Citoyennes, citoyens, chers amis, chers camarades,
Je vous apporte le salut fraternel de la Fédération Nationale de la Libre Pensée.
Nous voici de nouveau réunis après une année mouvementée, où nous connaissons une situation nouvelle, inédite comme le soulignent bien des journalistes.
Je voudrais en présenter l’aspect qui intéresse au premier chef la Libre Pensée, à savoir la laïcité.
Nous rendons, aujourd’hui, hommage au Chevalier de La Barre, qui, en ne saluant pas une procession, a affirmé sa liberté de conscience en un siècle où c’était interdit. Le 1er juillet 1766, brûler le Chevalier de La Barre et en même temps le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, c’était proclamer la toute puissance de l’Eglise sur la société, sur les consciences. Par son geste, le Chevalier a refusé cette domination ; par sa mort, il a déclenché le combat que nous poursuivons aujourd’hui pour la séparation des églises et de l’Etat, pour la liberté de conscience et d’expression.
Rappelons les deux premiers articles de la loi de 1905, loi qui est en large partie le fruit du combat de la Libre Pensée au début du XXè siècle.
Article I : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 : La république ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Mais aujourd’hui, nous devons combattre pour obtenir le respect de la loi.
Quelques exemples :
Au moment où les fidèles désertent les lieux de culte et où le nombre de prêtres va s’amenuisant, nous constatons une offensive de l’Eglise pour reconquérir l’espace public.
C’est pourquoi la Libre Pensée intervient dès qu’elle a connaissance du viol de la loi. Ainsi, l’article 28 de la loi de 1905 interdit l’installation de statues, monuments religieux dans l’espace public à partir de 1906.
Or, aux Sables d’Olonne, le maire avec le soutien du vicomte de Villiers, de Zemmour et d’une association de parachutistes, a fait installer une statue de St Michel sur l’espace public. Même chose à La Flotte en Ré avec une statue de la Vierge. Les deux affaires sont portées devant le tribunal administratif par la Libre Pensée, tandis que la droite et l’extrême droite crient au scandale et s’agitent beaucoup. Résultat : le tribunal administratif en premier ressort puis la cour d’appel ont déclaré illégales de telles installations et ont demandé leur retrait.
Autre exemple : le maire de Béziers installe chaque année une crèche chrétienne dans la mairie ; il est condamné chaque année. Qu’à cela ne tienne ! il annonce qu’il va installer chaque année une crèche dans la cour d’honneur de la mairie. Que fait le préfet, chargé du respect de la loi ? Rien. Il laisse faire.
Le combat pour le respect de la laïcité n’est donc pas terminé.
M. Estrosi, maire de Nice, a alerté le ministère de l’Education Nationale. Il a dénoncé « des atteintes très graves au principe de laïcité, des temps religieux et des prières » pendant la pause méridienne dans des établissements scolaires de Nice. Et il voulait « une réponse ferme, collective et résolue ».
De quoi s’agissait-il ? Pendant le ramadan, 3 élèves en tout au lycée, , et un en primaire avaient été surpris en prière et rappelés à l’ordre tant par l’administration que par leurs parents. Mais crime abominable ! une prière musulmane, par des enfants, à l’école ! Dans le même temps se déroule à Nice une procession afin de rendre grâces à l’intervention divine qui a sauvé la ville du choléra en 1832(sic). Que fait M. Estrosi, défenseur de la laïcité ? Il participe, en qualité de maire, et appelle à participer à cette procession religieuse.
Selon que vous serez chrétien ou musulman, les jugements du maire de Nice vous rendront blanc ou noir.
Les adversaires de la L.P. lui reprochent vivement -à tort- de vouloir détruire des statues, qu’il s’agit seulement de déplacer de l’espace public vers un espace privé.
En revanche, nous connaissons des démolisseurs de statues : le régime de Vichy et les Nazis, par leur décision du 11 octobre 1941, ont supprimé des centaines de statues en France, et tout particulièrement celles des hommes des Lumières, Voltaire, Diderot, celles des grands auteurs, Victor Hugo, Emile Zola, et celles des victimes de l’Eglise : Etienne Dolet, le Chevalier de La Barre.
La statue parisienne du Chevalier de La Barre se trouvait à Montmartre, devant le Sacré-Cœur. Elle avait été installée en 1905 après une âpre bataille. Les cléricaux avaient construit le Sacré-Cœur pour que la France expie à la fois « les crimes de la Commune et ceux de la Révolution ». Pour s’opposer à la domination de l’Eglise, les républicains choisirent d’élever une statue du Chevalier de La Barre, dernier exécuté pour blasphème en France, symbole de la lutte pour la liberté de conscience. Le Chevalier était représenté lié au poteau, avec les blessures que lui avait provoquées le supplice de la question.
Plusieurs tentatives pour refaire cette statue fondue par les nazis ont connu un échec.
Cette année, la Libre Pensée a organisé une Conférence internationale contre les privilèges des églises, contre les concordats, et elle a décidé d’inaugurer cette Conférence par l’installation à Montmartre, à sa place d’origine, d’une copie de la statue de 1905. C’est devant les libres penseurs venus de France, d’Allemagne, d’Irlande, de Grèce, du Portugal, d’Angleterre, de Russie, des USA, des pays musulmans et d’Amérique latine, et de nombreux touristes que la statue du chevalier a pris place.
Merci à la Ligue des Droits de l’Homme d’Abbeville, en la personne de Jean-François Cocquet qui a honoré de sa présence et d’un beau discours le retour -temporaire- du Chevalier de La Barre à Montmartre.
La Conférence internationale de Paris a décidé de lutter pour la séparation effective des églises et de l’Etat afin de promouvoir la liberté de conscience pour tous. Elle a appelé à se mobiliser partout contre les concordats, contre le financement public des religions, pour l’établissement d’une éducation non religieuse. La Conférence a exigé qu’en matière criminelle, les actes commis par des religieux soient soumis à la juridiction ordinaire de la justice légale et officielle.
Pour sa part la Libre Pensée a enquêté sur les biens de l’Eglise en France ; elle a établi que l’Eglise devait indemniser les victimes de ses turpitudes, et qu’elle avait largement de quoi payer.
Comme j’ai essayé de le montrer, la Libre Pensée défend avec force la loi de 1905 et gagne très souvent en justice. Elle s’est attirée ainsi l’hostilité pour ne pas dire la haine de l’extrême droite et des catholiques intégristes. A plusieurs reprises, sa librairie parisienne a été taguée, la vitrine brisée. En dépit des démarches faites auprès des autorités, les agresseurs semblent jouir de l’impunité.
Menaces du ministre de l’Intérieur contre la Ligue des droits de l’Homme, menaces de l’extrême -droite contre la Libre Pensée sans réaction du pouvoir.
Il est temps de réaliser une large unité, pour la défense de la laïcité, pour l’abrogation de la loi « séparatisme », pour la défense des libertés démocratiques
Je vous remercie.
Nicole Aurigny, vice-Présidente de la Libre Pensée