Benjamin Franklin (1706-1790), imprimeur et écrivain, l’un des cinq rédacteurs de la Déclaration d’indépendance de la République des États-Unis, avait dit «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.»La Vème République a porté au pinacle cette prédiction.
Avec l’avènement d’Emmanuel Macron, la répression n’a jamais été aussi massive, violente, disproportionnée et attentatoire aux libertés fondamentales.
C’est la première fois, comme nous l’analysons dans notre numéro d’Arguments «Pour en finir avec la Vème République», que le «Bonapartisme» en place n’a aucune base ni sociale, ni politique. Il ne tient que par la répression toujours plus forte, ajoutée à une dose de mépris toujours plus grande.
Dominique Goussot dans cette étude pointue revisite la formule de Benjamin Franklin, dans une étude en trois parties:
- Les libertés et le maintien de l’ordre: une difficile conciliation
- Étatisation de la police et restriction des libertés
- Des modalités insuffisantes de protection des libertés et de contrôle de l’activité policière
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Tout ceci a une Histoire. C’est le Régime de Vichy qui crée la Police nationale par la loi du 2 avril 1941 par la coordination de trois grands services alliant le Renseignement politique, la Police judiciaire et la Sécurité publique pour en faire un instrument de répression à la botte du pouvoir.
Nous vous invitons à regarder un documentaire sur A2 « La police sous Vichy » (accessible en replay) qui montre cela à l’évidence.
Ces Forces de l’Ordre sont plutôt de l’Ordre de la Force. Dominique Goussot note ainsi : « Cette Police nationale compte actuellement 150 000 agents. Ses effectifs excèdent très largement ceux des polices municipales qui en comptent 33 000, soit cinq fois moins, dont 20 000 sont armés et plus de huit mille exercent les fonctions d’adjoints de sécurité de la voie publique (ASVP). »
Au passage, il explique, ce qui ravira les amateurs de Michel Audiard et de tant d‘autres amateurs de l’Argot parisien, que les expressions « les Poulets et la Poulaille » viennent du fait que la Préfecture de Police de Paris fut installée depuis 1871 dans un vaste bâtiment de l’Île-de-la-Cité, édifié sur l’emplacement de l’ancien Marché aux volailles, la Préfecture de Police de Paris abrite, comme il se doit, des « poulets ».
Forte actuellement de 43 000 agents, dont 27 000 policiers et 8 500 sapeurs-pompiers militaires, la Préfecture de Police, que tous les régimes ont préservée dans son jus bonapartiste, constitue un État dans l’État, souvent critiqué, mais jamais affaibli.
Il est assez hallucinant et illustratif que les mécanismes dits de « contrôle » émanent de ceux qui doivent être contrôlés. C’est l’un des rares cas en Europe et dans le monde. La Police (IGPN, IGS) et la Gendarmerie (IGGN) se contrôlent elles-mêmes. C’est le « contrôlé » qui contrôle. C’est un peu comme si, dans un cursus universitaire, c’était l’étudiant qui s‘attribuait sa note de contrôle !
La répression se fait dans tous les domaines. Une loi récente proposée par une ministricule voulant pénaliser les parents de l’attitude supposée de leurs enfants ne se conjugue qu’avec la répression. Aucune mesure sociale, ce n’est que de la répression punitive.
Ce régime ne survit que par la répression. Les Forces de l’Ordre sont devenues la Garde Prétorienne d’un Régime à l’agonie. Ce faisant, le Gouvernement cède tout aux « syndicats » de policiers qui en redemandent toujours plus, comme il le fait pour l’armée ; après avoir connu une période de grand froid au début du Premier Quinquennat, la Loi de Programmation Militaire accorde 413 milliards en 5 ans à la Grande Muette. Ce déchainement prolifique financier n’est pas de même nature pour la Justice, l’enfant pauvre du système. Il y a aujourd’hui quasiment autant de Magistrats qu’à la moitié du XIXe Siècle pour une population qui a doublé. Il est vrai, qu’au nom du Principe de Séparation des Pouvoirs, la Justice ne peut être aux ordres directs de l’Exécutif, contrairement à la Police et à la Gendarmerie qui doivent être les exécutants dociles du Pouvoir.
Il est vrai que pour maintenir un Gouvernement à l’agonie, il a plus besoin de policiers que de personnels enseignants, hospitaliers, médicaux. Un vertige est en train de saisir le pouvoir, il est minoritaire dans le pays, minoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat, minoritaire dans le monde social. La quasi-totalité des Ministres sont inconnus du public, ils changent tout le temps. Cela nous rappelle que dans l’Empire Romain, entre 14 et 192, il y eut 14 Empereurs et entre 193 et 293, ils furent plus de 70. Et au bout : la Chute de l’Empire romain.
Il ne lui reste plus que sa « Garde prétorienne » pour espérer tenir face aux déferlements de plus en plus massifs du pays qui ne veut plus de ce Pouvoir qu’il exècre. Tout le pays a encore en images la violence policière déchainée contre les Gilets Jaunes, et les militants syndicalistes qui n’avaient que le tort de défendre leur Droit à la Retraite. La tempête qui s’est levée contre les assassinats de jeunes par des policiers toujours impunis ne peut s’expliquer que sur ce fond de violence déchainée par le Pouvoir contre tout ce qui s’oppose à sa volonté totalitaire et oppressive.
« Qui sème le vent récolte la tempête » dit-on. Et la tempête s’est déjà levée, toujours plus forte, et emportera tout. On est ainsi frappé que la haine massive contre Nicolas Sarkozy, le mépris non moins massif pour François Hollande ne sont en fait rien, ou pas grand-chose, à côté de la colère et de la haine contre Emmanuel Macron. Haine dont il est le seul responsable.
Emmanuel Macron devrait se souvenir de plusieurs choses que l’Histoire nous enseigne. Les Forces de répression sont les nouveaux Gardes Suisses du Régime. Ils ont tiré sur le Peuple et la Monarchie fut balayée. Le mépris affiche de la morgue macroniste : « Si tu veux un boulot, traverse la rue » ou « Qu’ils viennent me chercher », cela résonne comme « Ils n’ont pas de pain ? Qu‘ils mangent de la brioche ! ». Et les coups de menton de matamore rappellent ceux de Mussolini.
Tout le monde sait comment cela s’est terminé. Et cela se terminera de la même manière pour Emmanuel Macron. On n’humilie pas impunément le Peuple, sans qu’il y ait une réaction à la mesure. Et comme en 1789, cela risque fort de devenir : « Paix aux chaumières et Guerre aux châteaux ».
Cette répression accrue contre le Peuple dans toutes ses déterminations s’accompagne d’un dispositif de répression législative jamais vu.
Ainsi la loi « Séparatisme » du 24 août 2021 confortant « le respect des principes de la République » porte atteinte à trois libertés fondamentales que celle-ci a pourtant consacrées depuis plus d’un siècle, par les lois de 1901 et 1905, 1907 :
- D’abord, dans le cadre de l’obligation scolaire, le droit ouvert aux familles par la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire de délivrer une instruction à domicile à leurs enfants n’est plus accordée de droit, mais sous des conditions exorbitantes.
- Ensuite, la liberté d’association instituée par la loi du 1er juillet 1901, est remise en cause par la menace permanente de dissolution, par le chantage aux subventions conditionnées par la soumission à l’idéologie d’État.
- Par le contrôle accru des Cultes où c’est le Préfet qui décide de ce qui est religieux ou pas, ce qui est une violation flagrante de la Loi de 1905 qui assure la liberté de conscience et garantit la liberté des cultes.
C’est tout l’édifice « républicain et démocratique » qui est démantelé au nom des intérêts du Capital financier et de la recherche d’un profit effréné pour les spéculateurs et les parasites de l’économie.
La nécessité d’une répression accrue nécessite de ne pas faire la fine bouche pour le recrutement des policiers. Ainsi, toutes les études montrent que la « qualité » du recrutement ne cesse de baisser et que le nombre « d’accidents » entrainant la mort de jeunes, tués par balle, voir exécutés littéralement, s’explique par un manque de formation patent et aussi par des indications officielles comme la loi du 28 février 2017 de Bernard Cazeneuve qui ne peuvent que faciliter, voir provoquer de tels déclenchements du feu par armes.
Comparaison n’est pas raison, certes, mais il y a certaines analogies. Dans mon Histoire de la Milice publiée dans La Libre Pensée dans la Résistance (La Milice de Vichy n’est quand même pas sans rapport avec la question des Forces de l’Ordre), je notais : Le recrutement de la Milice peine à se faire, une volonté de grande sélection de « qualité morale » est affichée au début, mais c’est la quadrature du cercle pour le recrutement. Alors, on fera appel aux voyous, délinquants, taulards, la pègre des bas-fonds pour remplir les objectifs de recrutement. Ceux-ci vont introduire la mentalité des « bandes » qui divisera profondément les Miliciens même aux heures difficiles des combats. »
Cette inquiétude légitime sur la formation des policiers ne peut que s’accroitre quand on voit que le nombre de gens armés, plus ou moins, chargés de la « sécurité » ne cesse de s’amplifier sous diverses formes et prétextes. Quand on voit aussi que les critères de « responsabilité et de formation » n’ont cessé de diminuer dans le recrutement des personnels de sécurité pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024 pour obtenir l’encadrement nécessaire des épreuves.
Dans une société où les forces de production s’effondrent au profit du circuit spéculatif et financier, la « Sécurité » devient un secteur très important dans un pays qui connait une violence accrue et pas seulement de « voyous », mais aussi où l’État l’utilise à ses propres fins.
C’est pourquoi, nous avons jugé utile de demander à Dominique Goussot de procéder à cette étude et de la publier en la diffusant largement. Ces questions de l’Ordre et des Forces de l‘Ordre appartiennent à tous nos concitoyens, le débat doit avoir lieu. C’est le sens de la publication de ce nouveau numéro de notre Collection Arguments.
Pour terminer sur une note qui se veut humoristique (quoique…), comment de pas penser à la formule de Coluche : « C’est curieux, il parait que la police est faite pour protéger et rassurer les gens, mais plus il y a de policiers, plus les gens ont peur ». Il y a matière à réfléchir indéniablement.
Bonne lecture !
Christian Eyschen
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