Le Conseil d’État prête la main aux atteintes à la liberté d’association

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Le 19 juin 2023, les conclusions du Rapporteur public avaient nourri parmi les membres du collectif défendant la liberté d’association un frêle espoir d’annulation partielle du décret du 31 décembre 2021 approuvant le « contrat d’engagement républicain » (CER) à souscrire par les associations sollicitant une subvention, une aide en nature ou un agrément, en application des articles 10-1 et 25-1 de loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, introduits par celle du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. En effet, ce gardien de la loi avait considéré que, d’une part, l’interdiction pour les associations « d’entreprendre ou d’inciter à toute action manifestement contraire à la loi » (engagement numéro 1) présentait un risque en raison de la difficulté à mesurer l’exacte portée juridique de cette notion, d’autre part, l’engagement (numéro 5) exigé du groupement « à agir dans un esprit de fraternité et de civisme » constituait également une formulation trop imprécise pour être pertinente en droit.

Au terme de sa délibération du 30 juin 20231, le Conseil d’État, qui avait – rappelons-le – émis un avis réservé sur l’intitulé même de « contrat » pendant la procédure d’élaboration de la loi du 24 août 2021, a écarté ces deux réserves du Rapporteur public et validé l’ensemble du décret du 31 décembre 2021. Il l’a regardé comme conforme aux textes protégeant les libertés publiques au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, dénué de toute difficulté en ce qui concerne les modalités d’imputabilité aux associations des éventuelles entorses aux engagements prévus par le CER de nature à justifier un refus ou un retrait de subvention, d’aide en nature ou d’agrément et offrant toute garantie quant à l’accès au juge.

En premier lieu, au regard des articles 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il estime que « les nouvelles obligations ainsi imposées aux associations poursuivent un but légitime dès lors que le Contrat d’engagement républicain tend à assurer le respect, par les associations qui souhaitent bénéficier d’un agrément ou d’une subvention, des principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que du caractère laïque de la République, de l’ordre public et des symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution. » Il se met à l’abri de la décision n°2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, qui a validé la loi avant sa promulgation, et présente comme une garantie suffisante la possibilité de saisir le juge de l’excès de pouvoir en cas de retrait d’une subvention ou d’un agrément, motivé par une violation présumée des engagements prévus au CER. Ce faisant, le Conseil d’État donne, en l’espèce, une interprétation extensive de la formulation selon laquelle, au sens de la Convention et de la Charte, est légitime une « mesure nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but poursuivi. »

En deuxième lieu, le Conseil d’État ne voit aucune difficulté dans le fait d’imputer à une association les manquements au CER de ses dirigeants, mais aussi de ses membres, de ses salariés, voire des bénévoles ayant un lien ténu avec le groupement : « l’imputabilité à une association des manquements commis tant par ses dirigeants que ses salariés, ses membres ou bénévoles n’est possible que si, d’une part, ces personnes ont agi en cette qualité ou dans le cadre d’une activité de l’association, et, d’autre part, si les organes dirigeants, informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires compte tenu des moyens dont ils disposent. Eu égard aux conditions dans lesquelles une telle imputabilité est ainsi instituée, ces dispositions ne méconnaissent ni la loi du 24 août 2021, ni les libertés d’association et d’expression. »

C’est la porte ouverte à l’action de tous les provocateurs de France et de Navarre infiltrés dans une association pour assécher les financements et aides publics qui lui sont consentis pour des motifs d’intérêt général. Beaucoup d’associations et les nombreux salariés qu’elles emploient se trouvent ainsi à la merci des déclarations fracassantes d’individus animés de la seule volonté de leur nuire. Plus généralement, elles doivent mesurer au trébuchet leurs prises de position publiques en raison du risque de se voir financièrement sanctionnées.

Enfin, s’agissant du problème spécifique de l’agrément permettant à des associations d’intervenir devant les juridictions, agissant par exemple dans les domaines de la défense de l’environnement ou des consommateurs, le Conseil d’État feint de ne pas comprendre que le refus ou le retrait d’agrément constituera pour ces groupements l’équivalent d’un coupe-jarret sinon d’un arrêt de mort : « Contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, le refus ou le retrait de l’agrément qui permet aux associations de bénéficier des avantages prévus par les dispositions citées au point 18, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les associations non agréées de l’accès à un tribunal. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à un recours effectif garanti par l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté. » Le problème n’est pas tant celui de l’accès au juge administratif chargé de contrôler la légalité du refus ou du retrait d’agrément que celui de la participation des associations agrées aux échanges contradictoires dans les prétoires pour faire valoir leur point de vue. Là encore, des provocations malveillantes et le reflexe d’autocensure les mettent en péril.

Les menaces de suppression des subventions allouées par l’État à la Ligue des Droits de l’Homme, les mesures financières de rétorsion prises par la région Île-de-France contre la Ligue de l’Enseignement en raison de l’expression de certains élèves participant à un concours, la demande du préfet de la Vienne de mise en recouvrement sur l’association Alternatiba de Poitiers des sommes reçues de cette commune au titre de l’animation d’ateliers où était examiné le concept de désobéissance civile montrent à quel point la loi du 24 août 2021, complétée par son décret d’application du 31 décembre 2021, porte atteinte à la liberté d’association qui revêt un caractère constitutionnel.

Rappelons que dans sa grande sagesse le législateur de 1901 avait consacré la pleine liberté des citoyens de constituer des associations « sans autorisation », voire « sans déclaration préalable » si les associés renoncent à créer une personne morale dotée de la capacité civile. La seule restriction est celle prévue à l’article 3 : « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet. » Ce cadre juridique d’un exceptionnel libéralisme, au sens originel du terme, est désormais fragilisé par une loi et un décret à caractère autoritaire.

Le Président de la République est l’inspirateur de cet attentat contre la liberté d’association, justifié par la lutte contre un « séparatisme » plus fantasmé que réel. Le Conseil constitutionnel a cautionné cette remise d’un des fondements majeurs de la République. Le Conseil d’État vient d’y prêter la main.

Abrogation de la Loi du 24 août 2021 !

Abrogation du Décret du 31 décembre 2021 !

Il faut en finir avec les Institutions de la Ve République !

Paris, le 6 juillet 2023

1CE, 30 juin 2023, Ligue des droits de l’Homme et alii, n° 461962, 462013, 462015.

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Document annexé 1 : Communiqué du Groupe Elysée Reclus de la Libre Pensée

GROUPE ELYSEE RECLUS Bénédiction Communiqué

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Document annexé n° 2 : invitation du président de département (Alpes-Maritimes) et du président de région (Provence-Alpes-Côte d’Azur) à la bénédiction d’une galerie

Bénédiction casquette