Le 19 septembre 2023, la veille de sa venue en visite d’État en France, le roi Charles III a promulgué la très controversée Northern Ireland Troubles Legacy and Reconciliation Bill – la loi sur la réconciliation et l’héritage des troubles en Irlande-du-Nord -, adoptée quelques jours auparavant par les deux chambres du Parlement de Londres. Ce texte prétend promouvoir des relations pacifiées entre le Royaume-Uni, la République d’Irlande et la population des six comtés d’Irlande-du-Nord en tirant un trait sur les exactions y ayant été commises par les troupes britanniques depuis 1969. À cette fin, sur le modèle de la Truth and Reconciliation Commission – la Commission vérité et réconciliation – d’Afrique-du-Sud mais au risque de fragiliser les accords de paix civile vieux d’un quart de siècle de 1998 – le Good Friday Agreement -, déjà malmenés par le Brexit, la nouvelle loi crée l’Independant Commission for Reconciliation and Information Recovery (ICRIR) – la Commission indépendante pour la réconciliation et le rétablissement des faits. Elle institue une amnistie en faveur des auteurs de massacres survenus en Irlande-du-Nord sous la responsabilité des autorités britanniques et suspend les poursuites en cours contre ceux qui sont présumés en avoir commis, dès lors que les intéressés contribuent par leurs témoignages aux travaux de la commission et acceptent de les rendre publics.
En quelque sorte, elle repose sur un paradoxe : la vérité par l’oubli
La loi bénéficie du soutien, d’une part, de M. Danny Kinahan, ancien député unioniste de la troisième assemblée d’Irlande-du-Nord, actuel Commissaire aux anciens combattants et ancien capitaine des troupes britanniques stationnées dans les six comtés, d’autre part, des associations d’anciens combattants d’Irlande-du-Nord, au nombre d’environ deux cents mille. En revanche, elle suscite le rejet des partis qui détiennent la majorité au Palais de Stormont à Belfast, notamment du Sinn Féin qui a recueilli près de 30 % des suffrages aux élections générales d’Irlande-du-Nord en 2022, du gouvernement local ainsi que des associations de victimes.
Surtout, elle soulève les critiques les plus vives de diverses instances internationales. En juin dernier, Mme Dunja Mijatović, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, déclarait : « J’ai mis en garde à plusieurs reprises sur le fait que la proposition de loi relative à l’héritage et la réconciliation à la suite des Troubles en Irlande-du-Nord porterait atteinte aux droits humains des victimes, ainsi qu’aux efforts de recherche de la vérité, de réconciliation et de justice. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, des rapporteurs spéciaux des Nations Unies, des institutions nationales des droits humains , des commissions parlementaires et des organisations de la société civile, y compris des groupes de victimes, ont également exprimé de sérieuses inquiétudes. »
La Fédération nationale de la Libre Pensée estime que la loi dite Legacy Bill, qui viole certains engagements internationaux du Royaume-Uni, vise à assurer une immunité pénale aux auteurs de crimes de guerre commis durant les affrontements ayant opposé la population irlandaise exigeant l’unité de l’Eire et les troupes britanniques d’occupation depuis 1969. Elle condamne donc un texte qui prive les victimes et leurs familles de l’élémentaire justice à laquelle elles ont droit et entérine, à certains égards, la division de l’Irlande dont l’unité, dans le cadre d’un État séparé des religions garantissant la liberté de conscience, reste la seule voie démocratique permettant d’aboutir à un apaisement définitif.
Brest, le 28 septembre 1798/2023