Solidarité des Libres Penseurs
En ces temps difficiles pour tous, il ne sera pas possible de tenir les banquets traditionnels de la Libre Pensée du vendredi dit « malsains » prévus autour du début avril.
Ces banquets ont pour objet de célébrer la liberté de conscience et sont placés sous la marque du refus des interdits de toutes sortes et notamment religieux. Aujourd’hui malheureusement, les interdits prolifèrent au lieu de reculer.
Ces agapes laïques sont aussi le moment de prendre des nouvelles de tous et de marquer la profonde solidarité fraternelle qui unit les Libres Penseurs entre eux.
C’est pourquoi, la Fédération nationale de la Libre Pensée, pour marquer quand même ce moment, a décidé de faire connaitre son Discours virtuel pour un Banquet virtuel afin de montrer la chaine d’union qui unit dans le temps et dans l’espace tous les libres penseurs.
Cette chaine d’union vient du passé et tire vers l’avenir en éclairant le présent.
La Fédération nationale de la Libre Pensée adresse ses plus profondes pensées de solidarité à tous les libres penseurs et à l’ensemble des militants de la laïcité de ce pays.
La Fédération nationale de la Libre Pensée
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Chers camarades libres penseurs,
Chers amis laïques,
Comme le veut la tradition multiséculaire de la Libre Pensée, nous étions entrés dans une période de préparation des banquets du vendredi malsain, dits « banquets gras ».
Faisons un peu d’histoire pour l’expliquer
C’est le 4 avril 1895, à Paris, avenue de Saint-Mandé, dans le haut lieu de la gastronomie libre penseuse qu’était le Salon des Familles, qu’est organisé le « banquet Berthelot ». Ce banquet rendait hommage à la science contre le dogme religieux, pour répondre à des attaques menées contre la science, par le très réactionnaire Ferdinand Brunetière, directeur de La Revue des deux Mondes, dans un article intitulé « Après une visite au Vatican » et auquel Marcellin Berthelot, le grand savant, avait répliqué.
Huit ans plus tard, le vendredi dit saint d’avril 1903, sous la présidence de l’écrivain Octave Mirbeau, un repas gras est organisé auquel participent mille convives. C’était en pleine bataille pour la loi de Séparation des Églises et de l’État. Il s’agissait alors d’instituer de manière durable la liberté de conscience et de limiter la religion à la sphère privée, la foi étant une manière parmi d’autres de vivre sa spiritualité. Il était alors question de parfaire les hautes valeurs de la République pour qu’enfin prévalent les principes de la Révolution Française qui, pas plus que la Commune de Paris, n’avait réussi à édifier un mur de séparation suffisamment solide pour résister à la réaction.
De 1879 à 1939, ce sont des centaines de repas gras qui ont lieu tant dans les grandes villes que dans les cantons ruraux. C’est avec cette tradition que la Libre Pensée a renoué, avec ses banquets républicains centrés sur la défense des valeurs républicaines et rationalistes, le 21 janvier et le vendredi dit saint, et même « malsain » pour reprendre la plaisanterie de la Libre Pensée.
Posons-nous une question : pourquoi le banquet, la pensée libre et l’exigence du respect de la liberté de conscience font-ils si bon ménage depuis la nuit des temps ?
La première raison est que les religions monothéistes ont édicté de nombreux interdits parmi lesquels les prohibitions culinaires prennent une place importante. Souvenez-vous : quand la Cène a lieu, avec les douze apôtres et Judas, elle annonce le malheur du lendemain !
La seconde raison du compagnonnage du banquet et de la pensée libre est que l’un et l’autre font œuvre de civilisation. Le déipnon privé dans l’Antiquité grecque est à la fois le rappel que les hommes et les dieux vivaient ensemble au début du monde et qu’un moment doit être voué à la poésie, la symposion, le second temps du repas réservé aux libations. Le Banquet de Platon, au cours duquel s’expriment librement les points de vue sur l’amour, est l’archétype même du festin offert à ses amis par l’amphytrion, l’hôte.
Mais le banquet grec est aussi public. Le banquet est à Athènes une manière de célébrer la démocratie. Des représentants du peuple y sont conviés à tour de rôle. Le sage Périclès les apprécie, mais se méfie des agapes fastueuses organisées à des fins tyranniques par Alcibiade, l’aventurier qui trahira Athènes pour Sparte.
Plus près de nous, l’art de la table connaît son apogée au XVIIIe siècle en Europe. Il symbolise l’essor de la civilisation. Voltaire dira : « Cette liberté de table (liberté des propos et des opinions) est regardée en France comme la plus précieuse liberté qu’on puisse goûter sur terre » Le banquet d’avant la Révolution française, dans certains milieux éclairés, est à l’image, en effet, de la fête de l’esprit qu’est le Siècle des Lumières.
Ces banquets sont placés sous la marque du refus des interdits de toutes sortes et notamment religieux. Aujourd’hui malheureusement, les interdits prolifèrent au lieu de reculer.
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Nos amis de la Ligue des Droits de l’Homme ont publié le 19 mars 2020, un communiqué avec lequel on ne peut qu’être d’accord :
« Après l’Etat d’urgence, l’état d’urgence sanitaire
Le gouvernement va faire adopter, en 48 heures, par le parlement, un projet de loi qui autoriserait la création d’un état d’urgence sanitaire, lequel lui conférerait des pouvoirs extrêmement larges et donc dangereux.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) relève que l’article L3131-1 du Code de la santé publique prévoit déjà, et de manière toute aussi dangereuse, de nombreuses mesures, y compris individuelles. Les mêmes termes sont d’ailleurs repris dans le projet de loi du gouvernement.
Elle constate que les dispositions appelées à être votées permettront, comme pour l’état d’urgence, de maintenir en application des dispositions limitant les libertés individuelles et collectives pour une durée laissée, en fait, à la libre appréciation du pouvoir exécutif et de sa majorité parlementaire.
La création d’un comité scientifique, dont la composition reflète le manque d’indépendance, n’est pas de nature à offrir quelque garantie que ce soit.
Dans ce contexte, le recours à des ordonnances, dont une partie porte atteinte directement à certains droits sociaux, ne peut qu’accroître l’inquiétude. Elle s’étonne donc que le moratoire sur les coupures de gaz et d’électricité s’applique aux petites et moyennes entreprises (PME) et pas pour les personnes les plus démunies.
Après des élections municipales tantôt validées, tantôt reportées, c’est encore la vie démocratique du pays qui est mise en cause par la précipitation à faire adopter un texte qui n’est pas évidemment nécessaire.
Tout en ayant conscience de la nécessité de mettre en œuvre les mesures essentielles à juguler l’épidémie en cours, la LDH entend rappeler avec force que cela ne saurait autoriser les pouvoirs publics à porter atteinte aux libertés au-delà de ce qui peut être strictement indispensable à la lutte contre l’épidémie.
Elle entend aussi rappeler que les personnes résidant en France en situation de fragilité ou sous la responsabilité des pouvoirs publics doivent bénéficier de mesures spécifiques de nature à ce qu’elles ne soient pas pénalisées du fait de leur situation. »
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Nos Fédérations départementales nous informent les unes après les autres qu’elles annulent, contraintes et forcées, la tenue de nos banquets contre les interdits.
Nous ne pourrons pas, sauf virtuellement, manger gras ensemble le « vendredi-dit-saint ». Souvent, le caractère convivial de cette rencontre était l’occasion de voir des libres penseurs qui participent peu aux réunions et permettait de s’enquérir de leur état de santé, de leurs besoins. La crise sanitaire et les mesures gouvernementales font aujourd’hui que nos convives peuvent avoir dans leur entourage immédiat des personnes, dont les ressources ou les moyens d’accompagnement ont été brutalement affectés.
A ceux-là il faut rappeler qu’Entraide et Solidarité des Libres Penseurs de France est précisément une association qui peut fournir, grâce aux dons et legs, une aide immédiate, rapide et discrète, sans condition d’adhésion ou de formalités compliquées. Il ne s’agit pas de charité : il s’agit de maintenir nos amis et camarades et leurs familles, adhérents ou non, en condition de se battre contre l’obscurantisme. Et pour cela… il faut vivre.
Adressez vos demandes à resp.commi-sociale@orange.fr ou à votre Fédération départementale.
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Aujourd’hui, le pays est confiné, les déplacements interdits. Nous sommes tous en résidence surveillée. Et chacun s’interroge : qui est responsable, que faut-il faire dans la situation ?
En 1720, Daniel Defoe, l’auteur de “Robinson Crusoë”, écrit le “Journal de l’année de la peste“, passionnante description romancée du fléau qui dévasta Londres en 1665. Prémonitoire.
Extraits : “Ce fut une grande inadvertance qu’une cité aussi importante n’eût qu’un seul hôpital pour les pestiférés, celui qui se trouvait au delà de Bunhill Fields et qui ne pouvait recevoir, au mieux, que deux à trois cents personnes. Y eût-il eu, au lieu de cet unique établissement, plusieurs hôpitaux, capables de recevoir chacun plusieurs milliers de malades (…), toutes ces mesures eussent-elles été prises, je suis persuadé que plusieurs milliers de gens ne seraient pas morts.”
“Jamais, sûrement, cité de cette grandeur et de cette importance ne fut surprise dans un tel état d’impréparation à pareille épreuve, qu’il s’agisse de mesures civiles ou religieuses. C’était, en vérité, comme si l’on avait eu aucun avertissement, que l’on ne se fût attendu à rien, que l’on eût rien eu à craindre, de sorte que l’on se trouva vraiment devant un minimum de mesures publiquement prises.
J’ai souvent réfléchi à l’état d’impréparation où se trouvait la grande masse du peuple au moment où cette calamité tomba sur lui et combien ce fut le défaut de mesures et de dispositions prises en temps utile qui fut cause de toute la confusion qui suivit. Ce fut la raison du nombre prodigieux des gens qui succombèrent dans ce désastre, alors que cela eût pu être évité, la Providence aidant, si les mesures convenables avaient été prises ; et la postérité pourra, si elle le trouve bon, en tirer l’avertissement ainsi donné. »
Cela, c’était hier. Et aujourd’hui ?
Voici ce qu’en disent les Unions régionales d’Ile-de-France : « Les URIF (FO, CGT, FSU, Solidaires, UNEF, UNL) condamnent les contradictions insupportables du discours gouvernemental qui rend hommage aux «héros en blouses blanches», alors que le ministère de la Santé a fermé plus de 4 000 lits en un an, qu’il se refuse à mettre à disposition le matériel de protection indispensable aux personnels, à ouvrir le moindre lit, à créer le moindre poste supplémentaire dans les hôpitaux pour faire face à la propagation du virus.
Les URIF considèrent que le moyen le plus efficace pour conjurer la catastrophe sanitaire annoncée, ce n’est pas seulement de respecter les gestes barrières, c’est aussi et surtout de rétablir tout de suite les lits qui ont été supprimés depuis des années, de créer sans attendre les postes nécessaires à la prise en charge de tous les patients (ceux atteints du Covid-19 et les autres) et de doter tous les personnels hospitaliers des moyens matériels indispensables à leur protection (masques FFP2, solutions hydroalcooliques, gants, lunettes de protection, surblouses).
Se refuser à le faire, c’est se résigner à accepter l’inacceptable, à savoir se préparer à la «priorisation» dans l’accès aux soins : en clair, qui sera soigné et qui ne le sera pas… »
Nous ne pouvons accepter l’inacceptable. Le gouvernement a déclaré que toutes les réformes étaient « gelées » du fait de la pandémie. Alors comment comprendre que le Ministère de l’Intérieur vient de contacter la Libre Pensée pour l’informer que des propositions sur la question des cultes vont lui être présentées prochainement ?
Chers camarades libres penseurs,
Chers amis laïques,
Restons unis et solidaires. Tenons-nous prêts à
nous mobiliser pour la défense de la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Églises et de l’État.
Cordialement
La Fédération nationale de la Libre Pensée