Quand le Gouvernement favorise un établissement de santé catholique intégriste.

Pour nous suivre

Le 3 octobre 2023, le Ministre de la santé et de la prévention a publié au Journal officiel de la République française (JORF) l’arrêté du 26 septembre précédent par lequel il a autorisé le détachement auprès de l’Institut Jérôme Lejeune (IJL) – qui gère un centre de soins pour les personnes atteintes de Trisomie 21, conduit des recherches sur les maladies génétiques de l’intelligence et assure des formations – de dix fonctionnaires sur les emplois suivants : directeur général (un), médecins (quatre), infirmiers diplômés d’État (deux), psychologue (un), orthophoniste (un) et assistant de service social (un).

Non seulement cette générosité en faveur d’un établissement privé intervient alors que la situation des hôpitaux publics est dramatique depuis des années – pour ne prendre que quelques exemples récents, signalons la fermeture des urgences du centre hospitalier de Bagnères-de-Bigorre ou celle de 103 lits de psychiatrie en Haute-Savoie – mais bénéficie à un organisme investi autant sur le terrain de la défense de la morale catholique que de la médecine.

Le 25 mars 1995, M. Jean-Marie Le Méné, gendre du professeur Jérôme Lejeune, décédé deux ans plus tôt, crée la fondation éponyme, la Fondation Jérôme Lejeune (FJL). Le 21 mars 1996, celle-ci obtient la reconnaissance d’utilité publique, dans un délai record. Il faut dire qu’à cette époque l’Esprit saint souffle fort sur la FJL pour l’aider dans son envol : Mme Clara Gaymard-Lejeune, la fille du professeur défunt, fondatrice elle aussi de la FJL, exerce les fonctions de directrice de cabinet de Mme Colette Codaccioni, Ministre de la solidarité entre les générations (17 mai au 7 novembre 1995) dans le premier gouvernement conduit par M. Alain Juppé puis son époux, M. Hervé Gaymard, autre gendre du professeur Jérôme Lejeune, devient Secrétaire d’État à la santé et à la Sécurité sociale (7 novembre 1995-2 juin 1997) dans le deuxième gouvernement dirigé par M. Alain Juppé.

L’Esprit saint est payé de retour dans les grandes largeurs. En 2009, M. Jean-Marie Le Méné, qui préside toujours la FJL, devient membre de l’Académie pontificale pour la vie puis, en 2011, consultant du Conseil pontifical de la pastorale des services de santé. Dès l’origine, la FJL comme personne morale soutient les campagnes anti-avortement et, en 2013, participe activement aux mobilisations contre le mariage entre personnes du même sexe de la Manif pour tous, dont la présidente, Mme Ludivine de la Rochère fut responsable de la communication de la FJL.

Le monde est petit ! Notons que cette fondation reconnue d’utilité publique n’a de cesse d’entraver la recherche sur l’embryon, pourtant fortement bridée par les lois successives de bioéthiques. En mars 2017, 146 médecins et chercheurs publient d’ailleurs une tribune dans le journal Le Monde pour dénoncer la frénésie contentieuse de la FJL qui n’a d’ailleurs jamais gain de cause.

Dès 1997, la FJL crée l’IJL qui vient de bénéficier de l’aide active du gouvernement de Mme Élisabeth Borne non pas à mourir mais à prospérer. S’il n’est pas question de contester les soins dispensés par cet institut, il paraît néanmoins inadmissible de dégarnir les effectifs des hôpitaux publics, confrontés à de fortes pénuries de personnel, en faveur d’un établissement privé qui sert aussi de paravent aux partisans d’un catholicisme intransigeant et d’une morale religieuse réactionnaire, voire d’actions violentes, contraires à la liberté de conscience et aux droits individuels qui en découlent.

L’intégrisme est partout, mais suscite de la part de l’État soit la bienveillance quand il se nourrit à Rome, soit la répression lorsqu’il s’alimente à La Mecque ou à Médine.

Paris, le 19 octobre 2023

TELECHARGEZ AU FORMAT PDF