer la pensée précoce de Garibaldi à cet égard.

Comme nous pouvons le constater, Garibaldi, sa pensée et ses valeurs, ont une réelle pertinence ; et il est alors et bien, une source d’inspiration pour nous aider à trouver une orientation, une perspective, centrée sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Il s’agit bien entendu d’une source d’inspiration. Mais quelle formidable source d’inspiration nous pouvons avoir au bout des doigts !

Garibaldi était un promoteur d’idéaux forts dans son pays et dans le monde, des idéaux de démocratie, des idéaux républicains. Aujourd’hui, nous avons besoin de son exemple de combattant pour lutter pour l’humanisme, la liberté, l’unité des peuples, la sensibilité sociale, le cosmopolitisme et la paix.

Ce 20 septembre, une fois de plus, nous, libres penseurs, donnons notre message :

Vive Giuseppe Garibaldi, citoyen du monde !!!!.

Elbio Laxalte Terra, Porte-parole de l’AILP

 

 

 

 


L’Association internationale de la Libre Pensée défend sur tous les continents la liberté de conscience et d’expression. Elle manifeste sa profonde solidarité avec toutes les victimes de la répression religieuse.

L’attentat perpétré contre Salman Rushdie est un crime contre la liberté de conscience.

Condamné à mort pour avoir critiqué une religion, en l’occurrence l’islam, la sentence a failli être exécutée cet été, par « un fou de Dieu ». Et cela,  au nom d’une fatwa émise en 1989 contre lui par l’Ayatollah Khomeini « guide suprême » tyran de la république islamique iranienne ! Tout pouvoir religieux – de quelque religion qu’il soit-, car par essence totalitaire, interdit toute critique ou pensée indépendante.

L’AILP réaffirme que la liberté de conscience donne à chacune et à chacun, le droit de croire et de ne pas croire, de pratiquer telle ou telle religion, d’en changer ou de n’en avoir aucune, d’être religieux, athée, agnostique ou indifférent à la religion.

L’AILP défendra la liberté d’expression, le doute critique et le droit d’irrévérence envers les pouvoirs, quels qu’ils soient, politiques, religieux ou autres !

Elle appelle toutes les associations, organisations, syndicats partisans de la liberté de conscience à prendre position pour dénoncer ces faits et exiger le respect de la liberté de conscience pour tous

Paris, le 15 septembre 2022

Note : « Les Versets sataniques » ont été interdits en Inde en 1988, (pays natal de S. Rushdie, né à Bombay en 1947) soit un an avant la fatwa prononcé par l’Iran contre Salman Rushdie, au nom du maintien de l’ordre public. Il a du vivre sous la menace constante de mort et hors de son pays d’origine ! Son agression aux États-Unis début août n’a suscité aucune réaction officielle en Inde, où les condamnations au nom du respect des croyants hindous se multiplient.