Visite du Pape à Marseille, Concordat avec l’Islam, Abaya : La Libre Pensée s’exprime

Le 16 septembre 2023, la Libre Pensée organisait une conférence publique contre le financement public de la visite du pape à Marseille (voir exposé des faits et des chiffres par Claudette Coudeville). Dans la salle de spectacle du Théâtre Toursky, Christian Eyschen – Secrétaire général de la Libre Pensée – faisait le point sur l’actualité laïque.

Nous publions ci-dessous sa conférence et ses réponses aux questions posées.

Visite du Pape à Marseille : Les faits et les chiffres !

Par Claudette Coudeville, responsable de la Libre Pensée des Bouches-du-Rhône

Je vais vous présenter un récapitulatif de faits qui ont concouru à la venue du Pape à Marseille et leurs conséquences pour la laïcité.

Depuis l’annonce officielle de la venue du Pape dans le cadre des rencontres méditerranéennes organisées à Marseille par le diocèse, notre Fédération a suivi l’évolution du projet afin de recenser les éventuelles violations de la loi de Séparation des cultes et de l’État. Notre journal l’Impertinent a produit plusieurs articles et nous avons réalisé 3 émissions sur Radio-Galère rappelant que si les catholiques peuvent grâce à la loi de 1905 recevoir leur chef religieux et pratiquer leur culte, les Elus es-qualité, les pouvoirs publics doivent à cet égard observer une stricte neutralité et aucun financement public ne peut être versé. Nous avons lancé une veille afin de suivre l’évolution du projet et nous préparer aux éventuelles violations de la loi de 1905 qui pouvaient surgir, que ce soit par les soutiens officiels apportés ou par les financements publics

Nous avons constaté que la préparation de la venue du Pape à Marseille et de sa messe au stade Vélodrome ont été le fruit de collaborations entre l’Eglise, les Elus et l’État.

 Le projet d’inviter le Pape en France et particulièrement à Marseille n’est pas récent.

En avril 2021 déjà l’Archevêque Jean-Marc Aveline avec le soutien enthousiaste de responsables de la région Paca, du Conseil Départemental et de la mairie de Marseille (Payan), avait rencontré le Pape et échangé sur « Sur le sens que pourrait revêtir une étape à “Marseille dans le long pèlerinage méditerranéen du pape ». La même année, Emmanuel Macron avait lui aussi une entrevue avec le Pape, qui restait sans suite. Nous étions à 5 mois des élections présidentielles et le Vatican ne souhaitait pas être instrumentalisé.

 C’est à Florence en 2022 que le projet va prendre corps.

En février se tiennent dans cette ville des rencontres entre les Evêques et les Maires de la Méditerranée, dont le but est de travailler à l’extension de l’influence de l’Église en méditerranée et en Afrique. Le Pape y est attendu. Benoît Payan maire de Marseille y participe, et va signer avec les Evêques et les Maires une Charte dite « Charte de Florence ». Cette charte, l’Eglise elle-même la définit comme « Une déclaration commune qui permet de renforcer la collaboration entre l’Église et le pouvoir civil. ». Avec l’Archevêque Aveline, acteur de premier plan de ces rencontres de Florence, ils vont tous deux en préparer la suite, qu’ils veulent organiser à Marseille. Ils ne pourront pas être reçus comme c’était prévu par le Pape qui est absent, mais l’objectif des rencontres est né, et il est approuvé par l’Episcopat italien. Il ne reste plus qu’à convaincre le Pape d’y participer.

Après ce rendez-vous raté, l’Archevêque va utiliser tous les canaux pour parvenir à ses fins. Il demande notamment à Benoît Payan, qui s’exécute, d’écrire une lettre manuscrite au Pape pour lui demander de venir à Marseille. Le Maire s’en vantera plus tard.

Le jour de sa nomination comme Cardinal, en août 2022, Jean-Marc Aveline est entouré de nombreux fans parmi lesquels des Elus dont celui dont il dit qu’il travaille tous deux en collaboration. Vous l’aurez compris, il s’agit du Maire de Marseille. Il a une nouvelle entrevue avec le pape qui semble le satisfaire.

Gérald Darmanin présent ce jour-là à l’ambassade de France pour la réception donnée en l’honneur du nouveau Cardinal, va l’assurer du soutien de l’État.

Fin octobre 2022, Emmanuel Macron rencontre le Pape pour la 3ème fois. Mais selon le journal la Croix, au sein du Vatican, on pense que le Pape ne se déplacera pas sans avoir reçu d’assurance sur la question de la fin de vie.

Qu’à -t-il bien pu se passer ? Toujours est-il que 7 semaines plus tard Jean-Marc Aveline reçoit l’accord du Vatican.

La nouvelle officielle est relayée par le diocèse le 20 janvier 2023. La date du 23 sera connue un peu plus tard en même temps que la volonté du Pape de ne pas faire un voyage d’État.

Marseille, le stade vélodrome.

C’est alors que Benoît Payan répand sa liesse sur les réseaux sociaux. C’est chose faite !.  Le pape François célébrera la messe au cœur du Stade Vélodrome (…). “C’est un honneur pour notre ville d’accueillir le Pape pour les rencontres méditerranéennes“.

Ici, je voudrais prendre un petit temps pour parler de ces rencontres qui vont débuter aujourd’hui et se termineront le 24. Pendant ces 8 jours, 70 Évêques et 70 Jeunes de la Méditerranée vont poursuivre les réflexions entamées à Florence en 2022. Parallèlement des conférences, processions, spectacles, repas solidaires, bals, expositions, rencontres des Evêques avec la population dans divers endroits du diocèse, vont avoir lieu, organisés par l’Eglise et différentes associations.

Pour ce qui est des objectifs des rencontres, comme prévu en 2022, elles sont annoncées sur le site « MED 23 » comme la poursuite de ce qui a été signé à Florence.  Marseille est décrite comme ville-laboratoire et ville-message, (…) qui « comme Eglise et comme ville veut servir le genre humain dans cette région ( …) ».

Pour rappel la Charte (que je vous invite à aller lire), débute sur un constat : (…) la Méditerranée (…) peut à nouveau jouer un rôle crucial dans la paix et le développement des nations grâce à la coopération entre ses villes et ses communautés religieuses ; et par conséquent le nécessaire « renforcement et la promotion du rôle des villes et du dialogue entre ses communautés civiques et religieuses.

 L’ensemble des articles reprend cet appel à la collaboration avec les religions, sous une forme ou une autre, sur tous les aspects de la vie sociale. C’est dans ce projet destructeur de la laïcité, de rétablissement du pouvoir des dogmes sur les collectivités locales, que s’inscrit le voyage du Pape.

La préparation des rencontres et de la messe du pape

 Durant la phase de préparation, le cardinal Aveline va travailler à étendre la collaboration entre Élus et Église au travers de réunions où il est invité telle celle avec des Sénateurs du groupe Amitiés France Vatican ou lors de diners d’élus au restaurant Notre-Dame-de-la-Garde qu’il organise.

Nous savons d’ailleurs à présent et alors que rien n’était annoncé en ce sens au départ, qu’à la séance de conclusion des travaux des Evêques qui se fera en présence du pape au palais du Pharo, des hommes politiques, des Elus seront présents. Et il en sera de même à la messe au stade Vélodrome.

Concernant les préparatifs matériels eux-mêmes

La messe au Stade Vélodrome, demande du Pape et du Cardinal s’avérait impossible en raison de la tenue de la Coupe du Monde de Rugby et des risques de détérioration de la pelouse par les installations pour la messe. Grâce à l’intervention de Benoît Payan et sa collaboration avec le ministère de l’Intérieur, celui des Sports, du Préfet, et les organisateurs de la Coupe du monde de Rugby, le stade a été acquis, moyennant une augmentation des assurances. Qui les paiera ? Cela n’est dit nulle part.

Concernant les financements publics mobilisés pour l’évènement, des délibérations de la métropole et du Conseil régional ont prévu des subventions.

Conseil métropole de Marseille

Celle de la métropole porte le titre « Approbation d’une convention de partenariat pour les Rencontres Méditerranéennes et la visite du Chef de l’État Vatican ».

Ce partenariat est passé avec une association loi 1901 nommé Mar Yam dont l’objet n’a rien de cultuel « promouvoir les relations méditerranéennes de tous ordres, qui peuvent être d’ordre social, culturel, éducatif et spirituel ; servir l’amitié et la paix entre les régions méditerranéennes “bien que son siège se trouve dans les locaux du Diocèse de Marseille, et dont le site est dédié aux Rencontres méditerranéennes. L’engagement de la Métropole représente 140 000 euros, qui comprend des volets, transports publics, propreté, mise à disposition du siège de la Métropole au Pharo, participation au plan de sécurité et communication.

 La Région PACA quant à elle déclare dans une délibération « souhaiter contribuer au succès des Rencontres Méditerranéennes qui se tiendront à Marseille du 17 au 24 septembre 2023, à l’occasion de la venue historique du Pape François et vote une enveloppe de 200 000 € pour soutenir les associations qui organiseront les Rencontres.

40 000 € seront versés à l’Institut catholique de la Méditerranée pour son projet « Maison de la sagesse- Fabrique de la Confiance » qui débutera à Marseille à l’occasion des Rencontres Méditerranéennes du 18 au 23 septembre 2023.

En complément des Rencontres méditerranéennes, « la Région souhaite pleinement contribuer au succès des Rencontres Méditerranéennes qui se tiendront à Marseille du 17 au 24 septembre 2023, à l’occasion de la venue historique du Pape François à Marseille, la dernière visite d’un souverain pontife à Marseille remontant à 1533 ».

La Région-Sud organisera une manifestation « Méditerranée du futur » et prévoit de financer hébergement et restauration pour 100 jeunes (20 intervenants et 60 invités) (sic) venus de pays de la Méditerranée. Il y a fort à parier que parmi ces jeunes se trouveront certains participants aux rencontres méditerranéennes.

Nous verrons cela par la suite.

Il est aussi question d’assurer la promotion du nouveau parcours de randonnée « Sur les pas de Marie-Madeleine ». Nous resterons attentifs à ce qu’aucun financement ne soit versés pour cette activité

Au final, ces décisions, même si elles apportent un soutien aux rencontres et à la venue du Pape ne versent rien, du moins en apparence, aux activités cultuelles directes, ce qui les rend pour l’instant inattaquables.

Mairie de Marseille

Concernant les soutiens financiers de la Mairie, le maire déclare qu’il va facturer au diocèse la location du Vélodrome et du Palais du Pharo. Mais il ne dit pas à quel prix !

La messe sera retransmise sur le Prado au moyen de 5 écrans géants. Qui va payer ?

La Ville a prévu de faire construire deux trônes pour le Pape, à la demande du diocèse, et cherche à les faire financer par la municipalité, sous prétexte qu’ensuite ils resteraient la propriété de la mairie pour être exposer ! On nage en plein délire…Mais ces délires ne sauraient avoir un coût pour les citoyens.

Enfin, le séjour et les déplacements du Pape vont nécessiter des moyens colossaux de sécurité*, en hommes et en matériel. Rien que pour le trajet en Papamobile sur le Prado il faudra la pose de pas moins de 2 000 barrières pour sécuriser le parcours. Le Maire de Marseille dit qu’il est obligé d’assurer la sécurité. Certes, mais certainement pas de payer. Le pape ne vient pas contrairement à Emmanuel Macron comme chef d’État. Il l’a dit.

Et puisque nous en sommes au chef de l’État, nous savons maintenant que la Première ministre accueillera le chef religieux des catholiques, à sa descente d’avion ; qu’Emmanuel Macron le rencontrera pour deux entretiens dont le caractère privé n’est pas très clair ; qu’il participera comme le Pape, à la séance conclusive des travaux des évêques au palais du Pharo sans y prendre la parole ; mais tout est possible.

Qu’il participera à la messe du pape en tant que chef d’État. De même, que ses ministres y seront présents.

Quels seront les conséquences financières de ces décisions ? Combien coûte le déplacement d’un ministre et d’un Chef d’État en transport, sécurité et hébergement, tout confondu ? Quel est le coût d’un trajet en Falcon ? L’épouse du Président qui sera présente va-t-elle payer sa part ?

Pour conclure. On a assisté ces derniers jours, avec la modification du calendrier relatif à la fin de vie, avec les déclarations et arguments de l’Élysée fournis pour justifier de la présence du Chef de l’État à la messe, à un cran supplémentaire, une accélération dans l’opération de destruction de la séparation des cultes et de l’État.

Mais c’est bien l’objectif fixé par les rencontres méditerranéennes…

Nous avions raison de nous inquiéter et cela justifie tout à fait notre présence et la vôtre ici aujourd’hui.

*Dernières minutes : Nous apprenons que 5 000 policiers et 1 000 agents privés seront mobilisés pendant les deux jours de présences du Pape. Une sécurité Air-mer est prévue.

Exposé de Christian Eyschen

Chers camarades, bonjour,

Je voudrais tout d’abord remercier la Fédération de la Libre Pensée des Bouches-du-Rhône de m’avoir invité et en retour, c’est la tradition, je vous apporte le salut fraternel de la Fédération Nationale de la Libre Pensée.

Je voudrais aussi saluer tous les camarades des Fédérations voisines qui m’ont fait le plaisir de venir, ainsi que les représentants des associations amies laïques et autres ici présents.

Tout d’abord, quelle est la position de la Libre Pensée sur la question de sa définition de la laïcité ?

Pour nous les choses sont assez simples. Il y a deux sphères : une sphère publique, une sphère privée. La sphère publique c’est la sphère de l’administration, des institutions, de tous ceux qui représentent plus ou moins l’intérêt général. La sphère privée c’est tout le reste.

De bonnes âmes, lorsque l’on dit cela, compliquent le problème en disant qu’il y aurait une troisième sphère qui serait la sphère du collectif. Mais le collectif existe dans la sphère publique comme dans la sphère privée.

Par exemple, une décision récente du Conseil d’État assez intéressante à propos de la laïcité dans le sport, dit que « tous les membres des équipes nationales qui représentent la France, ont une obligation de réserve et doivent respecter la laïcité comme le font les fonctionnaires ».

Il n’y a qu’une seule conclusion à en tirer, une revendication à déposer : si les footballeurs professionnels de l’Équipe de France sont des fonctionnaires, les fonctionnaires sont en droit de demander à être payés comme les footballeurs professionnels ! Sinon c’est une remise en cause du principe d’égalité !

Dans la sphère publique, on doit respecter une stricte neutralité et une stricte laïcité. En dehors de cette sphère des institutions et de l’administration, chacun doit être libre de pouvoir faire, de penser et d’exprimer ce qu’il veut. Donc, nous nous ne commençons pas à dire qu’il faut limiter la liberté d’expression.

Vous prenez par exemple ce mélange des genres auquel on est en train d’assister. Vous avez le débat sur l’abaya dans les établissements scolaires. Vous avez la loi « Séparatisme » du 24 aout 2021. Normalement la Séparation des Églises et de l’État, comme l’a dit Victor Hugo, c’est l’État chez lui, l’Église chez elle. Ce n’est pas l’État partout. L’une des dispositions de la loi « Séparatisme », c’est que ce sont les Préfets, les sous-Préfets, qui vont donner leur agrément aux associations cultuelles. Associations cultuelles qui sont en charge de gérer les rites religieux des différents cultes, récemment constituées ou celles constituées depuis 1905. Il est donc prévu que l’Administration contrôle toutes les associations cultuelles du pays. Ils vont contrôler l’association cultuelle qui gère Notre-Dame. Et le Préfet de Paris dira si c’est cultuel, si c’est religieux ou pas.

La première question qui se trouve posée est : quelle compétence à le Préfet pour décider qu’une association est religieuse ou non ? A-t-il eu dans son cursus professionnel, l’option « Théologie » ?

Les grands principes démocratiques de la Troisième République, fondés par la loi de 1884 sur la Liberté syndicale, par la loi de 1901 sur la liberté d’association et la loi de 1905 sur les associations cultuelles, laissent le choix à ceux qui créent ces associations de leur mode de fonctionnement, avec qui, selon quelles règles et quels statuts ils fonctionnent.

Depuis la loi « Séparatisme » du 24 août 2021, c’est le Préfet qui vous dit ce que vous devez faire ou ne pas faire. Ce qui est autorisé ou pas autorisé.

Ce n’est plus la Séparation des Églises et l’État, ce n’est même plus le Concordat, qui est un accord entre les Églises et l’État, c’est le contrôle des cultes directement par l’État. Avec une tendance, bien évidemment, à cibler un public particulier que sont les musulmans pour les forcer à se séculariser.

Cette conception vous la voyez éclater aujourd’hui en plein jour avec le problème de l’abaya. Ce sont le Ministre, le gouvernement et les directeurs d’établissements qui disent « ceci est un vêtement religieux, ceci n’est pas un vêtement religieux ». Inévitablement on a vu les premiers effets : il y en a quelques-uns qui se trompent !

Tout le monde dit dans la sphère musulmane, des plus modérés aux plus radicaux, que ce n’est pas un vêtement religieux. Le gouvernement lui décide que c’est un vêtement religieux et décide d’en interdire le port. Comment voulez-vous que ce ne soit pas ressenti comme quelque chose de discriminatoire ?

C’est donc un mélange des genres problématique, car c’est l’État qui décide de tous. Voilà ce qu’est la loi « Séparatisme ». C’est ce que l’on appelle le Contrat d’engagement républicain.

Chose jamais vue : la loi « Séparatisme » introduit trois critères à imposer aux associations, le décret d’application, lui, en introduit sept ! Or nous sommes dans un pays de droit romain où normalement il y a une hiérarchie des textes : la loi, le décret, la circulaire. Là on assiste à quelque chose d’extraordinaire : le décret est plus restrictif que la loi. Pourquoi ? Parce que le décret, c’est le gouvernement ! C’est lui qui décide et qui contrôle.

Dans les sept items du décret, il y a bien évidemment l’obligation de respecter le drapeau tricolore, de respecter la Marseillaise et d’admirer la formule républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.

Si on avait fait cette loi « Séparatisme » en 1934, Jean Zay aurait été conduit au Tribunal, lui qui a fait un poème célèbre qui s’appelle « Le drapeau » : « Sa place est dans le fumier et c’est un torche-cul ».

On n’a plus le droit dans ce pays de critiquer le drapeau tricolore ! Moi, le drapeau tricolore et la Marseillaise, je les conchie. Ce sont des symboles qui ont permis l’arrestation de mon arrière-grand-père qui était communard, qui a fait cinq ans au bagne de l’Ile-de-Ré, conduit par les soldats de Thiers au son de la Marseillaise et derrière le drapeau tricolore ! Je ne reconnais pas le drapeau tricolore, je ne reconnais pas la Marseillaise ! Moi mon drapeau est noir, rouge, rouge et noir et mon chant, c’est l’Internationale.

Aujourd’hui, parce que je pense cela je suis interdit de demander une salle municipale, interdit de demander une subvention publique. Parce que je ne respecte pas l’un des critères du Contrat d’engagement républicain et de la loi « Séparatisme ».

C’est une remise en cause de la liberté fondamentale de la liberté de penser, de la liberté d’association. Un anarchiste ne peut plus demander une salle, ne peut plus demander une subvention.

Ce qui a fait la grandeur de la République c’est d’admettre la liberté pour ceux qui ne sont pas d’accord avec elle et donc de permettre par exemple aux royalistes de créer des associations, de se réunir et de s’exprimer.

Avec la loi du 24 août 2021, ce n’est plus possible. Alors il est clair que ce ne sera pas tellement les royalistes qui vont être réprimés, ne serait-ce que parce que Darmanin a été membre de l’Action française et saura donc protéger les siens !

Mais du point de vue de la conception philosophique et du point de vue de la conception démocratique, aujourd’hui nous ne sommes plus dans un pays de liberté.

Je reprenais les trois lois de 1884, 1901 et 1905. Les organisations dont nous avons fait partie ont fait plusieurs recours au Conseil d’État et au Conseil Constitutionnel et il y a des recours en cours auprès de la Cour Européenne de Justice. L’un des pièges que nous avions tendus, notamment avec les organisations syndicales, qui ont déposé un recours contre la loi « Séparatisme », était de faire en sorte que le Conseil d’État rejette la demande des syndicats en disant : « cela ne vous concerne pas ». Si, ipso facto, le Conseil d’État avait dit « on rejette la demande, car la loi ne s’applique pas à vous » cela voulait dire que les syndicats se dégageaient de cette loi « Séparatisme ». Or, le Conseil d’État a accepté la requête !

Ce vers quoi on va aujourd’hui c’est une fusion totale des lois de 1884, de 1901 et de 1905. Il n’y aura à terme plus qu’un seul type d’association qui sera contrôlé et dirigé par l’État.

Claudette Coudeville a parlé des subventions. J’ai lu l’interview du Maire et la question des fonds publics et de qui va payer. Il y a des gens qui lisent trop vite et qui pensent trop peu. Notamment le Maire de Marseille. Il explique qu’il faut financer deux trônes pontificaux avec l’argent public, parce que c’est un événement historique, quand le Pape dit lui-même que ce n’est pas un voyage politique, pas un voyage diplomatique, pas un voyage d’État à État, mais que c’est un voyage religieux, cela pose plein de problèmes.

Pourquoi payer deux trônes pontificaux ? Peut-être que le Maire de Marseille n’a pas compris ce que voulait dire « Saint-Siège » ? Le Saint- Siège est un État, pas un trône !

Autre problème derrière cette subvention qui, bien évidemment, est déguisée comme l’a très bien expliqué Claudette. Il y a un problème de fond qu’il faut poser et que nous posons : est-ce que l’Archevêché de Marseille, est-ce que le Vatican, pour percevoir ces subvention et toutes les aides publiques, ont signé un Contrat d’Engagement Républicain ?

Puisque maintenant avec la loi « Séparatisme », pour toucher n’importe quelle subvention ou aide il faut signer un Contrat d’Engagement Républicain.

Est-ce que ces structures ont signé un contrat qui selon le gouvernement, selon la loi, selon Macron, selon le Saint-Esprit a pour but de défendre les valeurs de la République ? Cela voudrait dire que le Vatican a des valeurs identiques à la République. Examinons donc les valeurs du Vatican.

Au moment de la loi de Séparation des Églises et de l’État, le Vatican se prononce contre et il produit une Encyclique en 1906 qui s’appelle Vehementer Nos. Voilà ce que dit le Pape – et cela n’a jamais été démenti – : « Qu’il faille séparer l’État de l’Église est une thèse absolument fausse. Une très pernicieuse erreur basée, en effet, sur ce principe que l’État ne doit reconnaitre aucun culte religieux. Elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’Homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient. Nous lui devons donc non seulement un culte privé, mais un culte public, social pour l’honorer. L’Écriture nous enseigne que l’Église est le corps mystique du Christ, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoir pour gouverner, pour enseigner et pour juger. Il en résulte que cette Église est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles ; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société. »

La conception du Vatican est claire : il y a l’Église et il y a les gueux que l’on appelle le troupeau et qui doit obéir. Est-ce qu’une structure qui dit cela, et le maintien, peut bénéficier des fonds publics ? Est-ce qu’ils ont signé le Contrat d’Engagement Républicain ?

Cela pose une sérieuse question. On l’exige de beaucoup de gens, on dissout 33 associations au nom de la loi « Séparatisme » et l’on accepte de subventionner le Vatican !

Il est très important de comprendre aussi que, selon le Pape, ce n’est pas un voyage d’État. « Je ne vais pas en France, je vais à Marseille ». Cela laisse rêveur ! C’est un voyage religieux et c’est le Pape qui le dit. A partir de ce moment-là la protestation des gens contre le fait que la Première Ministre accueille et reçoive le Pape, qu’Emmanuel Macron s’entretienne avec le Pape, qu’il participe à la Messe du Pape, est tout à fait justifiée.

Il n’y a même pas l’habillage « c’est le chef d’État du Saint-Siège ». Il vient comme chef de la religion catholique. Or, c’est très clair, il y a eu une séparation en 1905 : La République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Là, Emmanuel Macron reconnaît, subventionne et salarie l’Église catholique ! C’est évidemment une violation de la laïcité.

Il y a là une provocation éhontée, digne du personnage de Macron, de faire cela quinze jours après le cirque sur l’abaya. C’est pire que Zemmour ou Le Pen. C’est clairement dire que les musulmans ne sont pas français ! C’est du racisme d’État.

La loi « Séparatisme » a pour but, parait-il, de « protéger et conforter les principes de la République ».
Quand vous demandez « quels sont les valeurs de la République ? », on vous dit « C’est une bonne chose, citoyen ! ». Et je fais en cela référence à un poème de 1956 d’un oppositionnel en Pologne, qui répond à la question « Qu’est-ce que le socialisme ? ». Il dit : « le socialisme ce n’est pas la police politique, ce n’est pas le parti unique, ce n’est pas le KGB, ce n’est pas les camps, etc.. Qu’est-ce que le socialisme ? C’est une bonne chose, camarades ! ».

Quelles sont ces valeurs de la République?

Liberté, Égalité, Fraternité sont peut-être des valeurs, mais en aucun cas des principes qui sont mis en œuvre juridiquement. Il ne faut pas confondre les valeurs et les principes. Par définition, les valeurs ont leur applique la définition théologique du Saint-Esprit : le noyau est partout, la circonférence nulle part et l’esprit souffle où il veut. Les valeurs, c’est pareil !

Les principes c’est autre chose. Ce sont des principes juridiques, politiques. C’est l’égalité des citoyens devant la loi. C’est la non-discrimination. C’est toute une série de choses. Mais ce n’est pas une loi qui conforte les principes, c’est une loi qui conforte les valeurs. Valeurs que l’on ne peut pas définir. Cela pose un certain nombre de questions.

Si le Vatican peut se dispenser, comme l’archevêché de Marseille, de signer le Contrat d’Engagement Républicain, c’est qu’ils partagent les mêmes valeurs, les mêmes engagements que le gouvernement de Macron. C’est à ce moment-là qu’Edouard Philippe parle de faire un Concordat avec l’Islam. Tout cela ne vient pas par hasard.

Pour l’instant, la Libre Pensée ne s’est pas exprimée. Elle le fera certainement à partir d’aujourd’hui en diffusant ce que je vous dis là.

Si une personne qui a été Premier ministre est capable de dire une telle absurdité, cela nous explique pourquoi un autre bas-du-Front comme Darmanin est qualifié de présidentiable !

Un Concordat est un accord diplomatique signé entre deux États. Il y en a un pour nous avec un pseudo-État, le Saint-Siège. Il n’y a pas de Concordat signé avec le Vatican, mais avec le Saint-Siège, représentation diplomatique du Vatican. Dans les instances internationales, le Vatican ne siège pas, c’est le Saint-Siège qui siège.

Un Concordat est donc un accord diplomatique entre deux États qui accorde des privilèges à la religion catholique. Bonaparte a fait cela en 1801. Il a ensuite, en bidouillant, étendu les dispositions du Concordat aux deux cultes protestants, puis après au culte israélite. Mais pour faire cela, il fallait qu’il y ait un Concordat signé pour l’Église catholique.

Comment voulez-vous faire un Concordat avec l’Islam ? Avec quel État, la France va signer un Concordat sur l’Islam ? Avec un État arabe ? Il faudrait d’abord déterminer lequel, ou lesquels, car ils sont nombreux à se disputer le titre de Commandeur des croyants.

Edouard Philippe et Emmanuel Macron avaient fait des déclarations tonitruantes pour dire qu’ils étaient contre l’Islam consulaire, c’est-à-dire l’Islam des États. Grosso-modo, les trois structurations de l’Islam en France sont le produit de l’Algérie, du Maroc et de la Turquie. E.Macron et E. Philippe ont dit qu’il fallait en finir avec l’Islam consulaire.

Donc en toute logique, un Concordat ne pourrait pas être signé avec un État. Avec quel « Vatican » islamique veulent-ils signer un Concordat ? C’est se moquer du monde !

C’est pour cela, que pour l’instant, nous n’avons pas participé à dénoncer l’opération d’E. Philippe, parce qu’il ne fait que pour une seule raison : faire faire du buzz et de la concurrence à l’Extrême-droite et pour encore une fois dénoncer les musulmans. On n’est pas obligé de participer à sa communication. Cela part tout de même d’une idée raciste par excellence : toutes les religions peuvent s’organiser par elles-mêmes, sauf les musulmans !

L’idée de tous les « Bonaparte » est de dire qu’il faut que le culte musulman s’organise. Comme il ne s’organise pas, on va le faire à sa place. Le problème de fond, c’est que cela ne marchera jamais, car il n’y a pas UN culte musulman, mais DES cultes musulmans. Et ils ne sont pas près de se mettre d’accord !

Sur les valeurs communes entre Macron et le Vatican, il y en aurait peut-être une, puisque l’on parle de Concordat. En 1801, quand Bonaparte prépare le Concordat, il explique pourquoi : « Comment avoir de l’ordre dans un État sans religion ? La société ne peut exister dans une État sans une religion. La société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans la religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge il lui est impossible d’accéder à cette différence s’il n’y a pas là une autorité qui lui dit « Dieu le veut ainsi. Il faut qu’il y ait des pauvres et des riches dans le monde. Mais ensuite et pendant l’éternité le partage sera fait autrement. ». » Et Bonaparte conclut ainsi : « C’est en me faisant catholique que j’ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établit en Egypte, en me faisant Ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le Temple de Salomon ».

D’un certain point de vue, c’est ce que fait Macron avec l’Église catholique.

Il y a des choses historiques intéressantes et peu connues sur le Concordat. En 1791, la Révolution va décréter la Constitution civile du clergé. Erreur monumentale des révolutionnaires qui consiste à substituer la formule « Un roi, une foi » par « Une loi, une foi ». Cela va donner les guerres de Vendée, la fracture du clergé entre jureurs et non-jureurs, et le Vatican va développer toute une théorie en disant des évêques et des archevêques qui prêtent un serment civil, cela est attentatoire à leur liberté, à leur dignité et à leur conscience et va appeler à ne pas jurer.

1801, le Concordat se met en place. La religion catholique est reconnue comme la religion de la majorité des français. Un Concordat, ce sont des droits et des devoirs des deux côtés, c’est un contrat. Et voilà d’un seul coup le serment que prêtent tous les évêques et tous les archevêques comme l’indique l’Article 6 du Concordat : « Les évêques, avant d’entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du Premier Consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants : “ Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la Constitution de la République française. Je promets aussi de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le ferai savoir au Gouvernement”». Des délateurs !

Il faut bien comprendre que ce qui peut lier Macron au Vatican, c’est cette conception de la société inégale entre le troupeau et les bergers. L’État et le Capital sont intéressés d’avoir à faire à une religion qui dit « tu ne dois pas te révolter contre l’oppression ». Pourquoi le Vatican a-t-il toujours été instrumentalisé par toutes les formes de dictatures et de gouvernements ? C’est qu’il a à sa disposition une Doctrine sociale qui est fondée par saint-Paul et qui dit : « L’esclave doit obéir au maître comme la femme doit obéir au mari. Il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu ou qui soit librement consentie par Dieu. En conséquence quelqu’un qui se révolte contre l’état actuel de la société, contredit à la volonté divine ».

Quand vous êtes un dictateur, ou un apprenti dictateur, ce genre de chose ne peut que vous intéresser.

Dernière chose, parce que c’est aussi d’actualité : nous manifesterons tous le 23 septembre dans les marches. 100 marches à peu près sont recensées dans tout le pays. Ces marches sont historiques, car c’est la première fois qu’une telle convergence va s’opérer entre les syndicats, les associations, les partis politiques, les comités de quartiers, les collectifs pour que justice soit rendue aux victimes des assassinats commis par les policiers.

Comme je l’expliquai à des camarades, je suis Secrétaire général de la Libre Pensée depuis 1992. J’ai assisté à toutes les réunions unitaires qui existent depuis l’époque, jamais il n’y a eu cette fusion qui est possible et qui commence à se réaliser. C’est extrêmement important.

En 1998, du 4 au 8 mai s’est tenu un symposium au Tribunal de Grande Instance de Paris sous la présidence de Jean-Pierre Dintilhac, qui était Procureur du TGI, c’est à dire la plus haute autorité juridique en France. Le titre de ce symposium était « Police et Humanisme ». La Police, on connait, son humanisme, beaucoup moins.

JP Dintilhac dit ceci : « A l’ instant, Monseigneur Dalloz (en charge du suivi spirituel des policiers) nous interrogeait sur la question de savoir si l’on pouvait être à la fois policier et chrétien. C’est à cette question que je souhaite tout d’abord répondre pour affirmer que de mon point de vue non seulement on peut être tout à la fois chrétien et policier, mais que tout chrétien doit être, d’une certaine manière, policier. »

La Doctrine de l’Église, c’est le soutien à l’exploitation et à l’oppression. Si vous remettez en cause le soutien à l’exploitation et à l’oppression, on doit vous dénoncer et vous réprimer. C’est peut-être cela l’accord qu’il y a entre Macron et le Pape François.

J’ai parlé d’Histoire. Dans le programme du Conseil National de la Résistance, il y avait notamment deux points très actuels encore :

  • « Rendre la parole au peuple (par la Constituante)
  • Rétablir les liberté républicaines dans un Etat où la Justice sociale ne sera pas exclue »

C’est cela qui doit nous motiver pour continuer. Notamment dans les marches du 23 septembre. Il faut se mobiliser pour en faire des succès.

Je vous remercie.

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Réponses aux questions de la salle

1°)- Cela peut sembler subtile, mais pour moi Liberté-Égalité-Fraternité est une devise. Cherchez à la définir. Chacun aura sa propre définition de ce que cela signifie.

Je prends le problème de la liberté. Les ouvriers sont menacés de licenciement, ils occupent leur entreprise, ils mettent dehors le patron. Ils considèrent eux que leur liberté c’est de défendre leur droit au travail, leur outil et leur lieu de travail. C’est leur liberté. Le patron va considérer que c’est une violation de sa propriété et que c’est une atteinte à sa liberté de propriétaire. Selon qui vous êtes, selon l’endroit où vous êtes, vous ne donnerez pas aux mots Liberté, Egalité et Fraternité la même signification.

Cela a été plus ou moins traduit dans des principes juridiques. C’est pour cela que j’aurai peut-être dû dire « principes juridiques » plutôt que simplement principes.

La Liberté est-ce qu’elle est réellement codifiée juridiquement ? En théorie oui. Sauf que la principale des libertés est la liberté de conscience, suivie de la liberté d’expression et de la liberté d’organisation. Une liberté de conscience sans une liberté d’expression et sans une liberté d’association, cela n’existe pas. Aujourd’hui, au nom des valeurs, ces libertés-là sont remises en cause par la loi « Séparatisme ».

La Fraternité. Il y a eu dernièrement une avancée très importante. C’est une décision d’un tribunal qui au nom du principe de fraternité a relaxé les gens qui avaient aidé à faire passer des migrants. C’est une grande première ! Mais nous en sommes qu’au début. Ce n’est pas encore un principe juridique.

L’Égalité. On peut avoir une égalité en droits en tant que citoyen. Y-a-t ’il une égalité en droit quand il n’y a pas d’égalité en droits sur le terrain économique ? Le patron n’est pas l’égal de l’ouvrier. Dans le Droit du travail, si au bout du compte le patron décide de licencier un syndicaliste protégé, il le fera. Cela lui coutera de l’argent, du temps, mais au bout du compte le syndicaliste sera licencié. Parce que le principe est que l’entreprise appartient au patron et il fait ce qu’il veut chez lui. Bien évidemment les conquêtes syndicales et ouvrières ont limité cela, mais sur le fond, ce n’est pas réalisé.

Ce sont plus des valeurs en devenir que des principes inscrits.

C’est quelque chose à creuser, car si vous avez un conflit juridique sur Liberté, Égalité, Fraternité, à mon avis le tribunal ne jugera pas et ne tranchera pas. Par contre il y a des principes dans les Codes et dans les lois sur lesquels on peut s’appuyer. Par exemple : en cas de discrimination salariale entre salariés il y a la possibilité d’agir.

Vous ne pouvez pas imposer des valeurs. Vous pouvez imposer des principes. Si vous imposez des valeurs vous entrez dans ce que l’on appelle l’idéologie d’État. Et toute idéologie d’État et une idéologie totalitaire.

On a coutume de dire ça à la Libre Pensée : l’État s’arrête où commence la conscience. Un État qui dit « tu dois croire cela » ou « tu ne dois pas croire cela », est un État totalitaire.

Avec la loi « Séparatisme », nous sommes rentrés dans un processus totalitaire puisque c’est l’État qui dit « vous devez croire aux valeurs que l’on vous impose » sans qu’on nous les définisse.

2°)- Un ajout à ce que j’ai dit tout à l’heure : Je vous invite à lire attentivement la Charte de Florence, parce ce que ce qui est important se sont les formules :

« • convaincus par conséquent que le renforcement et la promotion du rôle des villes et du dialogue entre ses communautés civiques et religieuses offrent une contribution essentielle à ces défis ; » Le renforcement et le rôle des villes. C’est à chaque fois souligné comme ça.

« • l’opportunité de promouvoir une véritable transformation sociétale visant à instaurer une culture de durabilité sociale, notamment par le biais de nouvelles formes de coopération entre les décideurs politiques, les scientifiques, les leaders spirituels et culturels et les chefs d’entreprise ; »

« Les Évêques Catholiques et Maires des Villes méditerranéennes, réunis à Florence, appellent :
les Gouvernements de tous les pays méditerranéens à établir une consultation régulière avec les Maires, avec tous les représentants pertinents des communautés religieuses, des autorités locales […]
• les Gouvernements, les Maires et les Représentants des communautés religieuses à promouvoir le Pacte mondial pour l’éducation […]
• les Gouvernements, les Maires et les Représentants des communautés religieuses […] »

Charte de Florence : la Ville de Marseille s’engage pour la coopération entre villes méditerranéennes

Dans la Charte de Florence, il y a une stricte égalité entre les communautés religieuses, ou d’autres types, et les institutions publiques. Or, l’ingérence, la fusion du religieux dans les institutions cela porte un nom : le cléricalisme. C’est ce pourquoi on a fait la loi de Séparation de 1905 : pour qu’il n’y ait pas d’ingérence et de fusion.

Et vous voyez bien qu’il y a bien une fusion si vous reprenez ce qu’a écrit La Croix : Le voyage du Pape François devait être fait en 2020/2021. Emmanuel Macron s’y est opposé au titre de « s’il vient il va parler des migrants. S’il parle des migrants, cela va faire de la gite et cela va profiter à Le Pen. » Donc pas de visite du Pape en 2021 ! Et actuellement, ce qui est rapporté, c’est que le projet de loi sur l’Aide active à mourir est reporté après la visite du Pape pour ne pas l’ennuyer avec cela !

Cela veut dire que vous n’avez plus de Séparation. C’est le même calendrier. Le calendrier religieux est calqué sur le calendrier politique et le calendrier politique est calqué sur le calendrier religieux.

On se trouve donc dans une dynamique qui pose un certain nombre de problèmes. … De ce point de vue là vous êtes obligés de constater, d’abord, une volonté de destruction des Etats-Nations, et la Charte de Florence est un moment de cela à un endroit précis. La volonté papiste est clairement énoncée : la Méditerranée doit devenir une région institutionnalisée.

3°)- Je réfléchis beaucoup en ce moment, parce que c’est un chiffre qui m’interpelle : le Produit intérieur brut mondial, c’est-à-dire la totalité de ce qui est produit en biens, services, valeurs, salaires, représente 2.5 % de la masse financière mondiale qui circule dans les transactions financières. Vous vous rendez compte ? La réalité de la production c’est 2.5 % de la masse financière qui circule dans le monde !

Quelles en sont les conséquences, par exemple, sur l’École et l’Enseignement ? On a dit souvent que le Patronat avait besoin d ‘une main d’œuvre qualifiée et que l’Ecole servait à cela. Historiquement, c’est vrai. Cela partait d’un besoin. Il faut que l’école produise des ouvriers qualifiés. Il faut que le système s’appuie sur une masse de chômeurs comme une masse de pression sur les salaires. Il fallait que l’École s’adapte aux besoins du capital.

Aujourd’hui si la production n’est plus l’essentiel du système, les besoins du patronat ne correspondent plus à l’école telle qu’on la concevait, et que peut-être même eux la concevait. Aujourd’hui, ce dont ils ont besoin essentiellement c’est une minorité d’ouvriers extrêmement qualifiés pour la High-Tech, une masse de manœuvre en plus, mais il n’est plus besoin d’adapter l’École aux besoins du patronat comme lorsqu’il fallait un prolétariat de masse pour produire.

Comme je l’ai dit au Congrès national de la Libre Pensée en citant Gramsci : « Il y a un monde qui meurt. Il y a un monde qui nait. Et entre les deux apparaissent des monstres ». Aujourd’hui on voit bien qu’il y a des phénomènes concurrents, contradictoires. Nous ne sommes plus tout à fait dans l’ancien système, nous ne sommes pas encore dans le nouveau système, et il y a des choses aberrantes qui se passent.

Bien sûr qu’il faut toujours combattre contre le financement public de l’école privée. Bien sûr qu’il faut toujours se battre pour la défense de l’Ecole laïque mais en même temps est- ce qu’au bout du compte, à terme, cela ne va pas être la défense du principe de l’Institution scolaire elle-même qu’il va falloir défendre ?

4°)- Dans l’Église catholique va se tenir le synode. C’est une grande question le synode, car le débat à l’intérieur c’est : quoi faire pour sauver l’Église ? Comme il y a une chute vertigineuse des croyances. Comme depuis 1905, il y a une baisse tendancielle du taux de curés. Comme l’Église catholique, c’est le clergé et rien d’autre. C’est un appareil et rien d’autre. Le problème c’est que l’appareil est en crise et qu’il s’effondre.

Deux tendances se manifestent dans l’Église catholique :

  • Une tendance qui dit : revenons au Moyen-Âge.
  • D’autres qui disent qu’il faut se moderniser.

Les deux ont raison, mais surtout les deux ont tort. Si vous freinez des quatre fers pour ne pas changer les choses, vous accélérez la crise, et si vous voulez moderniser l’Église vous accélérez la crise. Pourquoi ? Parce que le seul moyen de moderniser l’Église catholique, c’est d’en faire une Église protestante. C’est-à-dire désacraliser le clergé. Tout le débat qu’il y a eu sur le Synode en Amazonie est : comment on va donner du pouvoir sacramentel aux diacres ? Mais le diacre n’est pas ordonné.

Il y a Dieu, il y a le croyant et au milieu il y a le clergé. Il n’y a pas de dialogue direct entre Dieu et le croyant. Si le croyant veut parler à Dieu il doit parler au clergé. Ce qui est l’inverse de toutes les autres religions. Dans toutes les autres religions le croyant s’adresse directement à Dieu et le Pasteur, l’Imam, le Rabbin, sont des conseilleurs, des sages. Ils n’ont pas la possibilité de remettre les péchés. Dans l’Église catholique si vous avez péché ? vous allez voir le curé et il faut tout lui raconter. C’est lui qui vous donnera la rédemption pas Dieu.

Si vous désacralisez le clergé se pose le problème : à quoi sert le clergé ?

Ils sont donc pris dans une contradiction absolue, intenable qui ne peut entrainer que leur disparition et leur dislocation. Le catholicisme devient le protestantisme. Cela a d’ailleurs énervé le Pape lors de la préparation synodale en Allemagne. L’Episcopat allemand est au bord de la scission. Le Pape a dit : si je vous écoute vous allez devenir protestants. Il y a déjà une Église protestante, inutile qu’il y en ait deux.

S’ils se protestantisent, s’ils ouvrent la prêtrise aux femmes, s’ils permettent aux diacres d’avoir des missions consacrées, il n’y a plus de clergé.

Autre solution : autoriser le mariage des prêtres pour espérer les garder. Mais dans les Eglises d’Orient, les prêtres se marient et il y a une crise de la même façon.

Il n’y a pas de solution. Le vrai problème de fond est que la religion est une chose archaïque qui est complétement balayé par la modernité et qui ne tient que parce qu’ils ont une Doctrine sociale qui leur permet de servir.

On en revient à la situation de fond : les crimes sexuels du clergé. Ce n’est pas la cause de la crise, mais cela l’accélère. Ils ont mis en place une commission interparlementaire Sénat-Assemblée Nationale, présidée par la démocrate-chrétienne Catherine Deroche. Elle, elle est à droite de Jésus-Christ, ce qui fait qu’elle n’est pas franchement de gauche, mais bien à droite.

Comme ils voyaient que cela allait sentir mauvais, ils voulaient prouver à toute force que les crimes sexuels et les problèmes de pédophilie il y en avait aussi dans les autres religions. Le rapport de Catherine Deroche est une merveille : elle n’a rien trouvé chez les Protestants, rien chez les Juifs et a fini par trouver 3 cas chez les Musulmans. Elle a dit « dans l’Église catholique ? il n’y a pas de problèmes particuliers ». Trois mois plus tard le rapport de la CIASE dit « 330 000 enfants abusés » ! C’est pourquoi cette année, on lui a remis un Prix Cléricalis de la Libre Pensée.

L’Église ne pourra pas se remettre des crimes du clergé  !

Nous, on a chiffré les biens du clergé. Lors de l’émission Complément d’Enquête il y a eu ¼ d’heure de débats et le journaliste, en qui nous n’avions pas très confiance, a été parfait en demandant au responsable financier de la Conférence des Evêques de France s’il contestait les chiffres de la Libre Pensée. Il a répondu que non. Attention : quand on a chiffré à 8 milliards, c’est hors congrégations et Fondations religieuses! Donc, ils ont de l’argent pour dédommager les victimes.

Pour une indemnisation des victimes à auteur de ce qui est attribué par les tribunaux civils pour des faits similaires, ils devraient verser 2 à 3 milliards. Ils ont budgété 20 millions.

L’Episcopat nord-américain est sur la paille parce qu’ils ont été condamnés par des tribunaux. Les affaires de crimes sexuels ont débuté aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que la diplomatie du Vatican n’est pas la même que celle des États-Unis. L’Impérialisme américain a décidé de faire plier le Vatican en tapant au portefeuille. Et cela va continuer.

En Chine, il y deux Églises : une souterraine et une officielle. Le Pape a décidé de reconnaitre officiellement l’Église officielle chinoise. C’est un soutien au régime chinois. Comme au Moyen-Orient. La politique du Vatican en Israël, en Palestine et au Moyen-Orient n’est pas celle des États-Unis. La politique des Etats-Unis c’est : plein soutien à Israël.

Mais comme il y a des communautés chrétiennes importantes au Moyen-Orient, le Vatican ne va pas sacrifier ses intérêts pour le compte de l’Impérialisme américain dans un soutien à Israël sans condition. En plus, le Vatican est pour l’internationalisation des lieux saints de Jérusalem. Israël ne veut pas de cela ! Tout doit revenir à l’Etat Juif d’Israël et rien pour les autres religions.

5°)- Dernière chose concernant l’action au quotidien. Il faut se battre sur tous les terrains pour ne rien lâcher. Sur notre terrain, la Libre Pensée, nous sommes assez satisfaits d’avoir fait avancer la jurisprudence laïque. On a, par tous les procès que nous avons menés, créé une jurisprudence laïque.

Robert Ménard ne veut rien savoir à Béziers, mais il pliera obligatoirement. Nous l’avons fait condamner 6 fois. Et on continuera ! Nous avons obtenu du Conseil d’État un arrêt fondamental sur les crèches dans les mairies et bâtiments de la République. Il y a des années, cela n’aurait pas été possible. Il a fallu que la Libre Pensée mène une action juridique conséquente pour obtenir cet arrêt qui fait date. C’est la plus haute juridiction administrative.

L’opinion publique est majoritairement pour la défense de la laïcité. C’est pour cela que les autres font ce qu’ils font sur la laïcité. Plus ils embrouillent, moins les gens comprennent. Mais quand les gens comprennent, ils comprennent ! Quand en 1994, Bayrou a voulu changer la loi Falloux, il a récolté un million de personnes dans la rue. Alors qu’il n’avait fait que reprendre le projet de son prédécesseur « socialiste ».

Notre travail est d’expliquer les choses pour que les gens comprennent. Quand ils auront compris, ils n’accepteront jamais que l’on remette en cause la laïcité, la démocratie, les Droits de l’Homme.